Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), à la faveur de la crise et du désordre en Libye, serait entrée en possession d’armes lourdes et sophistiquées. Si cette information venait à se confirmer, le pire serait donc à craindre. Déjà, avec les armes de fortune qu’ils avaient, les maîtres du désert ont donné, à maintes reprises, du fil à retordre aux services de sécurité des Etats de la zone et des Etats occidentaux, notamment la France.
On a en mémoire tous les rapts opérés par cette nébuleuse dans la zone et qui se sont soldés, dans le meilleur des cas, par une libération des otages contre le paiement de rançons. Des rançons qui, naturellement, renflouent les caisses de la nébuleuse terroriste et contribuent certainement à l’achat d’armes. Avec le désordre qui règne actuellement au pays du Guide, nul doute que la branche maghrébine d’Al- Qaïda ne va pas se faire prier pour s’emparer des armes dont regorge la Libye. Plusieurs scénarios ont pu être utilisés pour cette acquisition. Peut-être que le Guide, acculé qu’il est, s’est mis à l’idée de faire en sorte qu’après lui, ce soit vraiment le chaos, en mettant gracieusement ces armes à la disposition des terroristes. Peut-être aussi que les terroristes se sont tout simplement servis eux-mêmes.
On aura vu avec l’insurrection que plusieurs dépôts d’armes ont été abandonnés et que même les civils s’en servaient à volonté, tirant en l’air, dans l’euphorie. Une occasion qu’AQMI n’aurait, pour rien au monde, manquée de mettre à profit pour se procurer un arsenal digne de ses rêves, que ce soit directement ou en rachetant à vil prix ces armes des mains des individus qui les détiennent. Mais, il importe de savoir comment ces armes sont tombées aux mains des islamistes. L’accentuation du terrorisme dans la bande sahélo-saharienne, à la faveur de la crise libyenne, tant redoutée, est en train de prendre forme. Certes, on peut espérer qu’un départ de Kadhafi, avec à la clef l’avènement d’une Libye démocratique, privera les groupuscules d’une base arrière, du moins, d’un lieu où ils sont plus ou moins en sécurité.
En effet, la Libye ne s’est, jusque-là, pas particulièrement illustrée dans la traque des groupuscules terroristes qui sévissent dans la zone. Du reste, nul n’ignore les accointances plus ou moins vérifiées de Kadhafi, surtout de par le passé, avec plusieurs éléments déstabilisateurs de leurs Etats dans la région. On a assisté à une sorte de complaisance, voire de bienveillance du Guide au profit des groupes rebelles qui écumaient la région. La démocratisation du pays pourrait donc donner un coup de froid aux groupes terroristes, y compris AQMI, dans la zone. Cela est peut-être l’une des raisons secrètes qui expliquent aussi la détermination des Occidentaux à appuyer les insurgés libyens. Toutefois, il faudra sans doute compter avec AQMI, probablement plus que de par le passé. Avec tous ces immigrés plus ou moins abandonnés à eux-mêmes, et tous ces gens gagnés par le sentiment antioccidental, la nébuleuse dispose d’un vivier plus large pour recruter.
Ce décuplement des possibilités de recrutement du groupe terroriste et la réunion de toutes les conditions pour que ces extrémistes s’approprient des armes sophistiquées gratuitement ou à des sommes dérisoires, font peser un risque considérable au plan sécuritaire dans la région. Dans le court et le moyen termes surtout, AQMI sera ragaillardie si elle dispose par exemple de quoi abattre des avions et tenir tête avec plus de panache aux services de sécurité des pays situés aux abords du désert où elle opère à souhait. Dieu seul sait ce que ces fous nous réservent en termes de surprises désagréables tant la Libye est un pays surarmé. Le contexte est donc favorable, à plus d’un égard, pour se procurer les armes les plus sophistiquées qui puissent exister dans les arsenaux du Guide ou à travers des trafics clandestins.
Ce nouveau développement remet au goût du jour la nécessité pour les pays de la zone de se donner la main dans le combat contre AQMI. Si on veut anéantir ces islamistes ou du moins contenir le plus efficacement possible leur furie, on ne saurait raisonnablement faire l’économie d’une stratégie vraiment concertée, d’une action structurelle (et non conjoncturelle) de tous les pays de la bande sahélo-saharienne.
Dans cette lutte, l’Occident a tout intérêt à apporter un soutien multiforme et sans faille aux Etats concernés qui, à eux seuls, sont bien faibles face à ces illuminés.
Le Pays 30/03/2011