Dans un compte rendu en date du 30 avril 2013, le Cabinet d’avocats Me Lamissa Coulibaly, a tenu a informer les responsables des associations professionnelles de la presse au Mali, qu’en son audience du 30 avril 2013, le Tribunal de Première Instance de la Commune IV de Bamako a, dans le cadre de l’affaire Boukary Daou contre le Ministère public, rendu le jugement dont la teneur suit : « Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement a l’égard des parties en matière correctionnelle et en premier ressort : reçoit l’exception de la nullité soulevée par les avocats de la défense ; la déclare bien fondée y faisant droit déclare nulle la poursuite engagée contre Boukary Daou.
Met les dépens à la charge du Trésor Public ». Dans certain cas, finit bien tout ce qui commence même mal. Boukary Daou, après plusieurs va et vient dans les couloirs du tribunal de la Commune IV du District de Bamako, est enfin libre. Arrêté par la sécurité d’Etat, le 6 mars 2013, suite à la publication d’une lettre ouverte adressée au Président de la République, Boukary Daou, après 9 jours de détentions, a été transféré à la brigade d’investigation judiciaire, qui l’a présenté au Tribunal de la commune IV. Placé sous mandat de dépôt, malgré le fait qu’il était poursuivi pour un délit de presse, Boukary Daou sera mis en liberté provisoire le 2 avril 2013, le procès étant fixé au 16 avril 2013. Mais, à l’audience du 16 avril 2013, les avocats de Boukary Daou, rompus à la tâche, ne vont pas laisser passer une violation flagrante des droits de la défense imputable au parquet.
Contrairement à une affaire de droit commun, Boukary Daou était poursuivi sur la base de la loi sur le régime de presse et délits de presse. Et, cette loi exige la citation du prévenu, faute de quoi la poursuite doit être déclarée nulle. Le 16 avril 2013, le pool d’avocats constitué pour la défense de Boukary Daou, dès l’entame du procès, a soulevé l’exception de la nullité de la poursuite contre son client, pour défaut de citation régulière. Face à la pertinence des arguments des avocats, le juge du parquet n’avait pas un autre choix que de s’aligner. Et le Président du tribunal avait décidé de mettre l’affaire en délibéré pour le 23 avril 2013. Mais, à la grande surprise de tous, le juge qui tenait ce jour-là le ministère public, avec une certaine hargne, s’est battu bec et ongles dans l’espoir de rabattre le délibéré. Malheureusement pour lui, sa parade ne pouvait convaincre même un magistrat stagiaire, à plus forte raison un magistrat rompu à la tâche.
Dans un raisonnement juridique difficilement admissible, il a tenté le tout et pour le tout, pour démontrer que « Boukary Daou n’est pas journaliste, mais plutôt un juriste ». Comme si le juriste de formation n’avait pas la possibilité de devenir journaliste ou d’exercer une autre profession dans la vie. Pour se donner un temps de réflexion et analyser en fonction de son intime conviction les arguments juridiques du ministère public, le juge a mis a nouveau l’affaire en délibéré pour le 30 avril 2013. A cette date, l’audience n’a pas duré plus de 30 secondes. Le juge n’est pas passé par quatre chemins pour vider l’affaire dans le sens souhaité par les avocats de la défense. Le Tribunal a déclaré nulle la poursuite engagée contre Boukary Daou et a mis les dépens à la charge du Trésor Public. Le juge mettait ainsi fin à un procès qui n’aurait jamais du avoir lieu.
En tout cas, pas en cette période où notre pays a besoin de la mobilisation de l’énergie de ses filles et fils, dont les journalistes sur d’autres fronts. Nous tirons le chapeau aux avocats, qui ont bien voulu se constituer pour la défense de Boukary Daou, donc de la liberté de la presse, socle de toute véritable démocratie. Ces intrépides défenseurs des droits de l’homme et de la liberté de la presse sont au nombre de 19 dont Mes Lamissa Coulibaly, Amidou Diabaté, Cheick Oumar Konaré, Malick Djibrila Maïga, Neimatou Maïga, Mamadou Camara, Ahmadi Karembé etc.
Khadydiatou Sanogo
Assane Koné
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Lettre de remerciement de Boukary Daou
Chères consœurs, chers confrères
Mes illustres ainés et confrères expérimentés, constitués en Comité de crise pour la libération de Boukary Daou (Urtel, Assep, Groupement patronal de la presse écrite, Maison de la presse) ont su relever dans les règles de l’art les défis de la cohésion et de la mobilisation le long de l’affaire Boukary Daou, à la grande satisfaction du prévenu que j’ai été.
Les avocats constitués pour me défendre ont su exprimer leur sommité du droit en déjouant tous les pièges des atermoiements et du dilatoire et amener le tribunal à prononcer l’annulation ce 30 avril, des poursuites contre moi pour « incitation aux crimes et délits, publication de nouvelles fausses ». Ceci est à l’honneur du Comité de crise présidé par le doyen Mahamane Hamey Cissé. C’est à l’honneur de tous les confrères maliens, des confrères africains et du monde entier, des organisations de défense de la liberté d’expression, de celles de défense des droits de l’homme, et de tous les combattants pour la démocratie, ainsi que des chancelleries, qui n’ont jamais baissé la garde. Comment remercier à la hauteur du sacerdoce, ce pool d’avocats constitué autour de Me Lamissa Coulibaly, et comprenant mon cher Professeur du Droit social à l’ENA Me Amidou Diabaté, pour la victoire qu’ils ont remporté au bénéfice d’une presse en proie à de multiples atteintes graves, et qui en avait besoin ? Le monde de la presse dans son ensemble, l’opinion nationale et internationale leur reconnaitraient leur action historique pour que « fleurisse la presse malienne ».
ARTICLE 19, l’Union des Journalistes d’Afrique de l’Ouest (UJAO), le Forum des Editeurs Africains (TAEF), la Fédération internationale des journalistes (FIJ), Reporters sans frontières (RSF), etc sont restés engagés au côté du Comité de crise, attentifs à ses soucis pour ma libération et pour que je puisse être blanchi comme je le suis. Je souhaite que ce bel élan de convergence confraternelle et de solidarité agissante demeure et qu’il permette aux acteurs de la presse malienne de réviser la loi qui régit cette profession, dans le sens d’une dépénalisation. Les dispositions sur « incitation aux délits de presse » et « publication de nouvelles fausses » étant des dispositions scélérates à revoir, les hommes de média maliens doivent immédiatement saisir l’occasion de ce 3 mai, journée internationale de la presse, pour relancer le débat sur la désuétude des textes régissant la presse dans notre pays. L’affaire Boukary Daou n’aura pas été vaine, et nous nous dédions à cette prise de conscience collective en vue d’un toilettage de la loi n°46 ANRM du 7 juillet 2000. Afin que la presse malienne retrouve sa place dans le concert médiatique mondial,et que notre plume soit « la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche ».
Boukary Daou
Le Républicain Mali 2013-05-02 19:30:11