Critiqué jusque dans ses propres rangs, le président sud-africain Jacob Zuma, joue son avenir mardi devant le parlement où les députés se prononceront, chose rarissime, à bulletin secret, sur une motion de défiance.
Si la défiance est votée, le chef de l’Etat, au pouvoir depuis 2009, sera contraint de démissionner.
La motion, qui a été déposée par l’opposition, doit recueillir la majorité absolue des voix au parlement (201 voix) où le Congrès national africain (ANC) de feu Nelson Mandela dispose de 249 sièges. Pour être adoptée, plusieurs dizaines de députés de la majorité doivent donc voter en faveur de la motion.
Des parlementaires pourraient être encouragés à franchir le pas après la décision surprise lundi de la présidente du parlement Baleka Mbete d’organiser le vote à bulletin secret, comme le réclamait l’opposition, et non à main levée, comme le veut la tradition.
Car depuis des mois, des voix s’élèvent publiquement à l’ANC contre Jacob Zuma qui accumule les déboires et multiplie les scandales: récession, chômage record (27,7%), abus de biens sociaux, remaniement gouvernemental controversé, suspicion de favoritisme envers une richissime famille d’hommes d’affaires, revers historique de l’ANC aux municipales de 2016…
Des vétérans du parti, dont des camarades de lutte de Nelson Mandela, ont dénoncé mardi « le comportement rapace de ceux au pouvoir », appelant à mots couverts à voter en faveur de la motion de défiance.
Le parti communiste, allié de l’ANC au gouvernement, a lui demandé la démission du président.
Une députée de l’ANC, Makhozi Khoza, qui a reçu le mois dernier des menaces de mort après avoir annoncé qu’elle voterait contre le président, n’a pas eu peur lundi de réitérer sa position. « Un vote de défiance n’est pas un vote contre l’ANC, c’est un vote contre la corruption », a-t-elle assuré, confirmant qu’elle voterait en faveur de la motion.
Dans ce climat tendu, l’ANC s’est voulue rassurante. « Nous avons pleinement confiance dans nos députés. Cette motion, comme toutes les autres, échouera », a affirmé le chef du groupe parlementaire de l’ANC, Jackson Mthembu.
Jacob Zuma, dont le mandat expire en 2019, a déjà survécu à plusieurs motions de défiance et de nombreux scandales, ce qui lui vaut le surnom de « président aux neuf vies ».
– « Nation à genoux » –
L’opposition espère cependant bien rallier mardi un nombre suffisant de députés de la majorité présidentielle.
“Nous sommes convaincus que les membres de l’ANC prendront la bonne décision. Ils n’ont pas de raison de se cacher derrière toute forme d’intimidation » maintenant que le vote est organisé à bulletin secret, a estimé Julius Malema, le leader des Combattants pour la liberté économique (EFF).
« Jacob Zuma a mis notre nation à genoux. Nous appelons les membres du parlement à faire la chose la plus appropriée et faire chuter Jacob Zuma », a ajouté l’Alliance démocratique, le principal parti d’opposition.
En ce jour « historique » selon l’opposition, des manifestations anti et pro Zuma sont prévues dans plusieurs villes du pays, dont Le Cap et Pretoria. Mardi matin, des dizaines de policiers anti-émeute étaient déployés à proximité du parlement où des partisans de l’opposition se rassemblaient dans le calme.
Le débat sur la motion doit débuter à 14H00 (12H00 GMT). Le scrutin sera organisé dans la foulée avec des bulletins papier et non par voie électronique pour respecter le secret du vote.
Dans le cas où M. Zuma tomberait, la présidente du parlement prendrait la tête du pays pour une durée maximale de 30 jours, période pendant laquelle les députés devront élire un nouveau chef de l’Etat.
Selon les analystes, il est cependant peu probable que la motion soit adoptée.
« L’obstacle n’est pas mince », explique l’analyste Peter Attard Montalto. « Des petits partis vont s’abstenir ou voter avec l’ANC, ce qui signifie que l’ANC doit avoir plus de 60 votes pour la motion. C’est un scénario qui ne devrait pas se produire », prédit-il.
Si « Zuma survit à ce vote à bulletin secret, il sortira renforcé, et sa faction au sein de l’ANC également », ajoute l’analyste Daniel Silke interrogé par l’AFP.
L’ANC, au pouvoir depuis la fin officielle de l’apartheid en 1994, est en proie à une guerre de clans entre les pro-Zuma et les réformistes pourfendeurs de la corruption, à cinq mois de l’élection de son nouveau leader.
M. Zuma, dont le mandat présidentiel expire en 2019, ne peut pas se représenter.