Accord incompris

Après les tueries barbares à Gao, le président de la République, IBK, a exprimé, à la télévision nationale, son profond regret. «Je m’incline devant la mémoire des jeunes gens fauchés à la fleur de l’âge. Je souhaite prompt rétablissement aux blessés», avait-il déclaré. Pour lui, ces incidents regrettables pouvaient pu être évités. «Ils sont une illustration manifeste d’une méconnaissance des aspects féconds du contenu de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale. Ils nous commandent d’œuvrer encore davantage pour sa meilleure compréhension et son appropriation par l’ensemble des couches de notre peuple». Maintenant, c’est clair pour tout le monde, les Maliens n’ont pas compris l’accord. Cela n’est point une surprise dans la mesure où il n’y a eu aucune véritable campagne d’explication. Et dire que toutes les semaines, des ministres et des membres de groupes armés ont organisé des fora et rencontres dans les localités du nord ! Aujourd’hui, ce sont les populations bénéficiaires de ces campagnes, qui n’ont rien compris de l’accord, qui se révoltent. IBK pense que les inquiétudes suscitées par certaines dispositions de l’accord découlent, de manière évidente, d’interprétations erronées. «Je suis convaincu qu’elles se dissiperont progressivement, si de bonne foi, nous acceptons collectivement de conjuguer nos efforts, tous, acteurs confondus, en ayant pour objectif le devenir d’un Mali stable et prospère…», espère-t-il. C’est le souhait de tout le monde, mais à quelle condition ?

Souveraineté

La souveraineté, c’est avant tout avoir les moyens de sa politique. Ce n’est pas l’orgueil mal placé ; ce n’est pas dire : nous sommes descendants de Babemba, Tiéba, Samory, Binton, Da Monzon, Sony Alibert… Nos aïeux ont fait leur temps, signé des pactes, des contrats et même des accords de défense et de coopération militaire. Ils ont fait ce qu’ils pouvaient pour le pays qui n’était pas uni, mais en entités séparées. Nous devons voir les réalités du moment et cesser de nous taper la poitrine. La souveraineté, c’est savoir ce qu’on peut et ne peut faire. Nous n’avons pas les moyens d’avoir une armée efficace pour sécuriser notre vaste territoire. Même si on en avait les moyens, l’équipement va prendre du temps. Faisons donc la politique de nos moyens. Et non celle de nos orgueils ! Regardons les réalités en face et travaillons avec les autres, le temps de nous préparer.

Les proches du président «rétrogradés»
Les observateurs ont remarqué, après le remaniement, que ce sont bien les proches du président de la République ou supposés comme tels qui ont fait les frais. Il s’agit d’Hammadoun Konaté, de Mme N’Diaye Ramatoulaye Diallo, d’Abdel Karim Konaté et de Mahamane Baby. Le premier, Hammadoun Konaté, était numéro 2 du gouvernement Modibo Kéïta II. Il occupait un poste ministériel stratégique, dans la mesure où tout le ‘’volet reconstruction du Nord’’ dépendait de lui. D’aucuns le voyaient même dans le fauteuil de Premier ministre. De numéro 2 du gouvernement, il a été rétrogradé à la 5ème place. Pis, son Département a été délesté du volet ‘’Reconstruction du Nord’’. Quant à Mme N’Diaye Ramatoulaye Diallo, elle figurait dans le cercle très rapproché du président de la République. Certains journaux avaient signalé qu’il lui arrivait de nouer la cravate du président lors de ses déplacements. Et puis, avec l’appui d’IBK, elle avait pu faire la jonction entre le ministère du Tourisme et de l’Artisanat qu’occupait Mme Berthé et son ministère initial. Aujourd’hui, à sa grande surprise, elle perd ce qu’elle avait gagné, officiellement, dans le souci de faire de la place aux nouveaux venus, au nom de la paix.

S’il y a un ministre qui est bien mal récompensé, c’est bien celui du Commerce. Abdel Karim Konaté dit Empé s’est battu comme un beau diable dans l’eau bénite pour la maîtrise des prix, la protection des consommateurs ; pour éviter la hausse des produits de première nécessité durant le mois de Ramadan ; pour sauver le parc industriel à travers la signature de contrats de performance. Pratiquement, toutes les semaines, les plus hautes autorités du pays le félicitaient pour ses efforts et ses initiatives. Dans le classement trimestriel des ministres, initié par le Premier ministre, il figurait sur le podium, le jeudi 7 juillet, jour du remaniement. Les PTF l’ont remercié pour la maîtrise des prix, gage de stabilité sociale, selon eux. Pour toute récompense, on lui retire l’Industrie et on le plonge dans les profondeurs de la préséance gouvernementale. De la 12ème, il se retrouve à la 25ème place.

