ATT ET LA CRISE DE KIDAL: Eviter la guerre !

Octobre 2011 : la Libye vit les dernières heures du régime de Mouammar Kadhafi, pris pour cible par une coalition occidentale. Outre les bombardements contre les forces libyennes, d’intenses manœuvres sont menées par la coalition en vue de faire chuter le régime de Kadhafi. Ainsi, la légion touarègue de l’armée libyenne est infiltrée par les services occidentaux. Objectif : provoquer la désertion des soldats touaregs, afin de fragiliser l’armée libyenne. Ce travail d’infiltration opéré en Libye, a bénéficié de concours extérieurs, notamment de certains leaders de la communauté touarègue basée au Mali et au Niger. Dans notre pays, Iyad Ag Ghaly, le chef rebelle des années 1990, aurait joué un grand rôle dans cette opération menée par la France, les Etats-Unis et le Qatar. Comment la désertion s’est-elle organisée ? Des promesses ont-elles été faites aux déserteurs ? Pour l’instant ces questions donnent lieu à beaucoup de commentaires et d’interprétations.

 

Cela, à cause de l’attitude adoptée depuis leur retour au Mali par certains déserteurs. Ceux-ci se sont directement repliés dans les montagnes de Kidal. Ces soldats sont estimés à 400 ou 500 éléments dont des officiers. Dans leur désertion, ils ont emporté une quantité importante d’armes et de munitions de l’armée libyenne. Au même moment, les autorités maliennes qui avaient eu vent de cette « opération désertion » ont préparé le terrain. Un dispositif est mis en place à Kidal pour l’accueil et l’installation des revenants. Des sites avaient été préparés dans les environs de Kidal. Mais, les autorités du pays n’avaient guère prévu un changement d’itinéraire pour ces revenants. En clair, les autorités maliennes étaient loin d’imaginer que certains soldats allaient se mettre en marge de ce dispositif d’accueil qui finalement a servi à mettre sous abri, environ 300 combattants. Ils sont tous de la tribu Imghad. Constitué d’officiers, de sous officiers et de soldats, ce groupe a d’emblée affirmé ses intentions aux autorités : l’appartenance au Mali, la consolidation de l’unité nationale et une volonté de paix. Et pour joindre l’acte à la parole, ces soldats ont remis tout leur arsenal aux autorités.

Les montagnes fissurées

Mais au même moment, ceux (les soldats) retranchés dans les montagnes rentraient progressivement dans une logique de rébellion. Quatre groupes se formèrent sur des considérations tribales. Ainsi, du coté des Ifogas, un groupe passe sous la coupe de Iyad Ag Ghaly, qui, selon certaines sources, aurait l’intention de former un Mouvement islamiste pour « déclencher la Jihaad » contre l’Etat malien. Un autre groupe d’Ifogas se réclame de feu Ibrahim Ag Bahanga, l’ex rebelle qui s’était réfugié en Libye en 2009. Il y avait côtoyé la communauté touarègue pendant son exil. Aujourd’hui, un de ses parents a pris la tête de tous ceux qui (parmi les revenants) se réclament du «combat de Bahanga ». Un troisième groupe serait commandé par un député qui a déserté l’hémicycle. A ces différents groupes, se sont associés certains officiers et soldats de l’armée et de la garde nationale. Tout comme les déserteurs de la Libye, ceux d’ici ont également déserté de l’armée malienne et emporté du matériel militaire. Une fois dans les montagnes, les soldats déserteurs de l’armée malienne ont tenté d’intégrer les différents groupes déjà en place. Pour certains, l’intégration n’a été possible pour diverses raisons. L’on indique que le colonel Ba Moussa « multi déserteur » a carrément été refoulé, lorsqu’il s’est présenté en compagnie d’une poignée de gardes amenés dans ses…bagages.
Aujourd’hui, isolé, cet officier n’a plus d’autre solution que de négocier son intégration. Aussi, d’autres divergences sont apparues entre groupes. Certains auraient voulu enclencher les hostilités dès maintenant, alors que d’autres groupes optent pour la voie de négociations avec les autorités.

Entre ces deux positions, un troisième groupe serait dans une position neutre. Pour l’ensemble des montagnards, nombre de questions subsistent, deux mois après leur retranchement. Qui revendique quoi ? Que veulent faire et/ou obtenir ces soldats ? Qui dirigent exactement les différents groupes ? Des questions dont nul n’a pour le moment les réponses.
Face à cette situation, les rumeurs s’amplifient entre Kidal et Bamako. Il y a quelques jours, l’une d’elles a fait le tour de certains milieux militaires de la capitale : les insurgés se préparent à déclencher des attaques simultanées à Kidal, Tombouctou, Tessalit, Ménaka, Tinzawaten. Pour mener ces attaques de petites unités auraient été constituées et placées sous l’autorité de trois colonels (déserteurs). L’alerte était donnée. Mais une dizaine de jours après cette folle rumeur la réalité semble toute autre.

Trois groupes disposés au dialogue

Actuellement, les autorités maliennes et la majorité des soldats revenus seraient plutôt disposées au dialogue qu’à un éventuel conflit armé. Dans ce sens le président de la République, Amadou Toumani Touré, a pris des initiatives pour solutionner la « crise ». Il multiplie les concertations avec différents acteurs directement impliqués dans le dossier ou proches des revenants. Dans sa démarche, le Président Touré fait confiance aux notabilités des régions du Nord, précisément celles de la région de Kidal. D’autres bonnes volontés offrent leurs offices pour éviter un affrontement entre l’Etat et les soldats revenus.

Parallèlement, le chef de l’Etat a reçu les différentes communautés des régions nord du pays. Le discours présidentiel est invariable à l’adresse de ces communautés : sauvegardez l’unité du pays, et éviter des actions pouvant conduire à un conflit armé. Aujourd’hui, il semble que les efforts du Président ATT aient contribué à tempérer les ardeurs de certains groupes radicaux. Mieux, certains d’entre eux seraient, à la suite des négociations en cours, prêts à regagner Kidal, avec armes et bagages.
Selon des sources proches du dossier, après la délégation des Imghad, d’autres délégations des revenants seraient en route pour Bamako. Objectif : faire allégeance aux autorités maliennes.
Cependant, le spectre de la violence plane toujours sur Kidal. Car, en dépit de la volonté affichée et des efforts des autorités maliennes, des forces occultes ont entrepris un travail de corps auprès des soldats pour les pousser dans la voie de la rébellion armée. Jusqu’où ces forces réussiront-elles dans leurs entreprises de déstabilisation? C’est là toute la question.

C.H. Sylla

L’Aube 22/12/2011