C’est donc un pays défiguré et désorienté qui va élire IBK à la magistrature suprême après l’avoir paré de toutes les vertus. Au moment où il boucle deux années sur le mont Koulouba au grand dam de ceux qui avaient parié qu’il ne tiendrait pas plus d’un an, on peut légitimement s’interroger sur le bilan de son action au regard des attentes à la fois nombreuses et pressantes. Examinons ce bilan sous l’angle des forces et faiblesses d’une part, des contraintes et opportunités d’autre part.
Les forces et les faiblesses
Se faire élire à plus de 77% comporte des avantages certains mais aussi de gros risques car ce score s’explique par le profond désarroi créé par la fin de règne d’ATT et la conduite d’une transition calamiteuse qui ont créé chez l’électeur la quête d’un homme providentiel. Le peuple malien a choisi de sanctionner sévèrement ceux qui avaient collaboré étroitement avec le régime précédent alors accusé de tous les péchés d’Israël, à l’exception notoire d’IBK qui avait su garder une posture républicaine en restant un adversaire loyal jusqu’au bout, se démarquant quand il le fallait sans chercher à déstabiliser. Bien auparavant en 2002 déjà, il avait obtenu la sympathie d’une grande partie des Maliens lorsque, présenté comme la grande victime de tripatouillages électoraux, il a appelé au calme ses partisans prêts à en découdre. En plus de ce capital de sympathie, IBK obtiendra après son élection une majorité nette à l’Assemblée Nationale, ce qui permet de relativiser l’impact que l’opposition politique peut exercer sur son action.
Tout n’est pas pour autant rose dans ce décor tant le pays est ballotté par une crise pernicieuse à plusieurs facettes. La rébellion de 2012 a peu de chose en commun avec celles qui l’ont précédée. En effet, les rebelles de 2012 ont fait leurs armes chez Kadhafi, bénéficié du renfort de certains éléments de l’armée régulière et du soutien d’une horde de narco -trafiquants d’obédience islamiste au pedigree difficile à tracer. C’est cette nébuleuse qui aidera le MNLA à occuper rapidement le nord avant de devenir son plus gros handicap. En réalité, le Mali avait perdu le nord depuis très longtemps mais c’est le putsch contre ATT qui ouvrira la boîte de pandore. Les Maliens découvrent alors que leur armée est devenue une armée des ombres condamnée aux replis stratégiques, une armée en lambeaux profondément démunie par la faute d’une gouvernance complètement gangrenée par la corruption. IBK a hérité de cette armée en déconfiture qui a réduit sa marge de manœuvre dans la gestion de la crise du nord. Par ailleurs au plan politique, le parti présidentiel bien que majoritaire n’est pas encore arrivé à donner un premier ministre à la république. Comment ne pas s’en étonner au bout de deux ans de mandat et de trois nominations à la Primature? Que nous réserve l’avenir ?
Les contraintes et les opportunités
D’un côté, l’armée nationale est en pleine restructuration, situation qui rend la défense du territoire largement tributaire des forces étrangères présentes sur le sol malien, une assistance certes nécessaire mais qui, de plus en plus pèse et irrite. De l’autre, la quiétude des populations est régulièrement troublée par des attaques djihadistes qui les plongent et les maintiennent dans la psychose des attentats. Malgré le capital de confiance d’IBK et ses déclarations ans équivoque sur la corruption, certains « contrats toxiques » ont fini par doucher les ardeurs y compris jusque dans son propre camp. L’insuffisance des moyens matériels, humains et financiers est patente face aux défis de la crise. On a même parfois le sentiment qu’IBK a un gros problème de ressources humaines ou, qu’il a lui-même des difficultés pour mobiliser les ressources humaines appropriées.
Malgré tout, il existe des raisons d’espérer car aucun malien digne de ce nom ne peut souhaiter qu’il échoue dans sa mission de rétablissement de la paix par un dialogue inclusif. On peut espérer aussi parce que des patriotes se sont regroupés dans une unité combattante comme le GATIA, prouvant à tous que le Mali gardera contre vents et marées le nord par la volonté de certains de ses fils prêts au sacrifice ultime. Honneur et gloire aux combattants du GATIA et à tous ceux qui les soutiennent ! On peut enfin espérer parce qu’IBK lui-même est plus que jamais déterminé à relever rapidement le défi sécuritaire qui entrave la relance économique post-crise. En tout état de cause, le bilan d’étape des deux premières années serait largement positif si la tendance actuelle de pacification se confirmait. La voie s’ouvrirait alors à la traque contre la corruption et ses adeptes, en prélude à la relance de l’économie que les Maliens espèrent de tous leurs vœux.
Le véritable bilan de l’action politique d’IBK couvrira nécessairement la durée du mandat qui lui a été accordé par le suffrage universel en 2013. Pour l’heure, on ne peut que dresser des situations d’étapes de mi-parcours qui, pour autant n’en garderont pas moins un impact sérieux sur le bilan final qui sera présenté en 2018. Si l’homme a, par le passé rassuré ses compatriotes au point d’obtenir d’eux la magistrature suprême, le président reste attendu sur le terrain de la pacification du pays et de la relance de l’économie dans un cadre de bonnes pratiques.
Mahamadou CAMARA
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