Mahamane Baby, dont les liens avec la famille présidentielle sont connus, a mobilisé tous ses services pour atteindre l’objectif de 200.000 emplois promis par IBK. Tous les mois, il fait le point, chiffres à l’appui. Il faut reconnaître qu’il avait de très mauvais rapports avec une partie du Cnj-Mali, dont les ambitions ministérielles de son président étaient connues de tous. Au sein de son parti aussi, certains cadres cherchaient des poux sur sa tête. C’est peut-être tout ça qu’il a fini par payer.

Un Premier ministre très affaibli

Les ministres présents au Conseil de cabinet du jeudi dernier à la Primature n’en reviennent toujours pas. Certains anciens ministres jurent qu’ils n’ont jamais vu un tel spectacle. Quant aux nouveaux, il y en a qui sont encore traumatisés. Il semble que le Premier ministre a laissé des plumes lors du remaniement et que certains ministres ne le considèrent plus comme auparavant. En effet, durant ce Conseil de cabinet, il a eu des échanges très vifs avec certains ministres. Il y avait comme une sorte de défiance envers le Premier ministre. Cette attitude serait due au fait que certains ministres se sont pas rendu compte que le «Vieux» ne décidait de rien, qu’il n’a pu tenir ses promesses et qu’il a réglé quelques comptes en cassant certains ministères. Mais l’échange le plus violent qui s’est déroulé, a opposé le PM au ministre Bathily. Les autres ministres ont remarqué que le PM était fermé à toutes les explications données par Bathily sur certains dossiers. Après le Conseil de cabinet, les deux hommes ont continué l’explication dans le bureau du PM. Là aussi, les éclats de voix s’entendaient dans le couloir. Selon nos informations, le PM ne pardonne pas à Bathily l’attitude de son fils Ras Bath, qui estime qu’il a sa place en prison. Aux dernières nouvelles, tout serait rentré dans l’ordre…au profit de Bathily.

Ministres SDF

Hé oui, ils ont été nommés ministres sans qu’aucune disposition ne soit prise. Dans une équipe pléthorique, le chef du gouvernement et le président de la République ne se soucient pas des questions de bureaux et autres commodités pour les ministres. Il suffit de les nommer, et après, il faudra trouver une solution pour caser tout le monde. Les deux ministres sans bureau sont Amadou Koïta de la Jeunesse et de la Construction citoyenne et Ibrahim Ag Ali Mohamed du Développement industriel. Deux ministères nouvellement créés. Tout le monde se souvient encore de la bataille entre Poulo et Me Diarra quand le ministère de la Jeunesse et Construction citoyenne avait été créé. Les deux voulaient tous restés dans le bâtiment en face de l’ex-ENA. Finalement, le gouvernement a tranché, même si Poulo et son équipe ont fait quelque moment à la Cité administrative. Aujourd’hui, tel n’est pas le cas pour les deux nouveaux ministres qui n’ont même pas de membres de cabinet, encore moins de Conseillers. Ils sont les deux à ne pas avoir de bureau. Cela se passe alors que l’Etat vient de publier la liste de ses bâtiments à vendre. Pourquoi ne pas prendre dans ce lot deux bâtiments pour nos ministres Sans Domicile Fixe, au lieu de les laisser en errance ?

Le fardeau devenu gâteau
Professeur Tiémoko Sangaré, président de l’Adéma-Pasj, devait être le premier président de l’Assemblée nationale de l’ère démocratique, mais il avait finalement été lâché au profit du Professeur Aliou Nouhoum Diallo. L’enfant de Sanankourouni, dans le cercle de Bougouni, disait tout le temps que l’accompagnement d’IBK est plus qu’un fardeau. Le président des Abeilles était fatigué, même très fatigué. Selon ses proches, il était au service des ministres Adéma dans le gouvernement. Certains vont jusqu’à dire qu’il a été copté pour être président par un clan de l’Adéma afin d’avoir la mainmise sur le parti. C’est aussi cela, la vie dans les partis politiques au Mali. Un responsable, qui n’est pas ministre ou député, a rarement voix au chapitre. Aujourd’hui, avec l’entrée du Professeur Tiémoko Sangaré au gouvernement, comme ministre des Mines, on peut dire que le fardeau est devenu un gâteau pour lui. Ou qu’il a eu son moreau de gâteau. Lui qui a de tout le temps été un piètre ministre dans les différentes équipes gouvernementales d’ATT, à l’Agriculture puis à l’Environnement. Malo Tiémoko est aussi un homme politique très avare, selon les griots de la République.

