Tendance Du middle au top management, les groupes internationaux installés sur le continent africain ont bien compris qu’ils avaient tout à gagner à pousser les feux des recrutements locaux, avec des fortunes diverses selon les pays, les secteurs d’activité et les métiers recherchés.
Débarquer avec hommes et bagages pour s’installer en Afrique est une logique qui semble avoir vécu au sein des groupes internationaux. Après avoir longtemps misé sur des cohortes d’expatriés pour développer leurs activités sur le continent , les multinationales tendent, ces dernières années, à « africaniser » leurs troupes et à recruter des talents locaux. « Cette tendance répond à un double objectif, explique Maymouna Mauvois, manager du bureau de Fed Africa en Côte d’Ivoire. D’une part, le recrutement sur place est moins coûteux qu’un recours massif aux expatriés ; d’autre part, il permet aux entreprises de s’appuyer sur des salariés qui ont une meilleure connaissance du terrain et du contexte économique et social, soit autant de savoirs essentiels pour des fonctions rattachées au juridique, au commercial ou à la supply chain, par exemple. » Résultat : l’an passé, le cabinet a recruté, pour le compte de ses clients, 80 % de talents locaux, 15 % de profils membres de la diaspora, et seulement 5 % de salariés internationaux.
Limité, dans un premier temps, aux postes opérationnels, le recrutement local se vérifie désormais à tous les échelons hiérarchiques des divisions africaines, du middle jusqu’au top management. « La recherche de talents locaux, ou membres de la diaspora, pour des postes associés au comité de direction, ou N-1, est monnaie courante, assure Deffa Ka, manager du bureau parisien de Fed Africa. Les groupes sont d’ailleurs friands des profils hybrides, originaires de la région, mais formés à l’étranger ou avec une expérience dans un pays tiers. » A la tête des filiales des entreprises étrangères présentes sur le continent, il n’est plus rare, à en croire les experts, de voir un tandem directeur général-directeur financier composé d’un expatrié et d’un profil local, à même de fédérer des employés qui n’ont plus envie d’être managés et représentés par des dirigeants exclusivement internationaux.
Former les talents
Cette tendance varie, toutefois, en fonction des secteurs d’activité et des métiers recherchés. « Trouver des talents locaux pour des postes de fonction support, comme ceux de directeur financier, de directeur des ressources humaines ou de directeur juridique, est chose assez aisée en Côte d’Ivoire où le tissu universitaire est suffisamment performant, mais pour ceux relevant d’une expertise particulière ou de l’ingénierie de pointe, le défi est plus grand, à cause d’un manque de formation sur place », nuance Maymouna Mauvois.
Surtout, la situation n’est pas homogène sur l’ensemble du continent. « Pour que des candidats locaux soient recrutés, le pays doit répondre à deux conditions, remarque Igor Rochette, directeur de Michael Page Africa et président de la commission RH du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN). Il faut un vivier suffisant de candidats, sur place ou au sein de la diaspora, et un contexte socio-économique et politique assez stable pour attirer les talents. » Vérifiable en Côte d’Ivoire, en Egypte, au Maroc ou encore au Sénégal, le croisement de ces deux facteurs l’est moins en Algérie, au Bénin, au Congo-Brazzaville, au Mali, au Niger ou au Togo, à cause de l’instabilité politique et sécuritaire, d’un nombre de talents locaux limité, ou d’un dynamisme économique relatif.
Pour surmonter ces freins, les groupes internationaux ont trouvé la parade. Ils peuvent miser sur la forte mobilité des salariés qui, davantage que dans les pays du Nord, n’hésitent pas à aller travailler dans un autre pays que celui dont ils sont originaires, et ainsi piocher dans des viviers plus fournis les talents dont ils ont besoin. En parallèle, certains forment eux-mêmes les profils adéquats. Nestlé et Unilever disposent, par exemple, de programmes internes pour permettre aux nouveaux salariés d’acquérir une expertise métier, quand Orange n’hésite plus, depuis longtemps, à emmener des cadres ou opérationnels africains au siège afin de leur permettre de monter rapidement en compétences. « Ces groupes ont bien compris qu’il restait parfois un fossé à combler, malgré la qualité de certaines formations locales, et qu’il faudrait que tous en passent par ces ambitieux programmes dans les prochaines années », conclut Deffa Ka.