(Agence Ecofin) – Dans le prolongement de sa campagne marquée par une importante place accordée à la diversité culturelle, Joe Biden a fait la part belle aux personnalités d’origines diverses, lors de la nomination des premiers membres de son équipe. Le choix le plus marquant du nouveau président américain a été celui de nommer Adewale Adeyemo, un fils d’immigrés nigérians, au poste de secrétaire adjoint au Trésor.
Le 1er décembre dernier, les médias du monde entier n’avaient d’yeux que pour « Wally ». Chez les démocrates, c’est le surnom donné à Adewale Adeyemo. Nommé secrétaire adjoint au Trésor, pour une première historique aux Etats-Unis, le jeune homme de 39 ans n’en est pourtant pas à son premier tour sous les projecteurs.
Ayant déjà occupé d’importantes responsabilités sous la présidence Obama, le Nigérian continue une fulgurante ascension débutée dès ses premières années, lorsque ses parents et lui ont décidé de quitter le Nigeria à la recherche d’une vie meilleure.
Le rêve américain des Adeyemo
Lorsque le nouveau président américain Joe Biden a choisi Wally Adeyemo, ses parents se sont-ils sentis récompensés d’avoir choisi l’expatriation, un choix qui ne conduit pas toujours au bonheur espéré ? Il y a certainement eu de la joie et de la fierté, mais ces sentiments ne sont pas inédits pour les Adeyemo, lorsqu’il s’agit de Wally.
C’est un peu pour lui que ses parents ont décidé de quitter le Nigeria, où leurs revenus d’enseignant, pour le père, et d’infirmière, pour la mère, ne garantissaient pas le meilleur avenir pour la famille.
Le Nigérian continue une fulgurante ascension débutée dès ses premières années, lorsque ses parents et lui ont décidé de quitter le Nigeria à la recherche d’une vie meilleure.
Lorsque Adewale Adeyemo, leur fils, naît en 1981, la famille n’est pas un modèle de stabilité financière. Pour offrir une meilleure vie à leur fils, ils envisagent d’immigrer aux Etats-Unis. Bien sûr, tout quitter n’est pas un choix facile, mais après quelques mois de tergiversations, la famille nigériane fait le pas et décide de tenter son rêve américain. Ils débarquent sur la Côte Ouest où leur fils grandit, sans jamais oublier d’où il vient. Effectivement, les parents d’Adewale Adeyemo réussissent à lui inculquer, dès son plus jeune âge, un profond sens du devoir et de la responsabilité. Ils lui enseignent que rien ne lui viendra sans effort et que leur présence aux Etats-Unis était le résultat d’une quête qu’il devra désormais poursuivre.
Investi des aspirations parentales à une meilleure existence, Adewale Adeyemo se distingue dès son plus jeune âge par une assiduité sans faille durant son parcours scolaire. Bientôt, son petit-frère et sa petite-sœur, nés aux Etats-Unis, rejoignent son quotidien. Décidé à leur fournir un modèle, Wally s’emploie à rester sur la voie de l’excellence au lycée Eisenhower.
Après ses études secondaires, il rejoint l’université de Berkeley en Californie. Après y avoir obtenu un diplôme de premier cycle en arts, Adewale Adeyemo décide de faire des études de droit à la Yale Law School. Il y obtient un Juris Doctor Degree, diplôme qui prépare généralement les étudiants américains à tenter leur chance au barreau. Néanmoins, dans quelques cas, les titulaires de ce parchemin se lancent dans des domaines comme la finance. C’est le cas de Wally qui ne ressent pas l’appel du barreau.
Une ascension fulgurante
Adewale Adeyemo débute sa vie professionnelle en tant que rédacteur au sein du Hamilton Project. Il s’agit d’une initiative de politique économique créée par le Think Tank Brookings Institution en 2006 par des décideurs publics, des hommes d’affaires, des universitaires et des économistes. Le projet a pour objectif de faire prospérer la tradition d’opportunité, de prospérité et de croissance des Etats-Unis. Au contact des autres penseurs économiques, le Nigérian apprend tous les contours de la création et de l’exécution de politiques innovantes et pragmatiques.
