A qui profite le crime ?
Le long purgatoire sur l’affaire dite des engrais de mauvaise qualité est loin de connaître son épilogue. Après des marchés frauduleux conclus avec la bénédiction de la direction nationale de l’agriculture et la complicité de l’APCAM, on tente de faire avaler la couleuvre au ministre de l’Agriculture. Ce dernier a promis de faire la lumière sur l’affaire sans faire des propositions concrètes. Mais le Procureur près La Cour d’Appel de Bamako, Daniel Tessougué, par sincérité et loyauté à l’Etat, est sommé d’intervenir pour stopper l’hémorragie et éviter un scénario identique à la campagne 2014-2015 qui a été émaillée de saupoudrage et d’escroquerie. Pour le Procureur, il s’agira de sortir le dossier plongé dans un sommeil réparateur dans les tiroirs de l’oubli de la justice. Un rapport détaillé lui avait été remis concernant l’appel d’offres fictif lancé il y a quelque temps et qui incrimine les structures comme la DNA, la CMDT et l’APCAM.
Dans un pays, le Projet pour le développement de l’agriculture vise à assurer une croissance économique forte et soutenue destinée à créer des opportunités d’emplois et de richesse et mener des actions dans plusieurs secteurs d’intervention avec l’Agriculture comme principal pilier afin d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. Outre les grands domaines traditionnels de production vivrière, l’agriculture commerciale y tient une place prépondérante.
Pour le cas spécifique du Mali, chacun sait que l’économie repose essentiellement sur le secteur agricole lequel occupe près de 75% de la population active, contribue pour 43% à la formation du Produit Intérieur Brut (PIB) et fournit 30% des recettes d’exportation, selon des données du CILSS. Le coton constitue la principale culture commerciale pratiquée dans les régions de Sikasso, Koulikoro, Kayes et Ségou sans oublier que la production agricole reste dans son ensemble toujours confrontée aux vicissitudes climatiques et hydrologiques.
Pour la gestion des intrants (Engrais et Semences), on se rappelle que l’Etat a accordé, il y a quelque temps, une subvention de plus de 290 milliards soit 60% pour les engrais, 30% pour la semence de maïs et 15% pour les semences des autres spéculations (riz, blé, mil, sorgho et fonio). L’enveloppe globale pour la subvention de l’Etat doit faire l’objet de budgétisation annuelle.
Pour l’arrière saison (2014-2015), des avancées en pointillé ont été constatées, mais la connexion amoureuse malveillante entre la Direction nationale de l’agriculture (DNA) et l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture du Mali (APCAM) a annihilé les efforts du gouvernement en raison des attitudes mercantilistes des uns et la cupidité innée des autres. Pour beaucoup d’observateurs, l’APCAM est disqualifiée à travers son président Bakary Togola, qui, en complicité avec certains milieux, est soupçonné d’avoir « détourné des sommes faramineuses à son profit ».
« Bakary Togola n’est pas un patriote »
Quand l’Etat avait décidé, il y a quelques années, la baisse du prix au kilogramme de l’or blanc à 160 FCFA, le cultivateur modèle qu’il est, avait apprécié la mesure, trahissant du coup sa base. Conséquence : les producteurs ont vendu leur production pour faire face aux redevances, intrants et autres crédits. Non seulement ce scenario a eu un effet d’‘entraînement négatif sur le volume du coton, mais le Mali a été dépassé par le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire et même le Bénin. Quand le premier de la classe devient subitement le dernier !
La campagne 2005, sous la coupe réglée de Monsieur Togola, a vu les revenus des producteurs chuter de 29,5 milliards FCFA. Cette baisse des dépenses à l’échelle des producteurs s’est traduite par une chute des dépenses de consommation, sans oublier la réduction de 8 milliards, selon nos enquêtes, à l’échelle de l’Etat sur l’économie nationale au titre des effets secondaires voire la baisse des impôts de 4,8 milliards entraînant celle des recettes de l’Etat en terme des taxations diverses d’environs 3,3 milliards FCFA et surtout l’écrasement des revenus des entreprises à hauteur de 11,3 milliards FCFA. C’est pour éviter un tel scénario catastrophe que les nouvelles autorités ont procédé aux réaménagements en cours sans le président de l’APCAM. Par rapport aux enquêtes diligentées par l’IER, Bakary Togola n’était pas partie prenante. C’est son association qui est indexée d’avoir volé l’Etat et de vouloir choisir les personnes avec qui la complicité est de mise.
Quand le voleur crie au voleur
Le président de l’APCAM est dans le viseur des enquêteurs. Il n’est pas blanc comme neige dans l’affaire dite de la fourniture d’engrais de mauvaise qualité aux paysans. Bakary se barricade derrière son association sinon il n’aime pas les intérêts des paysans. A titre d’exemples, des paysans ont été sevrés dans la zone aéroportuaire, il n’a osé lever le petit doigt. Des paysans ont eu maille à partir avec les autorités locales à Yanfolila, il est demeuré muet, on a même assisté à Bamako à son 3e mariage, une fille de cœur venant de Niamakoro. Basta, qu’on arrête de nous faire souffrir. Et que dire des cas de litiges fonciers entre lui Bakary et des paysans du terroir de la région de Sikasso à propos des parcelles de cultures ? Le Rubicon est franchi.
Les Maliens se souviennent des déboires de cet homme qui faisait défiler des partenaires extérieurs dans les champs villageois en faisant croire que c’est son champ individuel. Il arnaquait la population locale pour dire que la subvention à venir sera partagée et que le dividende sera partagé au prorata, selon des sources villageoises. Il spéculait sur le titre foncier de paisibles populations à l’origine des procès souvent réglés à l’amiable par ses solins pour éviter d’être frustré. Et dire que monsieur Togola défend les intérêts des paysans !!!
Bakary Togola, la DNA et la CMDT épinglés
Sous l’empire de Daniel à la Direction nationale de l’agriculture, l’Office du Niger (ON) et la Compagnie malienne de développement des textiles (CMDT) ont cédé la tonne de l’engrais à 350 000 FCFA. A l’appel d’offres, le même produit fut surévalué à 475 000 FCFA. Le plus grave, c’est que la matière n’a jamais été fournie et les produits jamais venus encore moins livrés. Le dossier est chez le Procureur Tessougué et espérons qu’il n’a pas été classé sans suite. Et c’est une banque de la place qui a été forcée à payer l’argent du marché fictif. A qui profite donc le crime ? Même l’ancien ministre de la Justice Bathily a fermé les yeux sur cette affaire. La série se poursuit. Si cette affaire est tirée au clair, ceux qui jubilent aujourd’hui dormiront en prison.
Au-delà du faux marché d’appels d’offres, des contrôles a posteriori ont permis de découvrir l’absence d’appel à concurrence et de document de gestion des opérations de transports de balles de coton fibre sans bon d’exportation. Des noms des transporteurs n’étaient pas conformes à ceux ayant donné procuration à la société désignée par la CMDT sur le même connaissement. Un écart de 778 millions de FCFA a été décelé entre le total des pièces traitées sur une année et le montant des fonds payés qui est de 1,5 milliard de FCFA au profit des opérations d’escompte des connaissements des transports coton fibre CMDT. Laquelle a refusé de suivre les recommandations des services étatiques habilités.
Comme on le voit, il y a une arnaque au sommet de l’Etat. Le ministre Bocary Tréta semble naïf dans ce domaine réservé. A moins qu’il ouvre les yeux pour un droit de regard légal.
Issiaka Sidibé Journal Le Matinal du 05/05/2015