«De plus en plus loin» ! C’est le titre de la nouvelle série signée «Canal+ Original» et diffusée sur la chaîne cryptée chaque lundi entre le 28 février et le 21 mars 2022. Ce thriller social met en lumière les méandres du trafic des humains et de l’immigration clandestine, une voie empruntée par Léon et Ibra, deux jeunes Burkinabé sérieusement éprouvés par les coups de la vie pour résister au mirage de l’Eldorado européen. Cette œuvre est une idée originale du très célèbre Michel Bohiri et de notre compatriote Adiaratou Sangaré qui a accepté de se confier au Le Matin.
Le Matin: Si je vous dis «De plus en plus loin» ! Que répondez-vous ?
Adiaratou Sangaré : «De plus en plus loin» est le cri de cœur d’une jeune scénariste face au fléau de l’immigration clandestine. C’est une alerte face au poids des pesanteurs socioculturels et économiques qui pèsent sur les jeunes africains et qui les poussent à aller braver la mort en quête d’un avenir incertain.
Quelle a été votre propre réaction en découvrant cette série à la télé ?
Une fierté et une joie incommensurable, mais surtout la satisfaction d’un travail accompli et d’un rêve réalisé.
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans la découverte sinon la redécouverte de cette émouvante série ?
Le jeu d’acteur. Les acteurs ont excellemment assimilés les personnages qui leur ont été attribués.
Comment à germer l’idée de cette série de 8 épisodes de 52 minutes ?
L’idée à germer à la lecture d’un article sur un Serial Killer malien du nom de Oumar Doumbia, un jeune refoulé de la Libye qui tuait des jeunes après avoir soutirer leur argent pour l’obtention d’un visa français. A la fin de la lecture, 2 questions me sont venues : Comment aider la société à comprendre son rôle dans l’immigration clandestine des jeunes ? Comment faire comprendre à la société la détresse et le traumatisme que vivent ceux qui ont échoué dans leur tentative de départ forcé vers l’Europe ? C’est en cherchant les réponses à ses questions, qu’est née «De plus en plus loin».
Quel a été précisément votre rôle en tant que qu’auteur et scénariste ?
Le projet je l’ai pensé, initié, développé avec Michel Bohiri et co-écrit avec des coscénaristes du Burkina, du Bénin et du Sénégal.
C’est donc la concrétisation d’un engagement contre le fléau de la migration clandestine ?
A.S : Nous avons initié ce projet pour lever le voile sur les causes et les conséquences de l’immigration clandestine, sans juger.
Que voulez-vous que les téléspectateurs, notamment les jeunes, retiennent de cette œuvre de belle facture ?
Juste qu’ils comprennent les dangers liés à ce mode de départ à l’aventure qui ne présente aucune garantie de sécurité ou de réussite. Surtout que, à y réfléchir de près, on peut rester en Afrique et réussir.
Quel a été l’accueil des critiques après la diffusion sur Canal+ ?
A.S : Les critiques sont satisfaisants à 90 % avec des commentaires sur l’authenticité de l’histoire et le jeu d’acteurs qui ont été beaucoup appréciés. La série a été aimée et suivie en Afrique et beaucoup de critiques et de téléspectateurs nous demandent la suite.
Quelles sont les difficultés qui ont jalonné le parcours de la réalisation de cette œuvre ?
La première difficulté a été de trouver une histoire cohérente, commune à la quasi-totalité du continent africain. Ce qui a duré 2 ans avec des résidences d’écriture à Ouagadougou (Burkina), Abidjan (Côte d’Ivoire), Dakar (Sénégal) et à Paris (France).
La 2e difficulté a été celui de l’accès au financement pour réaliser un tel projet. Il a été difficile de réunir les fonds et à ce niveau je tiens à remercier Arnaud de Buchy de Acacia production au Burkina qui a été le premier à nous faire confiance comme producteur ainsi que Canal plus et Alex Ogou.
Justement, quel est le coût de production de cette série ?
Le coût de production de la série est de 650 millions de F CFA.
Après la diffusion sur Canal+, comptez-vous compétir dans des festivals ?
Nous allons postuler à des festivals et à d’autres compétions. À noter que même avant la sortie, nous avons été sélectionné au festival de Luchon en France. C’est la première série d’Afrique francophone sélectionnée à ce festival !
Que retenez-vous de cette première expérience ?
Beaucoup de leçons, notamment celle de la patience qui me manquait beaucoup (rires). Le projet a commencé en 2018 et il a fallu 4 ans pour le voir sur les écrans. Ça m’a aussi permis d’être mieux outillée sur les contours de la production en Afrique.
Quelle suite comptez-vous donner à «De plus en plus loin» ?
A.S : Pour le moment, on se repose après 4 ans de travail. Néanmoins, on réfléchit à la possibilité de faire une 2e saison. Mais tout dépendra de l’accueil du public à la suite de la diffusion.
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous installer en Côte d’Ivoire ?
Ben les turpitudes de la vie. J’étais au Mali et malheureusement j’ai eu des soucis avec certains collaborateurs qui ne m’ont pas rendu la vie facile. Déçue, mais surtout salie et abandonnée par ceux que je croyais être mes proches, j’ai tenté ma chance ailleurs grâce à Michel Bohiri. Mais avec le recul, je me dis que c’était certainement un appel du destin (rires).
Comment avez-vous connu Michel Bohiri ?
A.S : Je l’ai rencontré au Mali, lors d’un de ses voyages.
Que représente-t-il aujourd’hui pour vous ?
A.S : Michel Bohiri est aujourd’hui pour moi le mentor, le binôme, le conseiller, l’ami, le collaborateur… Il m’a ouvert les portes du monde du cinéma et il m’a surtout permis d’être ce que je suis aujourd’hui.
Travaillez-vous ensemble sur d’autres projets ? Lesquels ?
A.S : Oui nous sommes sur plusieurs projets ensemble, notamment un festival de théâtre et trois autres séries.
En tant que journaliste culturel et professionnelle du 7e art, quel est votre regard aujourd’hui sur le cinéma africain, notamment le cinéma malien ?
Le cinéma africain est en pleine expansion avec une nouvelle génération qui veut rivaliser avec les autres continents, à l’instar du Nigeria, du Ghana et de l’Afrique du Sud.
Quant au cinéma malien, depuis un certain temps, il a de la peine à émerger du lot du fait du manque d’appuis (institutionnel et financier) de nos autorités, mais surtout à cause du manque d’organisation du secteur. La nouvelle génération tente bien que mal de sortir la tête de l’eau. Mais, sans accompagnement, ce ne serait pas évident.
Vous-êtes connue sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, comme Fatalmoudou Sira. D’où vous vient ce surnom ?
Fatalmoudou est le nom de la tante paternelle à ma mère. C’est ce nom qu’elle aurait voulu me donner suite à une promesse faite à sa grand-mère. Malheureusement, en tant qu’aînée et comme le veut la tradition malienne, le choix du nom revenait à la famille paternelle.
Propos recueillis par
Moussa Bolly