Le parti du bélier blanc s’indignait des conditions d’attribution des terres agricoles de l’office dans «des proportions inconsidérées (800.000 hectares) à des multinationaux et autres privés maliens». Ces cessions disait le parena sont faites de façon opaques et douteuses. Si le PDG reconnait que des centaines de milliers d’hectares d’attributions irrégulières existent, il affirme en avoir déjà annulé des quantités impressionnantes. Il rejoint aussi le Parena sur un autre point, celui de la nécessité de la publication de la liste des attributaires et des clauses des contrats, pour plus de transparence.
Invité par le Conseil Economique social et Culturel (CESC) dont le thème de la session en cours est « La Problématique de la Gestion de l’Environnement et des Ressources naturelles » à parler de la gestion des plantes aquatiques à l’Office du Niger (le cas de la Jacinthe d’eau), la conférence devant cette Institution a vite débordé sur des questions relatives à la gestion du foncier, mettant à nu le manque d’information des populations et des dirigeants sur la question.
Puisqu’il fallait se plier aux préoccupations légitimes des membres du CESC, Kassoum Dénon devait sortir du cadre de la seule gestion environnementale pour étendre son intervention à la gestion du foncier qui se révèle être une vraie préoccupation pour tous. Mais le facteur le plus déterminant qui a propulsé la question foncière au devant de l’actualité immédiate est sans doute le Mémorandum rendu public jeudi dernier par le Parti pour la Renaissance nationale (Parena). Selon ce document la gestion du foncier à l’ON manque de transparence.
Le parti présidé par Tièbilé Dramé a dénoncé la cession de milliers d’hectares dans des conditions douteuses. Pour le Président Directeur Général de l’Office du Niger, Kassoum Dénon, l’emploi du terme ‘’cession’’ n’est pas approprié car jamais aucune terre n’est cédée par l’ON ; il s’agit plutôt d’attribution, car c’est du territoire malien dont il est question. « On ne saurait vendre notre terre », a-t-il martelé.
Ce qu’il y a eu, ce sont des attributions sur des petites parcelles d’un à cinq hectares, des baux ordinaires sur 30 ans pour des espaces qui dépassent 5 ha, et des baux emphytéotiques sur 90 années, concernant des espaces atteignant 500 000 ha. Pour bénéficier d’un bail, il y a des conditions de réalisation se rapportant à l’étude de faisabilité. Celle-ci comporte des études topographiques, socio-écologiques, pédologiques et environnementales. En outre a-t-il déclaré, le PDG de l’ON, seul, est habilité à signer l’attribution de baux, il instruit un délai d’un an au requérant pour déposer le document de faisabilité.
La liste des attributions est régulièrement actualisée et toute étude non déposée au bout d’un an, peut entrainer l’annulation du bail. Il y a également lieu de préciser que les études déposées sont soumises à analyses, pour que le bail, ordinaire ou emphytéotique ne souffre d’aucune irrégularité.
Il s’agit d’être en conformité avec le décret de gérance (décret 96/188 PRM du 1er juillet 1996 portant organisation de la gérance des terres attribuées à l’ON) qui donne droit au permis. L’octroi de petites parcelles vise à lutter contre l’insécurité alimentaire. Pour cela, l’Etat aménage des terres pour permettre l’installation d’exploitants agricoles que personne ne peut évincer tant qu’ils s’acquittent de la redevance eau. Une pratique en cours depuis 1932, selon Kassoum Dénon.
Le PDG de l’ON a tenu à préciser que ce n’est pas pour répondre au Parena qu’il tient cette conférence de presse mais plutôt pour donner suite aux sollicitations des journalistes qui ont été nombreux à l’interpeller sur le Mémorandum du Parena qu’il a lu sur Internet. Au cours de cette conférence de presse, le PDG avait à ses côtés, (comme d’ailleurs lors de la présentation devant le CESC), deux de ses proches collaborateurs : le Directeur de la Gestion de l’eau et de l’entretien des infrastructures hydro-agricoles Tidiani Traoré, et du Chef de Suivi-évaluation, spécialiste des questions environnementales, Moussa Coulibaly.
Le point sur les attributions
Kassoum Dénon est venu à la tête de l’Office du Niger, en Janvier 2010. Sa lettre de mission donne une priorité à l’assainissement de la gestion du foncier à l’Office du Niger, la gestion de l’eau et des terres, l’entretien des réseaux d’irrigation, l’augmentation de la production et de la productivité à travers un bon appui au monde rural, l’amélioration de la gouvernance de l’ON, l’amélioration de la collaboration avec les partenaires technique et financiers … Après mûres réflexion, il a entrepris des reformes organisationnelles en portant le nombre des ‘’directions ‘’ à huit au lieu de cinq comme précédemment. Il mettra également son équipe en place, composée d’hommes capables d’atteindre les objectifs qui lui ont été assignés. Parmi les directions nouvellement créées figurent celle en charge de la gestion du foncier. Sa mission : faire le point des attributions de baux à l’Office du Niger. La superficie totale attribuée jusqu’en 2009 était de 761 266 ha.
Après avoir fait le constat de nombreuses irrégularités, le nouveau PDG Kassoum Dénon a procédé à une première vague de résiliations en août 2010, qui a concerné 228 796 ha. Cette situation sera réactualisée par une deuxième vague, en janvier 2011, qui a porté sur 57 715 ha. La superficie totale résiliée pour non respect du cahier de charges est de 286 511 ha, a précisé le PDG Kassoum Dénon, avant d’ajouter que « l’Office du Niger fera le point chaque trimestre et poursuivra l’assainissement dans ce domaine ». Le nombre de baux effectivement signé à l’Office du Niger est de 70 000 ha. Selon Kassoum Dénon, les grands privés qui font l’objet de beaucoup de tumultes aujourd’hui sont arrivés sur la base de convention. Selon lui, l’Uemoa dispose 11 288 ha, contrairement aux 100 000 ha contenus dans le mémorandum du Parena, a indiqué le conférencier.
Il a précisé que dans ces attributions de l’Uemoa figurent 2 174 ha dans le casier de Touraba, dont le lancement était prévu pour le 20 janvier. Pour toutes informations complémentaires sur ce projet, des documents sont disponibles à l’ON et à l’Uemoa, déclare le PDG. Selon lui, les attributions aux grands privés nécessitant le déplacement des populations ont donné lieu à des dédommagements. Modibo Kéita serait le seul parmi les grands privés à pouvoir faire l’étude de faisabilité de 7 400 ha dont 1/10 doit être aménagé au compte des populations. La Direction Générale de l’ON prévoit la publication sur Internet de la liste complète des détenteurs d’attributions. C’est d’ailleurs une ère de communication en vrac qui est en gestation depuis le constat fait d’un déficit dans ce domaine. Un plan de communication est en chantier et dont la mise en œuvre pourrait combler ce déficit.
Des séances d’informations sont prévues à l’endroit de l’Assemblée nationale, puis des Maliens de l’extérieur, parce que « autant le foncier pose problème, autant il existe un véritable manque d’informations », reconnait le conférencier qui est revenu sur les systèmes hydrauliques à l’Office du Niger, qu’il a énuméré et qui sont le Kala supérieur, le Kala inférieur, Kourémalé, Mema, Farmaké, Macina, Kareri, Kokri. Une façon d’entamer l’offensive de communication justement et la connaissance de ce qu’il aime à appeler le cœur du Mali.
B. Daou 14/02/2011