Et de poursuivre: «cette visite précédera une réunion des ministres des Affaires étrangères des pays du Sahel qui sera organisée vers le 20 mai à Bamako».
Cette visite du président malien interviendra dans un contexte particulier marqué par un regain de la menace terroriste sur les pays du Sahel, depuis notamment la guerre en Libye. Après s‘être égaré dans les dédales des promesses françaises, le président du Mali se rend à l’évidence: la sécurité au Sahel ne peut être assurée que par les pays de la région. Aussi, cette visite traduit, selon Soumeylou Boubèye Maïga, la volonté et la disposition désormais effectives des autorités maliennes de mener une guerre contre le terrorisme et le grand banditisme, sévissant à grande échelle dans la bande sahélienne.
C’est dire que cette visite semble marquer, il est utile de le souligner, un revirement de la politique malienne vis-à-vis de la lutte contre le terrorisme dans la bande sahélienne, mais surtout, à l’égard de l’Algérie. Le Mali a, pour rappel, signé plusieurs accords avec l’Algérie et les pays membres du Comité d’état-major opérationnel du Sahel (Cemoc) concernant la lutte contre le terrorisme.
Or, le Mali n’a pas respecté ses précédents engagements, inscrits dans le cadre des décisions prises par le Comité d’état-major opérationnel du Sahel.
Mais voilà qu’il revient subitement sur la scène de la lutte contre le terrorisme et suggère que les pays du Sahel prennent leur destin en main afin de parer à toute menace visant leur sécurité. Ce revirement soudain de la politique malienne s’explique, soulignent nombre d’observateurs, par la nomination de l’ex-patron des services de renseignement et ex-ministre de la Défense malien, Soumeylou Boubèye Maïga, au département des affaires étrangères. Ce dernier est, pour rappel, hostile au traitement réservé par le Mali à la question de la lutte contre le terrorisme, et ce, aussi bien au plan interne qu’externe. «La position de l’Algérie, comme la nôtre et celle des autres pays, est que la lutte contre le terrorisme doit reposer sur les efforts nationaux et régionaux», a indiqué Soumeylou Boubèye Maïga à Radio France internationale, estimant, en outre, que «toute présence extra-régionale pourrait alimenter la mobilisation de ceux qui souhaiteraient transformer notre région (Sahel) en zone de combat permanent». Mieux encore, Soumeylou Boubèye Maïga a tenu, dans sa déclaration au quotidien Le Monde à ce que la rencontre attendue pour le 20 mai prochain à Bamako soit l’occasion pour les pays membres du Cemoc de discuter des modalités et mécanismes leur permettant d’installer un commandement politique unifié. Ce commandement sera chargé, à l’évidence, de maintenir et établir, uniquement, une concertation durable entre les pays, membres du Comité d’état-major opérationnel de Sahel (Cemoc) sur les questions sécuritaires, afin que la région ne soit pas abandonnée aux terroristes et aux agissements et interventions des puissances étrangères sur leurs territoires.
Cela dit, il ne s’agit point de combattre Al Qaïda au Maghreb et le crime organisé, mais de se concerter en vue d’élaborer une politique commune face aux visées non déclarées de certaines puissances occidentales qui, selon Salah Mouhoubi, spécialiste des questions géostratégiques, ne se soucient que de leurs intérêts géostratégiques.
Dans le même sillage, Soumeylou Boubèye Maïga a soutenu qu’il faut réactiver les relations du Mali avec des pays comme l’Algérie et la Mauritanie, qui estimaient insuffisant l’engagement malien contre le terrorisme. «Je reviens d’Alger, je suis aujourd’hui (lundi 2 mai) en Mauritanie et serai, jeudi 5 mai, au Niger».
De son côté, le Dr Salem Berkouk, spécialiste en politique américaine, considère que l’Algérie subit des pressions régionales et internationales: «les pays du Sahel, et même les grandes puissances, n’hésitent pas à faire du chantage en nous demandant de les aider sinon, ils vont se transformer en un terrain propice au terrorisme.» Et de soutenir qu’aujourd’hui: «Les puissances occidentales, soit les Américains et les Français se sont partagé les rôles. Il y a une concurrence et une course entre les deux pays sur la région du Sahel, une course motivée par les intérêts géostratégiques, quoi que les Français se soient plus mis à l’évidence».
S’agissant de la lutte contre le terroriste au Sahel, l’ex-patron des services de renseignement et ex-ministre de la Défense malien a indiqué que «les chefs d’état-major des pays concernés, réunis dernièrement à Bamako, ont pu tracer les zones d’intervention, étant entendu que nous devons avoir une présence permanente sur le terrain». Et de poursuivre que les populations de la région commencent à se détacher des réseaux du terrorisme. «Je pense que nous sommes dans des configurations qui nous permettent de faire face à un éventuel débordement», a-t-il précisé.
Ayant déjà payé des rançons et négocié avec les terroristes, le chef de la direction centrale du renseignement intérieur français, Bernard Squarcini, estime que la menace terroriste est de plus en plus vulnérable. «Les effectifs d’Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) sont de 400 hommes», a-t-il souligné dans un entretien au journal Le Monde, publié vendredi dernier.
L’Expression 18/05/2011