Toujours égal à lui-même
«La justice malienne est malade de nos comportements, de notre attitude, de nos fautes. Stop et ensemble, bâtissons une ‘’Nouvelle Justice’’». Cette phrase est postée sur la page du tout nouveau ministre de la Justice. Mamadou Ismaël Konaté ou Vieux Konaté a été surpris par sa nomination comme ministre, parce qu’à 24 heures de la formation de la nouvelle équipe, nous avons échangé avec lui à domicile, sur les modalités de fonctionnement du Comité d’experts, la communication et les écoutes ; bref, sur comment accélérer les choses au niveau de ce Comité. Mais voilà que le lendemain de notre conversation, il devient ministre, à notre grande surprise. Pour bon nombre de Maliens, il est l’un des rares ministres appréciés dans le nouveau gouvernement. Il est connu pour sa simplicité, sa sympathie, son franc-parler et sa rigueur dans le travail. Mais… on a beau être bon, la politique est une autre réalité. «La politique du plus fou ou fort est la meilleure ; ça se passe comme ça». Me Konaté vient de réussir un grand coup avec sa mission à Gao, car les jeunes ont été plus sensibles à ses propos. Reste maintenant un test grandeur nature qui attend, dans les jours à venir, le nouveau Garde des Sceaux : la gestion des revendications du SAM qui veut aller en grève du 27 au 29 juillet 2016. Tout un challenge.

Bastonnade préférée

Notre Doyen Idrissa Diouf, une grande plume, ancien Directeur de la communication de la BNDA, qui a fait valoir ses droits à la retraite, amuse le monde sur sa page Facebook avec des histoires drôles. Koro, qui pendant le mois de Ramadan, nous a gratifié d’une tasse de riz au gras, a posté ceci sur sa page Facebook : «Deux voleurs, qui sont aussi des amis, ont décidé de cambrioler deux maisons contiguës. Au bout d’une heure, on entendit des cris très forts provenant de l’une des deux concessions et le propriétaire de l’autre maison se pencha pour voir ce qui s’y passait. Lorsque son voisin lui fit savoir qu’il avait attrapé un voleur qu’il était en train de frappe, il lui dit alors : tu nous empêches de dormir pour si peu voisin, j’ai attrapé son complice il y a 30 mn et je l’ai déjà égorgé. Là, le voleur pria son tortionnaire de continuer sa bastonnade et de ne pas écouter les paroles du voisin. Ah, ah, ah, qui est fou ?»

