Rapidement, par ses soins, un plan de communication a été mis en œuvre, pour, à la fois, dénigrer le Grand argentier du Mali et tenter de faire croire à l’opinion que cette réforme là n’est pas bonne et qu’elle ne passera pas, tout simplement parce que lui, Daffé, aurait le soutien des Marocains, notamment de la Banque marocaine du commerce extérieur (BMCE).
Pire, la réforme, qui a comme socle un Pacte d’actionnariat, a été dénaturée par presse interposée, avant même son adoption. Tout le monde sait aujourd’hui d’où est partie la fuite (nous y reviendrons prochainement). En tout cas, les nuages annoncés ne se sont pas amoncelés. Le ciel est resté serein.
Le Maroc, à travers la BMCE, présentée comme le monstre qui allait phagocyter la BDM-sa, s’est aligné derrière l’Etat du Mali, en acceptant, malgré son poids prépondérant (27,38% des actions contre 20% pour l’Etat du Mali), de lui concéder à la fois le poste de PCA et celui de Directeur général, avec deux DG Adjoints, un Malien et un Marocain.
Le ministre des Finances a donc réussi son pari. Il faut dire que c’est l’amitié entre le Maroc et le Mali qui a prévalu dans cette situation, sinon, c’est la réalité du plus fort (en termes d’actions) qui est la règle établie en la matière.
L’Assemblée générale des actionnaires, tenue le samedi 11 avril 2015, a définitivement tranché en faveur des réformes annoncées par le ministre des Finances, compilées dans un document appelé «Pacte d’actionnariat». Daffé ne voulait pas de cette rencontre, qu’il a pourtant été contraint d’organiser, suite à l’Assemblée générale extraordinaire du Conseil d’Administration convoquée par d’autres Administrateurs.
Malgré tout, le puissant patron de la BDM-sa a continué de torpiller le processus de réforme, jusqu’à la veille de cette importante rencontre. En effet, la presse a de nouveau été mise à contribution, pour dire que la séparation des fonctions de Président du Conseil d’Administration et de Directeur Général serait préjudiciable à la BDM-sa, parce que nos opérateurs économiques ne seraient plus financés comme auparavant.
Et, pour enfoncer le clou, le représentant des petits actionnaires, Dr Ousmane Bah, a été mis en mission pour dénoncer la réforme, qui, il faut le dire, trouve sa justification dans la Circulaire N°005-2011 /CB/C de la Commission bancaire de l’UEMOA. L’article 5, alinéa 5, stipule en effet: «Il est recommandé que les fonctions de Président du Conseil d’Administration et de Directeur Général soient assumées par des personnes physiquement différentes…».
En fait, très endetté auprès de la banque – ce qui constitue une violation des règles de l’OHADA – Dr Bah prêche pour sa propre paroisse, car il pourrait être révoqué par le nouveau Conseil d’Administration, en raison de ce non respect du texte sacro-saint qu’est l’Acte uniforme de l’OHADA.
Iil militait donc activement, et cela se comprend, pour le statu quo. Malheureusement pour lui, son protecteur, Abdoulaye Daffé, a perdu la bataille. Malgré un ultime recours: le très respecté Chérif de Nioro.
Désormais, il est tenu de convoquer, dans un délai maximum de deux mois, un Conseil d’Administration extraordinaire pour la mise en œuvre du Pacte d’actionnariat. L’ancien Premier ministre, Ag Hamani, sera certainement plébiscité comme PCA, un nouveau DG sera nommé – il ne s’agira pas de Daffé – et deux DGA lui seront adjoints – un Malien et un Marocian.
Pour comprendre davantage le Pacte d’actionnariat, nous vous proposons ci-dessous l’intégralité du document. A suivre.
Chahana Takiou
SYNTHESE DU PACTE D’ACTIONNAIRE DE LA BDM-SA
Le pacte d’actionnaire est une convention qui régit les relations entre les actionnaires ou groupe d’actionnaires d’une société. A cet égard, la BMCE, l’Etat du Mali, la CCIM, la BOAD et les Actionnaires Privés ont souhaité définir les principes et modalités de leur coopération au sein de la banque et organiser les modalités de fonctionnement de la BDM-SA dans l’intérêt de celle-ci.
En conséquence, les Actionnaires ont décidé de signer un pacte.
Il convient de rappeler que ce pacte a fait l’objet de concertation entre les parties qui ont librement exprimé leurs observations sur le document. Le pacte proposé à la signature des parties est une synthèse des préoccupations exprimées. Ses principales dispositions se présentent comme suit:
Fonctionnement des organes sociaux
Composition du Conseil d’Administration, direction générale
Le Conseil d’Administration est constitué comme suit:
– Trois (3) administrateurs désignés par l’Etat du Mali ;
– Pour les autres Actionnaires (autres que l’Etat du Mali), un (1) administrateur désigné pour chaque détention par un Actionnaire (autre que l’Etat du Mali) de 10% du capital et des droits de vote de la BDM SA ; et
– Deux (2) administrateurs ayant la qualité d’indépendant.
