On les croyait bien à l’abri du besoin pour avoir pitié des pauvres citoyens. On les croyait tout aussi très bons musulmans pour s’interdire de tricher ou de voler les plus démunis et l’Etat. Mais si ces grands opérateurs économiques à la panse toujours rebondis se révélaient être les plus grands criminels du Mali, ne désespérez pourtant pas de la justice divine. Elle seule, face à la démission des hauts responsables de la nation, peut faire rendre gorge aux suceurs de sang humain et redonner la sérénité au peuple meurtri, triché et volé. Du moins, il faut croire que c’est ce qui adviendra comme solution à l’histoire que vous allez lire.
En termes d’approvisionnement du marché national en sucre, 2010 n’a en effet pas ressemblé aux années précédentes. En lieu et place des traditionnelles exonérations auxquelles il avait habitué les importateurs, l’Etat a mis en place l’opération de jumelage (achats et enlèvement du sucre de Sukala-SA et importations) comme un outil de régulation du marché. Le département de l’Industrie et du Commerce a même signé avec des opérateurs économiques des cahiers de charges individuels pour la commercialisation du sucre au titre de la campagne 2009-2010. Ces cahiers de charge fixaient les conditions d’importation et de distribution du sucre, notamment les prix de vente plafond de gros et de détail, ainsi que les quantités à mettre sur le marché par mois suivant un planning prévu à cet effet.
Ainsi, selon la clé de répartition admise par tous, Bakoré Sylla du Grand Grenier du Bonheur et Modibo Keïta du GDCM ont bénéficié chacun d’un quota de 11 000 tonnes qu’ils devaient, chacun en ce qui le concerne, acheter avec Sukula-Sa. Chose qui les autorisait en plus d’importer le triple, soit 33 000 tonnes chacun.
Quant à Djigué-Sa et société Abdoulaye, ils devaient acheter chacun 35 000 tonnes à Sukala-Sa pour pouvoir importer le triple, soit 105 000 tonnes chacun durant le mois de décembre 2009 à septembre 2010.
Sodima d’Ousmane Niangado et SMA de Ben Moctar, dans la même veine, se devaient chacun d’acheter 3000 tonnes afin de pouvoir importer 9 000 tonnes chacun durant la période allant de décembre 2009 à septembre 2010. Somayaf de Cheick Oumar Yattassaye, Batex-ci de Bakary Cissé et la société Sacko ont bénéficié, au bénéfice des mêmes accords, d’un quota de 5000 tonnes à acheter à Sukala-Sa donc, 15 000 tonnes à importer.
A la date du 28 février huit sur neuf de ces importateurs étaient en règle par rapport au calendrier. Mais le succès sera de courte durée pour certains opérateurs économiques qui, au lieu de destiner le sucre importé à la consommation nationale pour laquelle l’Etat a consenti des facilités par respect pour les citoyens pendant la période du ramadan, ont préféré organisé une crapuleuse rétention de leurs marchandises en les stockant tout simplement dans des magasins en attendant de les mettre sur le marché au moment où les prix redeviendront plus intéressants. On sait que grâce à cette opération de jumelage (achats et enlèvement du sucre de Sukala-SA et importations), le prix du sucre au kilogramme ne devait pas dépasser les 600 F CFA sur le marché national. Et la réalité est qu’aujourd’hui il frôle la barre de 750 à 800 F CFA dans certains pays voisins. Les colossaux efforts consentis par les autorités de l’Etat pour le bonheur des consommateurs ont été tout simplement appréciés humainement et moralement hors de nos frontières. Ce qui met bien évidence la cupidité criminelle de nos opérateurs économiques nationaux.
Selon nos informations, suite à une inspection faite par des services compétentes du ministère de l’Industrie et du Commerce, d’importantes quantités de sucre importé sous le régime de « l’opération de jumelage » dorment dans des magasins de presque tous les bénéficiaires de l’opération, à l’exception d’un, alors le prix de la précieuse denrée ne cesse de grimper. Cette rétention n’a nul autre motif que de revendre le produit plus cher.
Informé de la situation, le chef de l’Etat, Amadou Toumani Touré, aurait ordonné des sanctions à l’encontre desdits opérateurs qui se sont individuellement engagement devant Dieu et les hommes de mettre à la disposition des consommateurs les quantités de sucre importé au prix contractuel de 550 F CFA le kilogramme. Le constat est que de nos jours ces mêmes quantités se vendent au prix de 650 F CFA sur certains marchés du district de Bamako. Autant dire que les pauvres, l’écrasante majorité de nos concitoyens qui n’ont pas un dollar ( moins de 500 F cfa actuellement) par jour, doivent se résigner à faire leur deuil du sucre. De cela, les organisations de défense des consommateurs ne pipent mot. Mais là n’est pas le plus révoltant. Ce qui est attendu, c’est le comportement des plus hautes autorités de la République face au vol organisé contre l’ensemble des citoyens. En effet, la question qui se pose est de savoir si les menaces de sanctions se traduiront en actes concrets quand on sait que de nombreuses menaces du genre se sont avérées sans effets sur les mêmes opérateurs économiques. Et puis, il est inscrit désormais sur tous les murs du Mali que l’impunité est le gage certain et la règle d’or de la bonne gouvernance.
Housseyni Guindo et Assif Tabalaba
Le National 3012/2010