Au pouvoir depuis deux décennies en Algérie, Abdelaziz Bouteflika, 82 ans, cible d’une contestation populaire inédite depuis plus d’un mois et lâché par l’armée, a démissionné mardi soir, ont annoncé les médias officiels.
M. Bouteflika, très affaibli depuis un AVC en 2013 mais qui, en février, entendait encore briguer un 5e mandat, « a avisé officiellement le Conseil constitutionnel de la fin de son mandat de président de la République » à partir « d’aujourd’hui », mardi, a indiqué en soirée un bandeau déroulant à la télévision nationale. L’agence de presse officielle APS a indiqué de son côté que le président de la République avait « notifié officiellement au président du Conseil constitutionnel sa décision de mettre fin à son mandat ».
Selon la Constitution, c’est le président du Conseil de la nation (chambre haute), Abdelkader Bensalah, 77 ans, qui assurera l’intérim durant une période maximale de 90 jours au cours de laquelle une présidentielle doit être organisée.
Un concert de klaxons a accueilli la nouvelle de la démission de M. Bouteflika à Alger, et des Algérois ont commencé à se rassembler sur le parvis de la Grande Poste, épicentre de la contestation, en plein centre de la capitale, selon des images de l’AFP. Parmi la foule, de jeunes manifestants brandissaient le drapeau national, d’après les mêmes sources.
Confrontée à des manifestations massives chaque vendredi depuis le 22 février, la présidence avait annoncé lundi dans un communiqué que M. Bouteflika démissionnerait avant l’expiration de son mandat actuel le 28 avril, après avoir pris des « mesures pour assurer la continuité du fonctionnement des institutions de l’État durant la période de transition ».
Mardi, à l’issue d’une réunion des plus hauts gradés de l’armée, son chef d’état-major, le général Ahmed Gaïd Salah, avait toutefois estimé que ce communiqué n’émanait pas du chef de l’État, mais « d’entités non constitutionnelles et non habilitées ». « Dans ce contexte particulier, nous confirmons que toute décision prise en dehors du cadre constitutionnel est considérée comme nulle et non avenue », avait poursuivi le général Salah, laissant entendre que l’armée pourrait ne plus se soumettre aux décisions venant de la présidence.
Depuis plus d’un mois, les manifestants réclament le départ d’Abdelaziz Bouteflika, mais aussi celui de son entourage et plus largement celui du « système » au pouvoir. Malgré cette démission, le mouvement de contestation pourrait se poursuivre. Semaine après semaine, le président Bouteflika, qui n’apparaît quasiment plus en public depuis son AVC, a tenté de s’accrocher au pouvoir, multipliant les propositions assimilées par la rue à des manoeuvres, sans jamais réussir à calmer la contestation.
Après avoir indiqué renoncer à briguer un 5e mandat, M. Bouteflika avait annoncé le report sine die de la présidentielle prévue le 18 avril, tout en prévoyant, pour organiser la réforme du pays, de rester en fonction un temps indéterminé à l’issue de son mandat, en vue d’organiser une transition. Cette option avait été catégoriquement rejetée par la rue, et le président algérien avait fini par l’abandonner après avoir été massivement lâché ces dernières semaines jusque dans son camp.
Il s’est notamment retrouvé très isolé après que le chef d’état-major de l’armée, le puissant général Ahmed Gaïd Salah, un indéfectible allié jusque-là, eut affirmé que son départ du pouvoir était la solution à la crise, position à laquelle se sont ralliés rapidement l’essentiel des piliers de son régime.
www.ledevoir.com