Rattrapé par l’histoire
Une semaine après l’assassinat public du deuxième Président égyptien, Anouar El Sadate, le 6 octobre 1981 à 12h 02 (un attentat fomenté en pleine cérémonie par des Islamistes), le Vice Président de l’époque, Hosni Moubarak, s’emparait, ou du moins usurpait le pouvoir après des élections hâtives et bâclées. Il sera réélu plus tard à quatre reprises, dont trois par Référendum : en 1987, 1996 et 1999, avec des suffrages variant entre 80 et 90% des voix.
En dépit de son âgé très avancé (83 ans), « l’ex- Pharaon » égyptien comptait retransmettre son pouvoir à son fils, Gamal. Ce fils serait-il un homonyme du défunt « Raïs » et premier Président égyptien, Gamal Abdel Nasser (prononcez Nassr) ?…
Le jeudi 10 février, face à la recrudescence des tensions, Moubarak avait cru pouvoir les apaiser en déléguant tous ses pouvoirs à son Vice Président de circonstance (puisqu’il n’a été nommé à ce poste qu’au moment des émeutes), Omar Souleïman qui, tard dans la soirée, avait annoncé la démission tant attendue du « Raïs » et la reprise temporaire du pouvoir par le Conseil supérieur des forces armées, en attendant les élections présidentielles prévues en septembre 2011.
On se rappelle que le 4 février, l’officier supérieur et non moins chef de ce Conseil (un homme âgé de 75 ans) avait rendu une visite de courtoisie aux manifestants de la Place Tahrir. C’est encore lui assurera la Transition jusqu’aux dites élections.
Pourtant, ce Général est taxé d’être un conservateur pur et dur, réticent à tout changement, bref, un homme encore « agrippé » sur les principes désuets de la « vieille garde ». D’ailleurs, bien des Egyptiens lui collent le sobriquet de « caniche de Moubarak ».
C’est dire que le peuple égyptien, qui voit en lui un Moubarak bis, ne paraît pas encore tout à fait calmé et serein quant à l’avenir de la gestion du pays : en témoigne la masse de manifestants qui, depuis la démission de Moubarak (jeudi 10 février), ne semble pas vouloir quitter cette Place Tahrir désormais devenue un symbole de libération du peuple égyptien.
Comme elle l’a fait pour bien d’autres Présidents, l’histoire vient de rattraper Moubarak qui a été contraint de s’enfuir avec toute sa famille et se réfugier dans sa résidence de la station balnéaire de Charm El Cheikh (en Mer Rouge). Comme le lui enjoignaient les manifestants, Moubarak a donc fini par « dégager », cédant ainsi la place au Chef du Conseil suprême des forces armées égyptiennes.
Des relations compromises
La chute de Moubarak remet en question non seulement les relations entre l’Egypte et Israël, mais aussi celles du pays avec l’Etat de Palestine. En effet, l’Egypte fait partie des premiers pays qui ont reconnu l’Etat d’Israël ; et Moubarak a pris part à toutes médiations, négociations et pourparlers dans le règlement du conflit israélo-palestinien.
Par la même occasion, Moubarak entretenait de bons rapports avec l’Etat de Palestine, à cause de son combat contre le Hamas : des sources proches de l’ancien pouvoir égyptien révèlent que l’attentat auquel Moubarak avait échappé était l’œuvre d’islamistes du Hamas, une organisation hostile au gouvernement palestinien.
L’implication de Hosni Moubarak dans le conflit israélo palestinien est relative aux relations très étroites qu’il entretenait étroitement avec les Etats Unis. D’ailleurs, Il a toujours été considéré non seulement comme « l’œil et l’oreille » des Etats Unis au niveau de la sous région, mais également et le « chouchou protégé » du pouvoir américain. L’on comprend alors pourquoi Moubarak a pu s’incruster au pouvoir durant trois décennies.
Et l’après Moubarak ?
Après Moubarak, les jeux sont à présents tournés vers d’autres pays des régions maghrébines, arabes et du Moyen Orient. Aussi, en Algérie, le Président Abdel Aziz Bouteflika ne dort plus que d’un œil. Aussi, l’avis du président d’un parti algérien de l’opposition, Saïd Sadi, paraît sans équivoque : « …Dans quelques jours, l’Algérie prendra le relais. Et si le Président Bouteflika n’y prend garde, le pays risque de connaître des tensions encore plus graves que celles qui ont secoué la Tunisie et l’Egypte… ».
Alors que la Tunisie était en pleine crise, le roi Ali Abdoullah Saleh du Yémen avait déjà du changer son Premier ministre et le remplacer par un autre, suite aux multiples pressions du peuple réclamant la démission du Gouvernement. Mais on doute que cela ne soit que partie remise, car bien des analystes politiques prédisent que le Yémen pourrait enregistrer une autre crise socio politique encore plus sérieuse… En Iran, malgré les répressions et l’interdiction des libertés de presse et d’opinion, la contestation populaire reprend de l’ampleur avec une nouvelle forme de résistance, surtout à travers Internet.
Le départ de Moubarak a été fêté tant en Tunisie, en Algérie et en Irak qu’au Liban, au Maroc, au Yémen…Si bien que le jour même de la chute du « Pharaon », un des manifestants de la Place Tahrir brandissait une pancarte portait la question : « A qui le tour ? ». Oui, parmi les dirigeants des autres pays maghrébins, arabes et du Moyen Orient, à qui sera le tour d’être destitué par son peuple ? C’est dire qu’une nouvelle page socio politique vient réellement d’être tournée en Egypte.
Oumar Diawara « Le Viator »
Le Patriote 16/02/2011