En prenant la parole devant le Tribunal de 1ère instance de la Commune III le mardi dernier, le compagnon de l’ancien président de la République (Modibo Keïta), Amadou Seydou Traoré alias Amadoudjicoroni a d’emblée plaidé coupable tout en précisant qu’il ne méritait pas d’être trainé devant les tribunaux comme n’importe qui. « J’ai aujourd’hui 82 ans. Je suis un ancien instituteur qui a servi son pays pendant 32 ans. Faran Samaké dont les fils me traînent aujourd’hui devant le tribunal a été mon élève à Garalo (Bougouni). Je l’ai connu avant la naissance de ces enfants et c’est une injure que ces fils me font en me traduisant devant votre tribunal », a déploré le prévenu avant de préciser qu’en aucun moment il n’a eu l’intention de nuire à son ancien élève par des propos.
« Je n’ai aucun intérêt à salir la mémoire de mon ancien élève. C’est un procès éminemment politique. Ce n’est pas un quelconque procès, mais il faut qu’il aboutisse à quelque chose parce que Modibo Keïta est avant tout le père de la Nation. Sa mort intéresse même la communauté internationale. C’est pourquoi j’en appelle à votre clairvoyance pour que la vérité puisse éclater autour de cette mort de Modibo Keïta », a souhaité Amadoudjicoroni.
L’inculpé, répondant à une question du tribunal à savoir s’il était là au moment de l’assassinat du premier président du Mali, a indiqué qu’à l’époque il était détenu à la prison de Kidal. C’est à l’aide de la documentation et de témoignages fournis par certains témoins de l’évènement qu’Amadoudjicoroni dit avoir eu la certitude de l’assassinat de son ancien camarade.
Le vieil homme a pris mouche quand l’avocat de la partie civile, Me Mamadou Boiré, dit ceci : « Vous-mêmes vous dites que vous étiez à l’époque en prison à Kidal et que vous n’avez pas les preuves matériels (comme l’ordonnance), alors comment avez-vous l’outrecuidance d’affirmer comme ça que Modibo Keïta a été assassiné sur une prescription du Dr. Faran Samaké ? ». Il n’en fallait pas plus pour déclencher sa colère: « l’atteinte à ma dignité et à mon honneur est flagrante et j’espère que le tribunal saura être à la hauteur. L’avocat en parlant d’outrecuidance m’a manqué du respect qu’il me doit pour mon âge et pour ce que je vaux pour notre pays. Ceux qui ont refusé de venir témoigner à la barre, ne me valent pas.
Moussa Traoré ne me vaut pas. Le débat est de savoir comment le premier président du Mali est mort, ainsi que les circonstances de la mort de Faran Samaké. Docteur Faran Samaké a donné la mort et il s’est donné la mort suite à la pression d’un feuilleton qui a commencé en 1968 pour prendre fin en mars 1991 », a martelé Amadoudjicoroni. Et le député Sadi élu à Kolondiéba, Oumar Mariko d’enfoncer le clou : « Cet avocat n’est pas éduqué ».
Pourquoi le prévenu est si sûr de l’assassinat de l’ancien président Modibo Keïta ? Amadoudjicoroni explique : « J’ai fait 3333 jours en prison. J’étais en prison au même moment que Modibo Keïta. J’ai vu comment les prisonniers étaient traités. J’ai passé ces 3333 jours sans être soigné ou évacué et on refusait même l’acheminement des médicaments d’un de mes codétenus en l’occurrence Diarra H ». Et pourquoi, il tient tant à la comparution du général Moussa Traoré, alors que les faits remontent à plus de 10 ans ? Amadoudjicoroni répond : « pour que la vérité éclate, parce que Moussa Traoré connaît monsieur X qui a tué Modibo Keïta ».
Et cette vérité, on est bien sûr de la voir éclater le 15 mars prochain. Pour ce faire, le président du tribunal a formellement recommandé au ministère public de tout mettre en œuvre cette fois-ci pour établir la citation des témoins de la défense.
Abdoulaye Diakité
L’ Indicateur Renouveau 13/01/2011