Alghabass Ag Intallah à Bamako: «Les autorité intérimaires constituent une condition sine qua non pour la paix»

Dans l’après-midi du dimanche 14 août 2016, le téléphone sonne. En ligne, un ancien député à l’Assemblée nationale, soucieux de la paix et de la réconciliation entre les fils d’un même pays. Il nous informe qu’Alghabass Ag Intallah de la CMA est à Bamako et qu’il souhaiterait que nous ayons des échanges avec lui.
Sans hésiter, nous avons donné notre accord. Il nous rappelle quelques instants après pour nous dire que le rendez-vous est calé pour le lundi 15 août à 17h, dans un hôtel de la place. Malheureusement, ce jour-là, pour des raisons sociales, nous n’avons pas pu honorer notre engagement.

Un nouveau rendez-vous est donc fixé pour le lendemain, à la même heure, au même endroit. A notre arrivé à la réception, nous nous sommes adressés à sa garde rapprochée, laquelle a fait le nécessaire en nous conduisant dans sa chambre.

Très décontracté, non enturbanné, petite moustache, souriant dans un boubou blanc, Alghabass nous accueille par des accolades. Suivent ensuite des salutations fraternelles. Puis nous le provoquons en ces termes: «malgré les difficultés, tu as une très bonne mine, avec une bonne chevelure. Nous pensions que tes cheveux avaient disparu avec les nombreux problèmes». Il nous répond par un léger sourire.

Place maintenant aux échanges sur l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger et les affrontements entre Ifoghas et Imghads à Kidal. C’est vraiment un homme qui a pris de l’épaisseur, puisqu’avant la rébellion, nous nous retrouvions régulièrement dans le bureau d’Assarid Ag Imbarcawane, alors 2ème Vice-Président de l’Assemblée nationale.
C’est aussi un homme qui se défend bien en français, contrairement au moment où il siégeait à l’Hémicycle, il y a 4 ans. C’est bien cet Alghabass Ag Intallah sommairement décrit, imperturbable comme toujours, avec son calme olympien, que nous avons rencontré.

«Nous sommes venus à Bamako à la demande du Haut représentant du Chef de l’Etat. Nous sommes en train d’échanger avec lui et avec le Représentant du Secrétaire Général de l’ONU pour trouver une issue favorable aux récents affrontements survenus dans la région de Kidal. Nous ne voulons pas un nouvel accord ou de nouveaux arrangements.

Nous sommes derrière l’Accord pour la paix et la réconciliation. Nous demandons son application intégrale. Aussi souhaitons-nous la mise en place diligente des autorités intérimaires, condition sine qua non pour la paix. Elles permettront de sécuriser les différentes localités et d’assurer la gestion locale là où les collectivités ne fonctionnent pas», nous a-t-il expliqué.

Avant d’ajouter: «dans les autres communes des 5 régions du nord, il y aura seulement un changement d’appellation du Conseil communal et, dès que celui-ci sera élu, il est mis fin à la mission des autorités intérimaires. C’est une disposition de l’Accord et il faudra en passer par là pour s’attaquer aux véritables problèmes de développement, à savoir les routes, l’eau, l’école et les centres de santé».
Pour Alghabass Ag Intallah, l’entrée au gouvernement de la CMA n’est pas à l’ordre du jour. «Si nous envoyons un ou plusieurs ministres au gouvernement, cela ne profitera qu’à eux seulement et à leur famille. Cela ne résoudra pas le problème de la population de l’Azawad. Nous voulons qu’on règle nos doléances avant une hypothétique entrée au gouvernement», a-t-il laissé entendre.

S’agissant de la guerre fratricide, il soutient «nous n’avons empêché personne d’aller à Kidal. Nous refusons seulement que des gens y viennent comme conquérants ou en territoire conquis. Nous avons dit, si c’est comme ça, retournons à l’Accord, le seul qui est reconnu par la communauté internationale et Bamako. Dans nos rangs, il y a des Imghads, des Ifoghas, des Taghamalet, des Idnanes, des Bellas, des Chamanamass.
Il y a beaucoup de communautés, même des Dogons, qui sont parmi nos combattants. Ce sont les autres qui veulent nous entrainer dans un conflit communautaire et ils demandent aux Imghads de quitter Kidal pour Bamako. Nous leur avons dit de rester, ils sont chez eux, dans leurs domiciles et personne ne les chassera d’ici. Ils sont toujours à Kidal. Le problème, c’est que nos combattants ont bouclé toutes les routes de la drogue et allez savoir pourquoi ils tentent par la force d’accéder à Kidal?».
Chahana Takiou