Les 5 et 6 novembre 2016, l’Association malienne des expulsés a organisé la commémoration de ses 20 ans au Musée national du Mali à Bamako. Plusieurs personnes et organisations venues du Sénégal, de Mauritanie, de Côte d’Ivoire, de Sierra Leone, du Burkina Faso, du Niger, du Togo, du Cameroun et d’Europe ont tenu à marquer leur solidarité avec l’AME.
Les luttes menées pendant ces 20 années ont permis au Mali de résister aux pressions exercées par l’union européenne à signer les accords de réadmission. Avec la contribution de l’AME, des réseaux et mouvements de la société civile ont vu le jour en Afrique afin de défendre le droit à la libre circulation des personnes contraintes à de multiples restrictions dans leur mobilité. En même temps des milliers de personnes sont obligées de se déplacer à cause de la mal gouvernance, de l’accaparement des terres et d’autres privations.
Cet anniversaire se tient à un moment où plus que jamais le droit à la mobilité des citoyens africains est menacé. Un an après le sommet de La Valette et dans un contexte de conflits multiples et de crises de solidarité dans la répartition des richesses produites sur notre planète, l’Union Européenne impose aux gouvernements africains sa vision sécuritaire de la migration.
Par du chantage et des promesses fallacieuses d’aide au développement, l’Union européenne oblige les pays du Sahel et de la Corne de l’Afrique à renforcer la répression contre les demandeurs d’asile ou les personnes en situation de mobilité. Non satisfaite de continuer sa politique migratoire mortifère à l’origine du drame qui continue dans le Sahara et dans la mer Méditerranée, l’Union européenne étend sa frontière au pourtour du Sahara avec comme conséquence la désintégration des espaces régionaux. En outre, la multiplication des bases militaires occidentales dans les pays du Sahel sous prétexte de la lutte contre le terrorisme, vient remettre en cause la souveraineté durement acquise par nos pays il y a un demi-siècle.
Après les accords de partenariats économiques, la migration et la lutte contre le terrorisme apparaissent comme les nouveaux champs par lesquels l’Union européenne veut briser la longue marche des pays africains vers l’intégration régionale. En contraignant le Mali, le Sénégal, le Niger, le Nigeria et l’Ethiopie à des négociations séparées pour la réadmission de leurs migrants en instance d’expulsion, l’Union européenne démontre sa non-considération des espaces régionaux d’intégration et son non-respect des droits humains fondamentaux à la mobilité.
A la veille de l’arrivée d’une délégation européenne à Bamako le 10 novembre 2016 pour la poursuite des négociations sur la réadmission des migrants dits irréguliers vers le Mali par l’émission de laissez-passer européens, la rencontre de Bamako lance un appel à la mobilisation pour contrer les manœuvres en cours. Cet appel à l’endroit des peuples d’Afrique et d’Europe vise à démontrer à la face du monde l’hostilité des populations maliennes, africaines et européennes aux politiques migratoires dictées à tout un continent sans consultation démocratique avec leurs citoyens.
En 20 ans d’existence l’AME a su démontrer que seule la lutte pourra garantir le droit à la libre circulation de tout un continent. Cette lutte pour qu’elle soit efficace, doit être menée par toutes les organisations qui se mobilisent pour la dignité humaine. Cet anniversaire offre donc l’occasion de rendre un vibrant hommage aux animateurs de ces luttes qui ont jalonné l’histoire.
Les participants exigent l’arrêt des accords de réadmission, des laisser-passez européens, de l’externalisation des contrôles aux frontières. Spécifiquement les participants exigent des gouvernements africains la transparence dans la gestion des affaires publiques et la liberté de circulation pour tous.
Fait à Bamako le 6 novembre 2016