« Ils ont travaillé dur, en tant que directeur d’école primaire et infirmière, pour donner des chances énormes à leurs enfants, mais en cours de route, ils nous ont inculqué les valeurs qui nous guident chaque jour », confie-t-il ému.
L’expertise de Wally devient si importante qu’en 2013, il est nommé conseiller principal et chef de cabinet adjoint du secrétaire au Trésor Jack Lew.
A l’occasion de son discours de prise de service, Wally rend hommage au choix de ses parents. « Bien qu’ils n’aient pas pu être ici aujourd’hui, je tiens à rendre hommage à mon père et à ma mère qui ont immigré dans ce pays à la recherche du rêve américain et de la possibilité de nous offrir, à mon frère, à ma sœur et à moi, une vie meilleure. Ils ont travaillé dur, en tant que directeur d’école primaire et infirmière, pour donner des chances énormes à leurs enfants, mais en cours de route, ils nous ont inculqué les valeurs qui nous guident chaque jour », confie-t-il ému. Ce jour-là, Wally n’hésite pas à raconter à l’assemblée certains des moments ayant forgé son caractère et ses valeurs. « Ce désir de m’inculquer la valeur du service a conduit mon père à me réveiller tôt le matin du 11 février 1990 pour assister à la libération de Nelson Mandela. Même si les images de ma télévision étaient celles d’une réalité située à des milliers de kilomètres de notre maison en Californie, je pouvais sentir l’espoir que Mandela inspirait non seulement aux Sud-Africains mais aussi à mon père. Voir Nelson Mandela passer de prisonnier à président et entamer le processus de rassemblement d’un pays était plus qu’inspirant, cela m’a motivé à imaginer comment je pourrais utiliser le service public pour améliorer le monde autour de moi », se souvient Adewale Adeyemo.
« Même si les images de ma télévision étaient celles d’une réalité située à des milliers de kilomètres de notre maison en Californie, je pouvais sentir l’espoir que Mandela inspirait non seulement aux Sud-Africains mais aussi à mon père.»
A son poste, il devient le négociateur en chef des dispositions du Partenariat Transpacifique, en matière de politique macroéconomique. Quelques mois auparavant, il avait fait ses preuves en tant que premier chef de cabinet du Bureau de protection financière des consommateurs. Le président Barack Obama entend parler de son excellent travail. Il décide, en 2015, de nommer Adewale Adeyemo au poste de conseiller adjoint à la sécurité nationale et de directeur adjoint du Conseil économique national. A ce poste, le Nigérian doit, entre autres responsabilités, coordonner le processus d’élaboration des politiques en matière de finances internationales, de commerce, d’investissement, d’énergie et de protection de l’environnement. Il représente également Barack Obama à certains sommets du G7 et aux forums internationaux du G20.
Après le départ de Barack Obama de la Maison Blanche, Wally Adeyemo est recruté par la multinationale américaine spécialisée dans la gestion d’actifs BlackRock, pour donner des conseils sur la politique macroéconomique et la géopolitique à des hommes d’affaires et à des ONG. En 2019, il est nommé à la tête de la fondation Barack Obama. C’est ce poste qu’il occupait jusqu’à l’annonce de sa nomination par Joe Biden. D’après ses propres mots, il a pour ambition de reconstruire l’économie américaine.
La nomination de Wally Adeyemo a été vivement commentée par la presse africaine, prouvant la fierté du continent face à cette success-story. Certains n’hésitent pas à rappeler qu’aussi bien son patronyme que son prénom sont construits sur la racine « Adé », signifiant couronne en Yoruba. Ainsi, il serait destiné à emboiter les pas à Barack Obama à la Maison Blanche, si la constitution américaine n’exigeait pas, pour cela, d’être né aux USA.
Servan Ahougnon