Assurance maladie obligatoire :Le gouvernement capitule, mais ne renonce pas

 

« Le conseil des ministres a procédé à de larges échanges de vues sur l’Assurance Maladie Obligatoire qui on abouti aux conclusions suivantes :

– L’institution de l’Assurance Maladie Obligatoire est une réforme essentielle en matière de protection sociale et l’une des plus importantes que notre pays a  mises en œuvre jusqu’à ce jour.

– Elle est fondée sur les principes de la solidarité, de la contribution, de la mutualisation des risques et du tiers payant. Sa mise en pratique permet d’éviter le paiement de sommes importantes pour des soins en cours de maladie grâce à la prise en charge directe par l’Assurance Maladie Obligatoire de tous les frais médicalement requis par l’état de santé  du bénéficiaire.

– Le taux de prise en charge est de 70% pour les soins ambulatoires et de 80% en cas d’hospitalisation.

– Une démarche basée sur le dialogue social a été  conduite pendant plusieurs années pour obtenir l’adhésion de l’ensemble des partenaires sociaux à la mise en œuvre de l’Assurance Maladie Obligatoire.

Cette adhésion a été confirmée auprès du ministre du Développement social, de la solidarité et des personnes âgées par les partenaires sociaux dans des lettres manifestant en même temps leur accord pour le taux de cotisation.

-Pour autant, des contestations prenant des formes les plus vigoureuses sont aujourd’hui exprimées contre l’Assurance Maladie Obligatoire.

– Le gouvernement prend acte de ces contestations et prendra toutes les mesures nécessaires pour respecter le choix de ceux qui ne souhaitent pas bénéficier de l’Assurance Maladie Obligatoire. »

Tel est, avant la conclusion, le vibrant plaidoyer  que le communiqué du conseil des ministres du mercredi, 20 avril 2011, a cru devoir livrer aux Maliens en guise de justification de sa position sur l’Assurance Maladie Obligatoire (Amo) justement combattue vigoureusement par la grande majorité des acteurs sociaux. Mais, en fait de justification, l’exécutif s’est véritablement fendu d’un galimatias propre à endormir les esprits peu avisés. Pour quelle fin ? C’est facile à deviner. En réalité, compte tenu des « contestations prenant des formes les plus vigoureuses » qu’il reconnaît, le gouvernement capitule sur le caractère obligatoire de l’Assurance Maladie telle qu’il l’avait envisagée, mais il ne veut admettre ni ses erreurs, ni l’impossibilité, en tout cas en l’état, de la mise en œuvre de la reforme somme toute majeure dans notre pays. Ceci relève de l’art de capituler sans renoncer.

Mais la formulation du communiqué du conseil des ministres comporte des failles. Premièrement, il atout faux lorsqu’il parle de « larges échanges de vues » sur l’Amo qui ont abouti aux conclusions que l’on sait. Tout faux parce que des réunions de staff avec l’Untm et la Cstm, sans doute les deux plus importantes centrales syndicales de notre pays, ne rendent pas toute la réalité syndicale dans notre pays. Des acteurs sociaux et pas des moindres ont été, dans l’affaire, laissés en rade des discutions.

En effet, plusieurs syndicats d’envergure respectable ne sont pas affiliés aux deux principales centrales. C’est le cas, entre autres, des syndicats des magistrats (Sam et Sylima), du syndicat des greffiers et secrétaires de greffe, du syndicat des cadres médicaux, du syndicat autonome des administrateurs civils, du syndicat libre des travailleurs des Affaires étrangères, de la Coses qui n’est plus à présenter, ou du Synesup. Or, tous les Maliens savent, le gouvernement mieux que quiconque, que les contestateurs les plus vigoureux de l’Amo sont de ces syndicats, en plus de ceux qui sont affiliés à la Cstm.

Assurance deux poids, deux mesures

Deuxièmement, quand le gouvernement affirme à propos de l’Amo que sa « mise en pratique permet d’éviter le paiement des sommes importantes pour des soins en cours de maladie grâce à la prise en charge directe par l’Assurance maladie Obligatoire de tous les frais médicalement requis par l’état de santé du bénéficiaire », puis ajoute aussitôt que le « taux de prise en charge est de 70% pour les soins ambulatoires et de 80% en cas d’hospitalisation », il es difficile de ne pas tirer la conclusion qu’il est en train de jouer avec la vérité, si ce n’est avec l’intelligence des citoyens. Le bon sens veut que « tous les frais médicalement requis par l’état de santé du bénéficiaire » soient de l’ordre de 100%, et non de 70% ou 80%.

Troisièmement, si « la démarche basée sur le dialogue social a été conduite pendant plusieurs années pour obtenir l’adhésion de l’ensemble des partenaires sociaux à la mise en œuvre de l’Assurance Maladie Obligatoire » et que, malgré tout, des réticences prenant des formes vigoureuses de contestation se font de plus en plus jour, c’est que l’une des parties s’est trop vite lassée de négociations et a décidé de n’en faire qu’à sa tête. Cette partie ne peut être que le gouvernement qui n’a pas l’aval de ses partenaires sociaux pour la mise en œuvre d’une de ses réformes les plus importantes.

Mais la conclusion du gouvernement induit de sa part un entêtement, voire un mépris à l’égard des nombreuses contestations dont l’Amo fait l’objet. Citons : « Le gouvernement prend acte de ces contestations et prendra toutes les mesures nécessaires pour respecter le choix de ceux qui ne souhaitent pas bénéficier de l’Assurance Maladie Obligatoire.

Le gouvernement continuera, toutefois, à tout mettre en œuvre conformément à sa politique de protection sociale pour garantir la délivrance des prestations prévues dans le cadre de l’Amo et à améliorer la couverture sociale contre le risque maladie pour l’ensemble des Maliens. » Voilà qui annonce une Amo aussi sélective qu’elle sera obligatoire pour une partie de citoyens. Car tous ne seront pas désormais concernés. Font partie de ceux-là les militaires et les gendarmes qui refusent catégoriquement d’y souscrire et qui préviennent contre toutes formes de coercition en la matière.

C’est peut-être ce qui a amené le nouveau ministre du Développement social, de la solidarité et des personnes âgées, Harouna Cissé, a osé le prétexte alambiqué que « ce n’est pas le contenant qui compte, mais le contenu. » Triste perspective dans un pays où, déjà, il y a deux poids, deux mesures concernant la perception des allocations familiales. En effet, lorsque deux salariés- mari et femme- cotisent à l’Inps, les enfants sont au compte d’un seul (le mari) qui bénéficie des précieuses allocations. Qu’en est-il de l’Assurance Maladie Obligatoire ?

Assif Tabalaba

Le National 29/04/2011