Les attentats enregistrés au Mali, en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso ont été prétendument revendiqués par Aqmi, devenue une vraie centrale du terrorisme qui compte en son sein plusieurs groupes. En effet, comme le nous le confie un expert de la lutte contre le terrorisme, Aqmi n’est autre qu’un label sous le couvert duquel agissent des groupes terroristes autonomes. Selon plusieurs indices convergents, les terroristes qui sont en train de s’activer entre la Côte d’Ivoire, le Mali et le Burkina Faso viendraient du Front de libération du Macina dirigé par Hamadoun Koufa et Ansar Eddine fondé par Iyad Ag Ghali. Ils ont été confondus par un procédé.
Affaiblis après la libération du nord du Mali par la coalition menée par la France, les différents groupes djihadistes n’avaient d’autre choix que de se recomposer pour survivre et prétendre avoir le minimum de capacité de nuisance. Moktar Belmoktar venait de divorcer d’avec le Mujao décapité par la suite, pour créer avec Ahmed Tilemsi les «Signataires du sang» devenus par la suite les « Al Mourabitounes ». Ahmed Tilemsi a joué un grand rôle dans l’enrôlement au sein du Mujao de combattants Arabes du Tilemsi, venus s’ajouter aux Peuls et Songhaïs des régions de Gao, Tombouctou et Mopti, en plus d’éléments, moins nombreux, venant d’autres pays comme l’Algérie principalement, ensuite les pays de l’Afrique de l’ouest.
Une partie de l’ex-Mujao a rejoint Hamadoun Koufa, tandis qu’une poignée d’ex-Mujao a préféré rester sur place pour se constituer en une bande terroriste beaucoup plus attirée par le pillage et le trafic de toutes sortes. Se déplaçant en motos et armés de kalachnikovs et des lance-roquettes, ils agissent principalement dans une bande comprise entre la Frontière du Niger, Ménaka et Ansongo.
Aqmi, de son côté, venait de perdre son chef de guerre redouté, en l’occurrence Abou Zeid, grand rival de Moktar Belmoktar. Abou Zeid est tombé sous les balles des troupes tchadiennes au nord du Mali. Iyad Ag Ghali, lui aussi a été lâché par le Mnla qui a su se démarquer de lui – en tout cas officiellement- pour ne pas être considéré comme un groupe terroriste et traité comme tel par la communauté internationale. Les différentes résolutions des Nations-Unies ayant abouti à l’envoi de casques bleus et le processus de réconciliation engagé au Mali, ont contribué à isoler Iyad Ag Ghali, même s’il reste dangereux comme un fauve blessé.
C’est dans ce contexte que le prêcheur Hamadoun Koufa, qui s’était déjà autoproclamé Emir de Konna dès la prise de cette localité par les envahisseurs djihadistes en 2013, va resurgir après plusieurs mois de disparition pour annoncer la création du Front de libération du Macina, composé au départ de jeunes éléments qu’il avait pu endoctriner et enrôler auparavant dans les rangs d’Ansar Eddine. L’on se rappelle qu’Amadoun Koufa se vantait d’avoir beaucoup contribué à la prise de Konna, avec son armée de plus de cinq mille jeunes qu’il avait recrutés dans la région de Mopti.
Il avait disparu dès les premières heures de l’intervention française à Konna. En un moment donné, on l’avait même donné pour mort. Alors que, laissant une bonne partie de ses troupes se fondre dans les populations, il s’était retranché dans un pays voisin du Mali avec des centaines de fidèles qui constitueront plus tard le noyau du groupe terrorisme si mal nommé, Front de libération du Macina.
Chacun des groupes terroristes devient une katiba d’Aqmi.
