– Bamako a été victime d’une attaque terroriste le vendredi 20 novembre dernier. Comment vous analysez cet événement ?
Cet acte odieux est pour nous à classer dans le cadre du terrorisme international. Je profite de cette question d’ailleurs pour vous dire que la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) condamne avec la dernière énergie ces actes barbares d’un autre âge, et partage la douleur des nations et des familles des victimes auxquelles nous adressons nos condoléances les plus attristées. Résolument engagée pour le rétablissement de la paix dans l’Azawad en particulier et dans tout le Mali en général, la CMA ne saurait être déviée de cette voie par de tels actes d’une violence inouïe.
– Au-delà de l’attaque de Bamako, comment percevez-vous la lutte contre le terrorisme ? La CMA a-t-elle une solution miracle ?
La lutte contre le terrorisme international doit être l’affaire de tous et c’est pourquoi nous souhaitons au niveau de la CMA que tous les efforts nécessaires soient conjugués afin que nulle part le terrorisme international ne réussisse à triompher.
– Sitôt après l’attaque terroriste, la CMA et les autres signataires de l’accord ont été reçus par le Premier ministre. Est-ce à dire que l’accord de paix est menacé ?
Absolument ! Tant que le terrorisme aura une certaine capacité de nuisance, ça ne sera pas seulement l’accord qui se trouvera menacé, mais bien la stabilité de toute la sous-région, de l’Afrique et du monde entier. Alors, pour le cas du Mali cet accord est une chance pour juguler ce fléau d’où l’impérieuse nécessité de diligenter sa mise en œuvre de bonne foi et de façon intégrale.
– Depuis quelques jours, on parle de l’organisation des patrouilles mixtes (FAMa, Plateforme, CMA) dans le Nord. Comment se passe la cohabitation ?
L’organisation des patrouilles mixtes est une des dispositions de l’accord. Nous avons expérimenté cette disposition en envoyant une patrouille mixte CMA/FAMa/Plateforme, récupérer du matériel roulant offert par l’Algérie au MOC, à la frontière algérienne du côté de InKhalil. Cette mission à été un succès et d’autres suivrons inch Allah.
– Malgré ces patrouilles, d’aucuns pensent que l’accord de paix n’évolue pas à souhait ? Est-ce que vous confirmez qu’il y a toujours des blocages ?
C’est vrai que cette 1re patrouille mixte a été un succès mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Nous rencontrons d’énormes difficultés dans le cadre de la mise en œuvre de cet accord. Le constat est vraiment amer plus de 5 mois après la signature de l’accord et ce constat est partagé par tous les mouvements signataires de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali (CMA et Plateforme) : la période intérimaire prévue par l’annexe 1 de l’accord. Cette période qui devrait s’ouvrir immédiatement après la signature de l’accord et favoriser la désignation des autorités transitoires, y compris au niveau des nouvelles créations n’a toujours pas vu le jour.
Le plan d’urgence humanitaire visant à améliorer les conditions de vie des populations de l’Azawad durement touchées par la crise n’a pas connu à ce jour un début d’exécution. Dans le cadre de la mise œuvre des dispositions prévues à l’article 6 de l’accord, là également le gouvernement du Mali n’a à ce jour engagé aucune discussion pour une amélioration de la représentation des populations de l’Azawad au sein des institutions et grands services publics, corps et administrations de l’Etat.
Dans le cadre des mesures de confiance, les autorités du Mali n’ont toujours pas procédé au parachèvement du processus de libération des détenus. Pour toutes ces raisons que je viens d’énumérer, nous lançons un appel pressant à la partie internationale du CSA pour que cette dernière prenne toutes ses responsabilités en usant de toute son influence pour le respect du chronogramme de mise en œuvre de l’accord adopté par le CSA.
– Est-ce que la CMA se retrouve dans la composition de la Commission vérité, justice et réconciliation ?
Autour de la question de la CVJR, un compromis est en passe d’être trouvé entre la CMA et le gouvernement.
– Des rencontres communautaires sont régulièrement organisées alors que les réfugiés et certains déplacés ne sont pas encore retournés dans le Nord. Quel pourra être l’impact de ces rencontres sur le retour de la paix ?
Il est toujours bien que les hommes se rencontrent pour échanger, mais je suis convaincu que ces rencontres inter communautaires n’atteindront leurs objectifs affichés que lorsque tous les Azawadiens réfugiés à l’extérieur auront regagné l’Azawad.
– Le fait que le cantonnement tarde à se réaliser ne constitue-t-il pas une violation de l’accord surtout que certains reprochent à la CMA de refuser de se cantonner ?
La CMA et la Plateforme ont déjà donné la liste de leurs différents sites de cantonnement et la balle est depuis dans les camps de ceux qui doivent viabiliser ces différents sites pour que les hommes puissent y cantonner. A ce jour aucun parmi ces sites n’a été viabilisé comme prévu par l’accord, et ça c’est une violation de l’accord dont ni la CMA ni la Plateforme ne saurait être les responsables.
– Il est prévu que le comité de suivi de l’accord se dote d’un budget. Ce qui semble ne pas être le cas. Etes-vous optimiste quand à l’application de l’accord ?
Le règlement intérieur du CSA a déjà été validé par toutes les parties, quant au budget il n’a toujours pas été mis en place, ce qui handicape effectivement l’efficacité du CSA. J’ose espérer que la situation va évoluer d’ici le prochain CSA prévu courant décembre, car le rythme où vont les choses me rend plutôt pessimiste quant à la mise en œuvre effective de l’accord au bénéfice de la paix.
Réalise par Alpha Mahamane Cissé