Bombe foncière

Les Maliens sont aujourd’hui préoccupés par la gestion de la crise au Nord, mais il y a une bombe qui dort dans tout le pays : le foncier. Sa mauvaise gestion a tué plus que la rébellion. Mais la gestion actuelle ne peut résoudre le problème, car au Mali, il ne se passe pas de semaine, sans qu’il n’y ait des attaques à cause des litiges fonciers. Il y a eu, la semaine passée, un affrontement sanglant entre les habitants de deux villages dans le cercle de Kita, Arrondissement de Séféto. À la base, un litige foncier. Un député y est fortement impliqué, pour promesse de campagne non tenue. Il a eu à faire une intervention sur les radios privées : «Attention, ne me mentionnez pas !» Le député a fait la confusion entre deux personnes qui se sont succédé à Toukoto, comme juges. À Sikasso, à l’entrée même de la capitale du Kénédougou, dans un village du nom de Lamine Bamba, un autre litige foncier oppose les populations. Un gendarme a voulu s’y rendre, mais il ne savait pas que les habitants étaient organisés. C’est ainsi qu’en l’absence des chefs de famille, le gendarme a été sérieusement tabassé par les femmes. Finalement, c’est la Brigade de gendarmerie qui est intervenue pour arrêter les femmes en question. Et tous les villageois se sont fait prisonniers. À la base de ce conflit, à Lamine Bamba, un lot à usage d’habitation vendu à plusieurs reprises.
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INTIME CONVICTION
Quand le mythe s’effondre à l’épreuve de l’exercice du pouvoir au haut niveau !
Le 14 juillet 2016, dans le Journal télévisé de 20h, le président Ibrahim Boubacar Kéita s’est adressé à la nation malienne suite aux manifestations des populations de Gao, particulièrement des jeunes. Un mouvement de protestation réprimé dans le sang le 12 juillet 2016 avec un bilan provisoire de 3 (selon le gouvernement) à 4 morts (sources indépendantes) et 35 blessés.
Dans cette adresse qualifiée de «laconique» par certains compatriotes, IBK a tenté de minimiser les manifestations de Gao en déclarant que «la mise en place des autorités intérimaires a été victime d’interprétations erronées» ! À son analyse, la révolte de la jeunesse de Gao est «une illustration manifeste d’une méconnaissance des aspects féconds du contenu de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale. Ils nous commandent d’œuvrer encore davantage pour sa meilleure compréhension et son appropriation par l’ensemble des couches de notre peuple».
Il est vrai que la récupération politicienne a fait déborder la protestation de son contexte politique. Mais, force est aussi de reconnaître que si le président de la République est convaincu de ce qu’il dit, il est passé à côté d’une opportunité historique de faire taire la polémique sur les Autorités intermédiaires qui divisent tant. Ce message à la nation, visiblement improvisé, lui donnait l’occasion d’expliquer clairement aux Maliens cette disposition de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale. Mais, en notre for intérieur, nous savons que Ladji Bourama n’est pas lui-même convaincu du message qu’il voulait porter. Notre intime conviction est que le pouvoir est en train d’être rattrapé par les concessions faites aux groupes rebelles dont les controversés leaders lui ont imposé leur volonté avec le soutien de la communauté dite internationale.
À notre avis, le problème ne se situe pas au niveau de la compréhension de l’Accord de paix, mais du rejet de certaines dispositions insensées comme les autorités intérimaires. Le gouverneur de région, le Directeur régional de la police et le Commandant de la gendarmerie ne sont que des boucs émissaires dans cette crise. Celui qui devait réellement démissionner, c’est le ministre de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat, Mohamed Ag Erlaf. Celui-ci s’est battu bec et ongle pour faire passer cette loi au conseil des ministres et au Parlement. Il a presque balayé d’un revers de la main les nombreuses craintes exprimées par la classe politique, notamment les élus du septentrion, la société civile et les médias. Tout comme l’Assemblée nationale doit être dissoute, car ayant voté cette loi malgré les mises en garde de toutes parts. Même si c’est une disposition de l’Accord, le processus a été précipité. Alors que, comme le dit si bien un compatriote sur les réseaux sociaux, il aurait dû être «assez participatif» avec implication de toutes les populations du pays, de toutes les régions du pays. Et cela d’autant plus que cet accord implique toute une nation éprouvée, et non seulement les régions du nord du Mali.
L’idéal était que chaque Malien, de Kayes à Tessalit, se retrouve dans cet accord. À part Kidal, Tessalit et Ménaka, les autres régions du Mali ont l’impression d’avoir été sacrifiées sur l’autel de cette paix. Et la réalité de tous les jours est en train de leur donner raison. «Je pense qu’il sera très difficile d’assurer une acceptation et voire même une appropriation d’un texte parachuté d’Alger», déplore un bloggeur. On a mis la charrue avant les bœufs alors que l’adage nous enseigne que plus pressé que la musique, on danse mal. Le vin est tiré, il faut le boire. Boire le calice jusqu’à la lie !
Que reste du Mali ?
