Johannesburg – Le président sud-africain Jacob Zuma a ravivé lundi les spéculations sur un remaniement imminent de son gouvernement en interrompant en urgence une tournée de promotion à l’étranger de son ministre des Finances Pravin Gordhan.
Dans une brève déclaration, la présidence a annoncé sans autre détail que le chef de l’Etat avait « ordonné » à M. Gordhan et à son vice-ministre Mcebisi Jonas « d’annuler une tournée de promotion des investissements au Royaume-Uni et aux Etats-Unis et de rentrer immédiatement en Afrique du Sud ».
Depuis plusieurs mois, le torchon brûle entre M. Gordhan, respecté des marchés pour sa rigueur, et M. Zuma, englué dans une litanie de scandales politico-financiers, autour de la bonne gestion des deniers publics.
Ces frictions, récurrentes, se sont encore accrues depuis que M. Zuma a plaidé le mois dernier pour une « transformation radicale de l’économie » au bénéfice de la majorité noire du pays.
De nombreuses voix au sein de l’ANC se sont depuis exprimées en faveur d’un limogeage de Pravin Gordhan.
L’entrée il y a quelques semaines au Parlement de l’ex-patron de la compagnie nationale d’électricité Eskom, Brian Molefe, un proche de Jacob Zuma mis en cause dans une affaire de corruption, n’a fait que renforcer l’hypothèse d’un remaniement ministériel.
M. Molefe est largement pressenti pour succéder à M. Gordhan ou devenir son adjoint au portefeuille du Trésor.
« Beaucoup craignent que le président Jacob Zuma ne s’engage finalement dans un remaniement », a commenté lundi le site d’information en ligne Daily Maverick après l’annonce de retour précipité de Pravin Gordhan.
Risque politique
La décision du président « apparaît au mieux comme une volonté d’humilier le ministre ou, au pire, suggérer que ce ministre va être remercié lors d’un remaniement », a commenté un député de l’Alliance démocratique (opposition), David Maynier.
Sur des marchés financiers très nerveux, le rand sud-africain a accueilli la nouvelle lundi en cédant 3% par rapport au dollar, autour de 12,6 rands pour un billet vert.
« Un remaniement est prêt et Zuma veut apparemment le faire », a estimé l’économiste Peter Attard Montalto, de la banque Nomura, « la semaine s’annonce décisive en terme de risque politique ».
En 2016, les trois grandes agences de notation financière ont accordé un sursis à l’Afrique du Sud en ne la dégradant pas dans la catégorie des investissements spéculatifs. Mais elles se sont inquiétées des turbulences politiques actuelles.
« Nous continuons à penser que le limogeage de Gordhan de son poste de ministre des Finances est improbable, car Zuma veut éviter un retour de bâton de la part de l’ANC « , a tempéré le cabinet d’analystes Eurasia Group.
Déjà ministre des Finances entre 2009 et 2014, Pravin Gordhan avait été rappelé en urgence à ce poste en décembre 2015 pour calmer la panique qui s’était emparée des marchés financiers à la nomination d’un inconnu à la tête du Trésor.
Au pouvoir depuis la fin officielle de l’apartheid en 1994, l’ANC de feu Nelson Mandela se déchire depuis des mois autour de la succession de M. Zuma, qui doit quitter la présidence à la fin de son second mandat après les élections générales de 2019.
(©AFP / 27 mars 2017 15h35)