Il est clair qu’aucun de ces groupes, pris individuellement, ne peut résister à la grande battue organisée par l’opération Barkhane, la forteresse érigée par la Minusma et la montée en puissance des forces armées maliennes. En effet, la coalition internationale antiterroriste en activité dans la bande sahélo-saharienne va pousser tous ces petits groupes à se regrouper sous le couvert du label Aqmi pour pouvoir survivre. C’est cette raison essentiellement qui a poussé Moktar Belmoktar à faire allégeance à Aqmi, une organisation qui l’a formaté, mais qu’il a eu à détester farouchement en un moment donné parce qu’on ne lui² a jamais reconnu un tantinet de leadership. Il y retrouve Sariat al-Forqane, une branche d’Aqmi dirigée par l’Algérien Yahia Abou el-Hammam et qui est cité comme ayant participé à l’attaque du Radisson de Bamako, mais très connu pour l’enlèvement spectaculaire, le 25 novembre 2011, de touristes européens à l’auberge Al Lafia de Tombouctou.
La fin justifiant les moyens, Iyad Ag Ghali aussi se voit obligé de mettre son association criminelle sous le joug d’Aqmi qui symbolise donc la jonction de ce qui reste des groupes terroristes. Mais selon des sources bien au fait de l’organisation de ces groupes terroristes, Iyad Ag Ghali serait comme un coordonnateur en manque de combattants, mais qui fait appel au service des autres, fort de sa puissance financière. Et Amadoun Koufa serait son principal pourvoyeur de combattants.
Selon les confidences d’un expert de la lutte contre le terrorisme, chaque groupe garde son autonomie au sein d’Aqmi et devient donc une katiba. Pour l’identification des combattants, un suffixe est adjoint à chaque nom pour désigner la katiba d’appartenance.
Un procédé d’identification des combattants qui indique la katiba d’appartenance
Ce procédé a permis de comprendre que deux des terroristes de Grand Bassam sont du groupe de Hamadoun Koufa et le troisième appartiendrait à Ansar Eddine. En effet, le communiqué de revendication d’Aqmi, écrit en arabe et diffusé via l’application de messagerie instantanée Telegram, explique que trois assaillants ont pris part à l’attaque. Ce communiqué précise les noms des assaillants tués par les forces de sécurité ivoiriennes : ils répondraient aux noms de: Hamza El-Foulani, Abderrahmane El-Foulani et d’Abderrahmane El-Ansari.
Il nous revient que le suffixe El Foulani, serait l’identification d’appartenance au mouvement dirigé par Hamadoun Koufa et Ansar l’identification des combattants d’Ansar Eddine qui a comme chef de katiba, Iyad Ag Ghali.
Selon des informations recoupées au niveau de nos sources sécuritaires dans plusieurs pays de la sous-région, on admet de plus en plus que les attentats qui se déroulent au Mali, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire sont, pour la plupart, des opérations montées au nord du Mali par ces deux groupes terroristes qui se fondent dans Aqmi pour ne pas revendiquer de façon directe et personnelle leurs actes barbares. Et notre interlocuteur de nous rappeler qu’aussitôt après l’attentat perpétré contre l’hôtel Byblos de Sévaré, le groupe de Hamadoun Koufa l’avait revendiqué, avant d’être supplanté par Aqmi quelques heures plus tard. Il s’agissait d’’une rectification en termes de stratégie, selon un des experts rencontrés. La même confusion a eu lieu entre ces groupes armés lorsqu’il s’est agi de revendiquer l’attentat contre l’hôtel Radisson Blu de Bamako.
Et il rappelle que depuis un certain temps, ce cafouillage a tendance à disparaître, mais l’on comprend bien qu’il y a une passerelle entre ces différents groupes. Les dernières arrestations opérées au nord du Mali, suite à l’attentat de Grand-Bassam, en Côte d’Ivoire, en disent long sur l’interconnexion entre le Front de libération du Macina d’Amadoun Koufa et Ansar Eddine d’Iyad Ag Ghali qui profitent de l’omerta complice de leurs anciens alliés du Mnla et de l’ex-Mujao.
ABN
Source: L’Indicateur Du Renouveau