Amedy Coulibaly, frères Kouachi: le point sur l’enquête en cours

 

Dix-sept morts, des blessés, des millions de personnes marquées, mais aussi des questions qui demeurent. Après la semaine d’attentats que la France vient de vivre, l’enquête se poursuit, pour comprendre pourquoi et comment trois hommes au moins en sont venus à planifier la mort de journalistes, de policiers et finalement aussi de juifs français.


 

La mise en ligne, dimanche 11 janvier, d’une vidéo où l’on voit probablement le tueur Amedy Coulibaly, ne permet pas d’exclure l’existence d’un réseau terroriste structuré derrière les individus.

Dans cette vidéo de propagande et de revendication sortie dimanche, soit deux jours après la mort des frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly, il est fait mention de la prise d’otages au Hyper Casher, l’épicerie juive située porte de Vincennes, où quatre personnes ont perdu la vie sous les balles d’Amedy Coulibaly. Par conséquent, le montage et la diffusion sont nécessairement l’acte d’un tiers. Remonter jusqu’au lieu où cette vidéo a été mise en ligne est l’un des axes de l’enquête. La Syrie, où l’épouse religieuse de Coulibaly a trouvé refuge selon la diplomatie turque, est une piste.

Dans la vidéo, on voit probablement Amedy Coulibaly, sous différents habillements. Il se dévoile sous le nom de guerre d’Abou Bassir Abdallah al-Ifriqi, soldat du califat. On le voit entouré d’un impressionnant arsenal. Les enquêteurs ont d’ailleurs fait le rapprochement entre une arme retrouvée dans le supermarché casher et l’agression d’un joggeur, mercredi dernier à Fontenay-aux-Roses (banlieue parisienne). L’arme : un pistolet Tokarev. Il s’agit désormais de savoir si Amedy Coulibaly est celui qui a tiré sur le joggeur, et pourquoi. Or, la victime a survécu et évoque une personne de type européen. Alors, si le tireur n’est pas Coulibaly, il y a de quoi accréditer la thèse d’une cellule structurée.

En possession des tueurs, des armes puissantes, rares et coûteuses

Ce n’est pas tout. Il y a aussi cette explosion, survenue jeudi à Villejuif, toujours en banlieue parisienne. Dans la vidéo, la pose d’explosifs sur le réservoir d’une voiture « à Paris » est attribuée à Amedy Coulibaly. La détonation de Villejuif n’a pas fait de victime, mais autant d’actions menées en si peu de temps, cela semble difficile à réaliser pour un homme seul. En somme, le film d’Amedy Coulibaly fournit de nombreux éléments étayant les pires craintes des enquêteurs : celles d’un réseau important et très organisé.

Notons que les frères Kouachi, comme Amedy Coulibaly, détenaient un armement considérable. Les spécialistes de la police judiciaire estiment la valeur de cet arsenal sur le marché noir à 7 000 euros pour les frères Kouachi, 6 000 pour Coulibaly. En outre, il est notamment question d’armes rares, comme ce lance-roquettes entre les mains de Chérif et Saïd Kouachi et ce pistolet mitrailleur Scorpio, en possession d’Amedy Coulibaly. Le Scorpio, c’est l’arme utilisée par les forces spéciales russes. Doté d’une redoutable puissance, ce pistolet est rare, et cher.

Pas de revendication claire des attaques survenues en France

Dans une planque d’Amedy Coulibaly, un appartement situé à Gentilly (Val-de-Marne), les policiers ont notamment retrouvé du matériel militaire et des brassards de police. Outre une carte vitale et une carte d’identité au nom du tueur, y étaient notamment exposés quatre pistolets Tokarev, venant s’ajouter aux deux qu’il avait avec lui à sa mort (en plus de ses kalachnikovs), des munitions, des téléphones, des bombes lacrymogènes, un gyrophare, un gilet tactique et des jumelles. Mais aussi un Coran et des bannières semblables à celles du groupe Etat islamique. Comment les terroristes ont-ils pu accumuler autant de matériel et d’armes ? L’enquête s’annonce compliquée.

Amedy Coulibaly, qui se revendique de l’Etat islamique, et Chérif Kouachi, qui dit avoir été envoyé par Al-Qaïda dans la péninsule arabique, étaient des proches de Jamel Beghal, l’une des figures de l’islamisme radical en France. Cet individu est actuellement détenu. Il y a cinq ans, tous deux lui ont rendu visite, alors que Jamel Beghal était en résidence surveillée dans le Cantal. Officiellement, il s’agissait de lui apporter des livres et de la viande hallal. Hayat Boumeddiène, l’épouse d’Amedy Coulibaly, a dit aux autorités en 2010 qu’elle s’était elle-même rendue sur place à deux reprises. A charge aujourd’hui pour les enquêteurs de déterminer si Beghal a récemment été en lien avec l’un d’eux. Ni le groupe EI, ni Aqpa n’ont clairement revendiqué les attaques de la semaine.

RFI 2015-01-12 21:10:57