La révolte de Gao nous renvoie à une question que nous n’avons jamais cessé de nous poser devant la démission du pouvoir face aux rebelles et leurs alliés de la Communauté internationale : Que reste du Mali après la crise de 2012 ? Chacun a sans doute sa réponse en fonction de sa vision et de ses convictions ou de ses intérêts politiques et socio-économiques. Nous, notre conviction est que du Mali, il ne reste que sa population qui doit amèrement regretter d’avoir fait massivement confiance à un président qui, visiblement, est dépassé par la tournure des événements, par l’immensité des défis à relever. Sa «légendaire» rigueur et sa fermeté se sont finalement révélées comme des mythes qui se sont vite écroulés face à la réalité de l’exercice du pouvoir au haut sommet. C’est au pied du mur qu’on reconnaît le maçon compétent !
Le gouvernement nous semble inexistant et sa marge de manœuvre, par rapport à l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, est très très étroite. L’exécutif est aujourd’hui coincé entre les dispositions impopulaires (comme les Autorités intérimaires) de l’Accord et les attentes réelles des populations maliennes dans leur écrasante majorité. Est-ce qu’un président, même bon, aurait la possibilité de changer quoi que ce soit dans la situation dont IBK a hérité ? La question nous est souvent posée par le cercle de plus en plus restreint des partisans de Ladji Bourama.
Un bon président pouvait redresser le navire qui tangue dangereusement depuis janvier 2012. Un bon président dans le sens d’un vrai leader qui est convaincu qu’il doit son élection à la volonté de changement de son peuple et non à la mainmise d’une quelconque puissance coloniale ou néocolonialiste. Curieusement, depuis son élection, IBK se comporte comme si c’est la communauté internationale qui l’avait élu et non son peuple à une large majorité (77,66 %) en 2013.
Si en France, ce sont «les marchés financiers qui font la pluie et le beau temps, les alliances plus ou moins douteuses», ce sont pourtant les dirigeants de cette même France et le lobby des multinationales françaises qui décident souvent du choix des dirigeants dans les anciennes colonies. Toutefois, ni le RPM ni la France ne peuvent revendiquer le plébiscite dont Ibrahim Boubacar Kéita a bénéficié en 2013. C’est incontestablement le choix du peuple !
Pris en étau entre les «boucliers» contre le terrorisme et la communauté supposée internationale
Mais, aujourd’hui, le Mali et son président ont les mains liées par ceux qui dirigent et en même temps exploitent nos ressources, déguisés en boucliers contre le terrorisme dans le Sahel ou en «communauté internationale». Celle-là même qui a imposé au peuple malien les négociations d’Alger ayant abouti à la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, le 15 mai et le 20 juin 2015. Présentement, le gouvernement (bon ou mauvais) n’est plus en mesure de sortir ce Mali qui est complètement étouffé par les acteurs de l’ombre qui continuent à se délecter de notre infortune. Bien sûr que le Mali seul ne pouvait pas et ne peut pas faire face à la menace terroriste qui est transfrontalière voire internationale. L’ex-président Amadou Toumani Touré a toujours défendu cette réalité. Mais, ces adversaires internes et les pays voisins ne l’ont jamais pris au sérieux. Malgré la présence de la Minusma et de la force française Barkhane, la plus grave menace à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, en dehors de son caractère impopulaire, est la pression des réseaux terroristes face auxquels la communauté internationale est en train de démontrer toute son impuissance. Elle est la seule à comprendre de nos jours que la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA n’a jamais voulu la paix. La preuve est que dans tous ces déclarations et communiqués de presse, il est question que des «dirigeants de l’Azawad», le «peuple de l’Azawad»… Mais, comme c’est cette même communauté internationale qui nous a imposé l’accord, elle ne sera jamais de bonne foi quoi qu’il arrive. Autant alors passer à autre chose en assumant nos responsabilités et en prenant notre destin en main ! C’est en cela que la révolte de Gao est importante à décrypter comme un appel aux Maliens à s’assumer enfin pour éviter que le navire ne chavire, parce que le capitaine ne le maîtrise plus. Les Maliens doivent pousser IBK à ouvrir les yeux et à comprendre que le meilleur allié d’un dirigeant politique est la confiance et l’estime de son peuple.
À Gao, Tombouctou, Bamako, et dans bien d’autres villes du Mali, les jeunes ont réussi leur démonstration de force. Mais le chemin de la résurrection de notre jeunesse voire de notre peuple risque d’être long et parsemé d’embuches. En effet, le pouvoir ne cesse de démontrer qu’il va utiliser les moyens qu’il faut pour que ceux qui font les critiques les plus virulentes à son égard aient leur part du gâteau et se taisent. Certaines présences dans le 5e gouvernement d’IBK et le 3e de Modibo Kéita attestent qu’il n’y a aucune conviction dans l’engagement de certains de nos camarades de lutte. N’empêche que nous devons nous battre avec plus de courage et d’ardeur pour notre patrie qui est aussi notre «destin».
Comme l’a écrit le doyen Sogoba, il revient à notre génération «de faire la gloire de ce pays», de faire de notre patrie «la plus enviée du monde». Dans une lutte, les incertitudes ne manquent pas, car, dans les rangs, ils sont nombreux ceux qui se battent surtout pour eux-mêmes. Mais le plus grand échec sera, si chacun baissait les bras en se disant que sa lutte à lui seul ne servirait à rien. Si cela devient une conviction pour chaque Malien, individuellement pris, il est clair que le contrôle de notre patrie, donc de notre destin, va nous échapper. La paix exige des sacrifices, mais pas tous les sacrifices. Surtout de façon unilatérale !
Moussa BOLLY
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