AMADOU BAGAYOKO LAISSE MARIAM SEULE FACE AU SHOWBIZ

Au-delà de la mort, la flamme de l’amour restera cette force triomphante
Il aurait sans doute été l’un des grands artisans de la célébration de cette
«Année de la culture» au Mali, grâce à ses mélodies envoûtantes, à son
talent, à sa passion et surtout à son immense expérience d’artiste, de
star du showbiz mondial. Mais, le destin en a décidé autrement. Amadou
Bagayoko, l’éternel compagnon de Bagayoko Mariam Doumbia (dans la
vie et sur scène) a tiré sa révérence vendredi dernier (4 avril 2025) à 70
ans (né un 24 octobre 1954 à Bamako). Après Toumani Diabaté le 19
juillet 2024, la musique perd aujourd’hui l’une de ses grandes icônes,
l’une de ses plus prestigieuses légendes.

Amadou (Bagayoko) et Mariam (Doumbia) ! Le célèbre couple fusionnel (aussi
bien dans la vie que sur scène) qui a fait connaître la musique malienne à
travers le monde ne sillonnera plus les artères du showbiz main dans la main,
bras dessus, bras dessous, dans la parfaite harmonie sentimentale et
l’enviable accord artistique. Et pour le Rossignol du Mandé, Salif Kéita (aux
côtés de Mariam pendant tous les obsèques le dimanche 6 avril 2025),
«Amadou sans Mariam, Mariam sans Amadou : c’est la plus grande fausse
note qu’on peut entendre dans la vie» !
Pour le jeune et dynamique entrepreneur culturel Alioune Ifra Ndiaye,
«Amadou et Mariam, ce sont deux personnes, mais une unité. Une unité
humaine. Une unité d’amour. Une unité de créativité. Une unité d’action…
Dans une interview, quand Amadou commence une phrase, Mariam la finit.
Dans une chanson, quand Mariam commence une mesure, Amadou la
complète avec sa guitare. Quand Mariam se fâche (ça lui arrive
souvent), Amadou tempère…».
Seul le destin pouvait donc défaire ces liens indestructibles et qui n’ont cessé
de se bonifier au fil des années et des expériences musicales. Et il s’en est
chargé en laissant Mariam face à la solitude et à «un océan de souvenirs».
Mais, comme le dit l’autre, «la mort n’arrête pas l’amour …». Il ne faut donc
pas s’attendre à voir la flamme de cet amour indestructible s’éteindre suite à
l’éclipse d’Amadou. Selon Mariam, le secret de la longévité de leur couple est
qu’il était fondé sur l’amour, le respect mutuel, la tolérance et le pardon
mutuel, la communication perpétuelle… «Dans un monde où la lumière leur
était souvent refusée, Amadou et Mariam ont su transformer leur cécité en une
richesse émotionnelle. Leurs voix, harmonieuses et puissantes, racontaient
une histoire d’amour et de résilience, touchant les cœurs de millions de fans à
travers le monde», a témoigné notre confrère Mamadou Camara (Madous).
Amadou Bagayoko (musicien) et Mariam Doumbia (chanteuse) se sont
rencontrés en 1976 à l’Institut des jeunes aveugles (IJA) grâce à leur passion
pour la musique. Amadou a perdu la vue dans l’adolescence à cause d’un
trachome mal soigné, Mariam à cinq ans du fait des séquelles d’une rougeole.
Ils sont parmi les premiers pensionnaires de l’IJA créé par l’État en 1973.

Mariam y apprenait le braille et donnait des cours de chant et de danse aux
autres élèves. À l’orchestre de l’institut, elle a rencontré Amadou : Ce fut  «un
coup de foudre tant romantique qu’artistique». Bien évidemment que le début
n’a pas été aisé à cause des préjugés et de la stigmatisation.
«Quand nous étions jeunes, les handicapés étaient mal considérés au Mali.
Les gens avaient honte de leurs enfants handicapés, ils les cachaient. Nous
avons été le premier couple aveugle à se marier et on a eu le courage de
jouer partout», a récemment confié Mariam à des confrères français. Leur
succès musical au Mali et au-delà de ses frontières a bien naturellement
changé la donne en leur faveur. Devenus des ambassadeurs planétaires de la
musique malienne, Amadou et Mariam ont énormément œuvré à briser les
barrières discriminatoires se dressant entre les personnes en situation de
handicap et les autres.
Les premiers titres du couple légendaire datent des années 1980. Mais, il a dû
attendre 2004 pour connaître un succès planétaire avec «Dimanche à
Bamako». Un succès suivi d’autres qui ont fait régulièrement danser le monde
entier. Et cela au gré des collaborations avec des sommités comme Damon
Albarn, leader de Blur et Gorillaz, sur le titre «Sabali» en 2008. Sans compter
les premières parties pour Coldplay en 2009 et U2 en 2011 ; des soirées
caritatives avec Stevie Wonder en Côte d’Ivoire ou avec David Gilmour (Pink
Floyd) à Londres.
Début septembre 2024, le couple avait introduit en chanson l’extinction
définitive de la flamme paralympique à l’occasion des Jeux olympiques de
«Paris 2024», en interprétant «Je suis venu te dire que je m’en vais». Une
composition de Serge Gainsbourg inspirée par le poète Paul Verlaine. Le duo
a aussi joué en l’honneur de Barack Obama lors de la remise de son prix
«Nobel de la paix», à Oslo (Norvège) en 2009. Leur recette ? «Des messages
simples sur la vie quotidienne, la société… distillés sur des mélodies
entraînantes issues de la tradition bambara, avec un habillage rock, funk,
électro… Une musique qu’Amadou appelait afro-blues-rock», souligne un
critique français fasciné par la simplicité et l’humilité du couple. Ce qui fait
écrire à un confrère que «Amadou Bagayoko n’était pas qu’un chanteur. Il était
un conteur d’histoires, un gardien de la culture mandingue, un virtuose de la
guitare dont les accords résonnent encore. Avec Mariam, il a redonné vie à la
musique bambara, en la fusionnant avec des sonorités d’ailleurs. Je pense à
toi, Dimanche à Bamako, Sabali…».
Autant de titres qui resteront gravés dans «la mémoire collective» comme un
héritage intemporel. Au fil des albums, le duo s’est bâti une célébrité
planétaire, à l’image du célèbre tube, «Dimanche à Bamako» et de son album
homonyme, produit par Manu Chao, paru en 2004. Cette célébrité leur a
naturellement valu une reconnaissance à plusieurs niveaux, notamment une
«Victoire de la musique» dans la catégorie «Musiques du monde» en 2005.
Après plus d’un million d’albums vendus, de nombreuses récompenses et une
nomination aux Grammy Awards américains en 2010, le duo préparait encore
son retour, avec un «best-of» (prévu pour septembre 2025) baptisé «La Vie

est belle». Un projet qui, naturellement, prend aujourd’hui «une toute autre
dimension».
La cruauté de la mort, c’est de mettre fin aux plus belles histoires d’amour, de
séparer les inséparables en condamnant le «survivant» (ou la survivante) à la
réclusion sentimentale. Une icône de la musique (malienne, africaine et
planétaire) s’en allée !  Amadou a tiré sa révérence en nous confiant Mariam
et leurs trois enfants, et en léguant à la postérité un fabuleux héritage comme
source de son immortalité !
Moussa Bolly