La durée de mandat des Administrateurs est de deux années renouvelables.
Les actionnaires s’engagent à désigner ou coopter comme administrateurs des personnes de bonne moralité, notamment dans leurs relations avec les institutions financières en général et la BDM en particulier. Tout Administrateur en cours de mandat pour lequel des comportements financiers non orthodoxes sont découverts est immédiatement révoqué par le Conseil. Cette sanction s’applique notamment en cas de position d’impayé ou de douteux et litigieux d’un administrateur dans les livres de la BDM-SA
Les fonctions de Président du Conseil d’Administration et de Directeur Général de la BDM SA sont dissociées et la BDM SA est dotée:
– d’un Président du Conseil d’Administration ;
– et d’un Directeur Général
Le Président du Conseil d’Administration est désigné parmi les administrateurs désignés par l’Etat malien. Le Directeur Général de la BDM SA est nommé par le Conseil d’Administration sur proposition de l’Etat du Mali.
Deux Directeurs Généraux Adjoints (DGA) sont nommés par le Conseil d’Administration, dont un DGA parmi les candidats proposés par la BMCE.
Concertation et conciliation
Les Parties conviennent du maintien du principe de concertation qui a toujours présidé au sein de la BDM SA à la détermination de ses orientations stratégiques et des décisions fondamentales engageant son avenir. A cet effet, les Parties s’engagent à organiser cette concertation entre elles chaque fois que nécessaire, que ce soit avant ou pendant les réunions des organes délibérants.
Comités émanant du Conseil d’Administration
Le Pacte prévoit la mise en place au sein du Conseil d’Administration, des comités spécialisés, en conformité avec les dispositions de l’Acte Uniforme OHADA et de la Loi Bancaire.
La mission de chaque Comité sera fixée dans le texte portant sa création. Les Comités ont un rôle consultatif sur les points relevant de leurs compétences.
Les missions desdits comités seront fixées dans leurs textes de création.
Composition des Comités
Chaque Comité sera composé de trois (3) membres, nommés par le Conseil d’Administration, à raison de leur compétence en rapport avec les fonctions du Comité. Il est convenu qu’un membre représentant l’Etat du Mali et un membre représentant BMCE seront nommés au sein du CACI, du Comité des Risques et du Comité Stratégique. La présidence des Comités est assurée de sorte que chaque Administrateur qui en est membre préside à tour de rôle.
Le cas échéant, des personnalités extérieures pourront, sur invitation du président du Comité concerné, participer aux délibérations de ce Comité.
Les membres des Comités sont nommés pour une durée déterminée, fixée par les textes les créant. Ils sont révocables ad nutum par le Conseil d’Administration.
Les réunions des Comités pourront se tenir physiquement (y compris par visioconférence) ou par conférence téléphonique, et les recommandations soumises le cas échéant au CA.
Fonctionnement de la Société
Fonctions de contrôle
Reconnaissant à la BMCE et à la BOAD leur expertise et tenant compte du caractère sensible et important des postes de Responsables Risques et de Contrôle Général en matière bancaire, les candidatures retenues par le Directeur Général, doivent être soumis à l’avis de non objection du Comité Ressources Humaines avant toute décision de nomination, que ce soit par recrutement externe ou interne, les Parties conviennent que la nomination et la révocation des Responsables Risques et de Contrôle Général de la BDM SA se fera en concertation et avec l’accord de la BMCE et de la BOAD
Octroi de Crédits
Le Conseil d’Administration définit la politique d’octroi de crédit de la BDM SA, sur proposition du Directeur Général. Les Actionnaires s’assurent que la politique d’octroi des crédits par la BDM SA est conforme aux orientations données par le Conseil d’Administration.
Information et reporting
Sans préjudice du droit d’information et de consultation attribué par la loi et les statuts à tous les actionnaires et membres du Conseil d’Administration, les Actionnaires conviennent que le reporting des informations au sein de la BDM SA doit (i) permettre à tous les administrateurs de disposer, dans les meilleurs délais, de tout document et/ou information relative à la BDM SA nécessaire à l’exercice de leur mandat et (ii) être conforme aux exigences réglementaires, en vigueur dans l’UMOA.
Conseil d’Administration des filiales de la BDM SA
Les administrateurs devant être nommés au niveau des filiales seront proposés par le conseil d’administration de la BDM et nommés selon le cas soit par les conseils d’administration, soit par les assemblées générales desdites filiales.
Pourcentage de détention – Transfert des Actions
Chaque Actionnaire s’engage à ne pas détenir plus de 33,33% des droits de vote de la BDM SA et en aucun cas une minorité de blocage.
N.B.: Contrairement aux commentaires véhiculés dans la presse, ce pacte ne fait pas «la part belle aux Marocains» comme l’attestent les principales dispositions énumérées ci-haut. Cet actionnaire dispose de 27,38% des actions de la BDM-SA.
Source: Le 22 Septembre