Assemblée nationale : Comment le Projet de loi de la révision constitutionnelle a été voté

 

Hier 2 août 2011, aux environs de 12 heures 30 minutes, au moment où le peuple malien  ballotté par les difficultés de tous genres se demandait dans sa grande majorité avec quoi, il allait rompre le jeûne du soir, ses honorables mandants scellaient le sort de sa démocratie,  pour un bon moment, à l’Assemblée nationale. Par un vote de 141 députés pour et seulement 3 contre, avec une seule abstention, ils  ont décidé, à la demande du Président Att, d’imprimer un autre rythme à la démocratie malienne, en modifiant substantiellement la constitution du 25 février 1992.    

« Le projet de loi portant révision de la constitution soumis à notre auguste Assemblée concerne 105 articles sur les 122 articles que compte la constitution », a déclaré Me Kassoum Tapo, rapporteur de la commission des lois. Mais, dès l’ouverture de la session parlementaire le 1er août 2011, tout bon analyste percevrait facilement l’issue du vote. Dans son introduction aux débats,  Mme Camara Saoudatou Dembélé, présidente de la Commission des lois, n’est pas passée par quatre chemins pour afficher son souhait. « Honorables collègues, je vous invite donc à soutenir l’initiative présidentielle, à la faire porter par une majorité d’idées parce qu’elle va dans le sens du renforcement de nos institutions et de la consolidation de notre système démocratique », a-t-elle lancé.

Et, lorsque Me Kassoum Tapo est intervenu pour lire le rapport de la Commission lois, il n’y avait place à aucun doute. « Sous réserve de l’acceptation des amendements et recommandations, la Commission des lois recommande à notre auguste Assemblée l’adoption du projet de loi portant révision constitutionnelle », avait conclu Me Kassoum Tapo. Mais, auparavant, il avait déclaré que « la plupart des personnes ressources écoutées, représentants de la classe politique, de la société civile, personnalités politiques, civiles et scientifiques, estiment que si le projet de loi portant révision de la constitution paraît pour l’essentiel, de nature à renforcer et consolider le processus démocratique, il ne faudrait pas que l’organisation du référendum destiné à l’approuver, perturbe l’organisation des élections générales de 2012.

Tous estiment que le principal défi du moment est la bonne organisation d’élections libres, crédibles et transparentes ». Pour tout cela, la Commission lois, par la voix de Me Kassoum Tapo a recommandé que « le référendum soit organisé après la période légale de révision des listes électorales, sur la base d’un fichier consensuel avec des listes électorales fiables, corrigées et mises à jour ». Dès la conclusion de l’ancien bâtonnier, un de nos voisins dans la salle s’est indigné : « C’est grave, les députés maliens sont partis pour voter ce texte sans rechigner ».

Mais, il n’était pas au bout de sa surprise, parce que les Présidents des différentes commissions de l’Assemblée nationale, suivis par leur rapporteur, allaient défiler pour formuler de nombreux griefs contre le projet de loi. Mais au finish, ils se contentaient de la formule consacrée : « Sous réserve de l’adoption des amendements et recommandations proposés par la Commission saisie au fond, la Commission X… émet un avis favorable à l’adoption du projet de loi portant révision de la constitution ». Sentant venir le succès, le ministre Daba Diawara a rapidement rassuré les députés. « Le gouvernement accepte les 28 propositions d’amendements », a-t-il déclaré.  Avant d’ajouter que  le gouvernement n’attend que les partis politiques de sa majorité jouent pleinement leur rôle en votant la loi, pour jouer sa partition en organisant le référendum.

Ce message du ministre Daba Diawara n’est pas tombé dans des oreilles de sourds. Les 28 amendements ont été votés par 130 députés pour et 3 contre, avec deux abstentions. Avec le vote des 28 amendements, le ministre Daba Diawara  venait de réussir la première manche du combat qui laissait déjà transparaître la victoire finale, avant l’entame des débats.

Minoritaire, mais un son  discordant quand même

Pratiquement, tous les députés de l’Assemblée nationale venaient  d’emboucher la  trompette  incapable de donner un autre son. N’ayant aucun doute sur l’issue des débats, Dr Oumar Mariko s’est évertué à faire comprendre à ses collègues députés que la priorité du pays, aujourd’hui, c’est l’organisation d’une élection présidentielle crédible et transparente. Selon lui, il n’y a aucune urgence à imposer une révision de la constitution au peuple malien qui a d’autres préoccupations. Dans la même foulée, Gossi Drameira, député  élu sur la liste Urd à Bafoulabé, fera une sortie très remarquée : « Je ne vois pas l’opportunité de voter ce projet de loi maintenant ». Avant de dénoncer le fait qu’on veuille donner des pouvoirs qui sied à un empereur au président de la République du Mali. « Il n’est pas bien de voter dans la précipitation la révision d’une constitution qui a été mise en place avec l’assentiment de l’ensemble du peuple malien », a-t-il dénoncé. Avant de quitter la salle quelques minutes avant le vote et ne l’a réintégrée qu’au lendemain.

Pour sa part, dans une sortie musclée, Hawa Gassama Diaby, député élu à Yélimané  sur la liste Urd, est intervenu pour dire tout haut ce que tous les députés répétaient dans les couloirs de l’Assemblée nationale. « Nous avions été pris en otage par la présidente de la Commission des lois et par le rapporteur Me Kassoum Tapo », a-t-il dénoncé. Avant de rappeler que ce fut le même cas lors du vote du code des personnes et de la famille. Gassama Diaby a attiré l’attention des députés sur les grosses erreurs qui ont été commises lors du vote du code des personnes et de la famille. A la limite, il les a suppliés d’éviter de commettre la même erreur en favorisant le débat libre.  Selon lui, au moins 90% des personnes écoutées par la Commission des lois n’ont pas salué l’initiative de la révision de la constitution. « Si nous votons ce texte, nous allons trahir le président de la République et le peuple malien », a-t-il déclaré.

Assane koné

Le Républicain 03/08/2011