Les incohérences dans le plan de mise en œuvre de l’accord d’Alger pour la paix et la réconciliation au Mali ont été vigoureusement dénoncées par l’Association Alliance pour la démocratie au Mali (Adema). L’association politique s’est montrée très critique sur le non aménagement des sites de cantonnement, la lenteur du processus de recensement des éléments qui doivent être désarmés et cantonnés.
Samedi, 5 septembre 2015, à la Pyramide des Souvenirs de Bamako, les responsables de l’Adema Association n’ont pas caché leur mécontentement lors d’une conférence-débat sur le thème : « enjeux et défis de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali ».
Cette conférence, animée par la présidente de l’Association Adema, Mme Sy Kadiatou Sow, a enregistré la présence d’éminents membres de cette association, tels que sa vice-présidente, Mme Keïta Rokiatou N’Diaye, les professeurs Aly Nouhoum Diallo et Doulaye Konaté, ainsi que des représentants de plusieurs partis politiques. Sans oublier des représentants d’organisations de la société civile, des associations de presse, pour ne citer que ceux-là.
Abordant le sujet de la conférence-débat, Mme Sy a d’abord souligné les particularités de cet accord par rapport aux précédents, notamment l’occupation des 2/3 du territoire par des groupes armés, l’adoption de nombreuses résolutions des Nations Unies, de l’UA et de la CEDEAO, la présence de forces étrangères ainsi que le nombre de pays et institutions impliqués dans la médiation conduite par l’Algérie.
« De nombreuses faiblesses, d’incohérences entre certaines dispositions, notamment celles relatives à la restructuration du secteur de la sécurité » ont été rapportées par la conférencière, qui n’a pas hésité à évoquer des délais très variés et pour beaucoup irréalistes par rapport aux capacités des structures et acteurs chargés de la mise en œuvre de l’accord.
Pour aller vite vers une paix durable, la présidente de l’Adema Association a souhaité la tenue d’une conférence d’entente nationale, l’implication des populations dans l’élaboration et la mise en œuvre de toutes les stratégies pour la paix et le développement, un cantonnement effectif sur le court terme, avec identification digitale des combattants.
En outre, Mme Sy Kadiatou Sow a recommandé la création d’une structure légère de coordination des actions de réconciliation et le choix judicieux des femmes et des hommes capables de les animer, la mise en place d’une véritable stratégie de communication pour une mobilisation nationale autour de l’accord.
Or, Kadiatou Sow est persuadée qu’il manque des informations de sources officielles sur les actions menées par le Comité de suivi de l’Accord. Comme enjeux de la mise en œuvre de l’accord, elle cite, entre autres, l’accalmie dans les zones de conflits, le retour des réfugiés et déplacés, de l’administration aux niveaux régional et local, des services sociaux de base (santé, éducation notamment), la poursuite et/ou le démarrage des activités de développement, le retour de la confiance entre communautés.
Les militants de l’Adema Association plaident aussi pour la restauration de la confiance entre les pouvoirs publics et les populations, la reprise des relations avec les partenaires techniques et financiers, tant au niveau du gouvernement central que celui des collectivités. Pour ce qui concerne les défis, ils découlent, selon la présidente de cette association de patriotes, des faiblesses de l’accord telles que l’insuffisance des ressources nationales et la forte dépendance vis-à-vis des partenaires extérieurs.
Pour avancer rapidement dans l’application de cet accord, Kadiatou Sow exige des Nations Unies, surtout, des réponses à un certain nombre de questions. «Que veulent les responsables de la Communauté internationale et les pays membres de la médiation ? Comment assurer le retour de l’Etat sur tout le territoire du Mali ? Que faire pour que la sécurisation des populations et de leurs biens soit assurée par l’armée sur l’ensemble du territoire, comme indiqué dans toutes les résolutions des Nations Unies ?», s’est-elle interrogée.
La partition du Mali n’est pas consommée
S’agissant de la situation complexe d’Anéfis, Mme Sy Kadiatou Sow a tenu à se démarquer de la ligne du Président IBK: « Nous comprenons et soutenons la résistance des groupes d’autodéfense et leur détermination à préserver l’intégrité de leur territoire. Au lieu de s’acharner contre eux et d’exiger leur retrait sans condition, les médiateurs et les autorités devraient plutôt des mesures de confiance à l’endroit des populations concernées et des groupes qui les défendent. »
La priorité selon elle, c’est accélérer le processus de redéploiement des forces armés et de sécurité maliennes, en se référant à la Résolution 2164 relative au mandat de la Minusma, qui est d’aider les autorités maliennes à étendre et rétablir l’administration de l’État dans tout le pays, en particulier dans le nord. Et cela, conformément à l’accord préliminaire de Ouagadougou et l’accord de cessez-le-feu du 23 mai 2014 et appuyer l’application du cessez-le-feu et des mesures de confiance sur le terrain, selon les dispositions de l’accord préliminaire de Ouagadougou».
Les propositions faites par l’Association Adema sont entre autres: l’exécution correcte et dans les délais impartis du mandat confié à la Minusma, une réponse par les pouvoirs publics à la demande de vérité et de justice des Maliennes et des Maliens, afin de mettre fin à l’impunité ainsi que la mobilisation de toutes les composantes de la société malienne pour l’appropriation du contenu de l’accord, gage de la durabilité de la paix.
« Les enjeux liés à la mise en œuvre de l’accord nous imposent de nombreux défis à relever et la dégradation de la situation sécuritaire n’est pas pour rassurer les populations quant à la bonne foi des parties prenantes, a relevé Kadiatou Sow. Les Maliens sont fatigués des incantations et des rodomontades. La paix ne se décrète pas. Notre Association réaffirme sa conviction qu’un débat national est indispensable et urgent pour réfléchir et trouver ensemble les solutions acceptables par la majorité des Maliennes et des Maliens.»
Au cours des débats, Mme Sy Kadiatou Sow a salué l’action des partis politiques comme Fare Anka Wuli et le Parena qui, selon elle, organisent des débats d’intérêt national.
Pour sa part, le Pr Aly N Diallo a invité « tout le monde » à se lever pour faire face à la situation du pays, tout en faisant savoir que la partition du Mali n’est pas consommée.
Aguibou Sogodogo
Le Républicain-Mali 06/09/2015