Annoncée par de d’ébruitements et une première fausse alerte, il y a deux semaines environ, le spectre des ennuis judiciaires de l’ancien ministre de la Défense, Soumeylou B Maiga, sont devenus une réalité, la semaine dernière, avec le rebondissement de la sulfureuse affaire des commandes de l’armée qui remontent aux premières heures de l’ère IBK.
En effet, prenant de contrepied les affirmations médiatisées de l’ancien Premier ministre quant à une extinction du dossier et son classement sans suite, le parquet général de la Cour suprême, est passé de façon spectaculaire d’un exercice de levée des équivoques à l’exhibition dès preuve du contraire.
Toute affaire cessante, le Parquet général, sous la férule du procureur Timbo, a ainsi convié l’ancien patron de la Sécurité d’Etat à une audition à la section judiciaire de la plus haute juridiction du pays et sera incarcéré le même jour pour présomption pour faux et usage de faux, corruption, abus de confiance et trafic d’influence.
Un sort similaire a été infligé le même jour à l’ancienne ministre de l’Economie et des Finances d’IBK, Bouaré Fily Sissoko, dans le cadre du même dossier.
Il s’agit notamment du contrat des commandes militaires signé au nom de l’Etat malien par Soumeylou B. Maïga et pour l’exécution duquel une lettre de garantie a été signé par Fily Sissoko pour le compte de Banque Atlantique, la seule institution financière ayant consenti à assurer les achats.
Finalement déclenchée après plusieurs rebondissements spectaculaires, l’action judiciaire en cours repose sur deux rapports d’audit ayant tous relevé des irrégularités dans le marché incriminé sans être catégorique quant à la responsabilité des décideurs.
Comme qui dirait que des équivoques ont longtemps persisté sur la question ou n’ont jamais été levées quant à la moralité d’acquisitions militaires, tant l’opportunité les circonstances et les transactions d’attribution du marché le disputent à sa teneur financière.
Tandis que l’autorité politique évoque les conditions de paiement défavorables au fournisseur des commandes qui en endosse le préfinancement, les auditeurs ne semblent retenir que les énormes disparités entre les facturations et les prix pratiqués sur le marché ainsi que de possibles collusions d’intérêts entre acteurs. Mais, contrairement aux informations véhiculées ça et là, il semble que les montants incriminés par le Vegal par exemple s’élèvent à 12,5 milliards environ et 35 000 correspondent au nombre de chaussettes commandées et non le prix de chaque unité.
Quoi qu’il en soit, c’est sûr la base de ces présomptions que l’actuel ministre de la Justice, alors procureur du pôle économique, avait tenté sans grand succès d’exhumation que son prédécesseur avait classé sans suite.
Il n’est guère étonnant, par conséquent, que l’affaire soit élevée au rang des priorités d’une justice administrée par M. Kassogué, en plus du fait qu’il implique un acteur politique dont les ennuis judiciaires pourraient conforter bien des schémas et agendas de la transition et probablement de la présidentielle.
Ainsi, en dépit de l’absence d’une Haute Cour de Justice habilité pour connaître de l’inculpation des anciens ministres, le PDG général de la Cour suprême n’a point tari d’ingéniosité juridique pour relancer l’affaire.
De la substance de ses explications sur la question, on retient qu’une jurisprudence peu usitée et vielle de plusieurs décennies l’a emporté sur le risque de prescription du dossier et de perpétuation de l’impunité aux dépens des aspirations populaires.
Mais les gymnastiques et acrobaties juridiques qui soutiennent cette thèse cachent les relents d’une personnalisation de la justice, pour peut qu’on sache sûr tenants du dossier dit de la commande des équipes militaires et ses éléments déclencheurs.
Tout est parti, en effet, d’une instruction écrite de la plus haute autorité de l’Etat au ministre de la Défense de l’époque, où il est clairement mentionné que le conseiller spécial du président de la République a été retenu pour servir d’intermédiaire entre l’Etat et les fournisseurs des matériels.
Ladite correspondance n’a pas été signée des mains d’IBK, mais le chef de l’Etat n’a jamais nié avoir chargé son directeur de cabinet de le faire à sa place depuis que l’affaire défraie chronique, y compris pendant la brève incarcération de Mamadou Camara dans la même affaire.
Et pour cause, ce n’est pas le fait d’un hasard si le privilège revient à un conseiller spécial dont peu d’observateurs n’ont subodoré la partition financière dans l’élection d’IBK en 2013.
Le privilège de cumuler les charges de conseiller de la présidence et le statut de fournisseurs de l’Etat serait-il en définitive un retour de l’ascenseur ?
La levée cette équivoque est tributaire des arrière-goûts de l’incarcération des deux ministres d’IBK, dont la responsabilité pourrait peut-être jointe aux leurs dans la même affaire.
Car, suivant la logique du procureur général, il n’est pas nécessaire non plus d’assujettir une procédure de haute trahison à l’installation d’une Haute cour de justice.
A Keita
Par Le Témoin