Participant à la Conférence d’entente nationale (CEN), le président du Conseil régional de Ménaka, Abdoul Wahab Ag Ahmed Mohamed, estime que la tenue de cette activité est une occasion de bâtir un nouveau Mali. Entretien.
Quel est votre parcours ?
Durant la crise, j’étais dans l’humanitaire et puis un moment il fallait être avec un des mouvements qui était le MNLA de la CMA jusqu’à ce qu’il ne faisait plus notre affaire qui est l’intérêt de la population. Ensuite, il était venu l’idée de créer le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) dont nous étions militants de la première heure. Puis, il y a eu les autorités intérimaires où le choix est porté sur nous pour les diriger. Mais aujourd’hui, je n’appartiens à aucun mouvement. Je suis pour toute la population de Ménaka sans distinction de couleur ou d’ethnie. Je suis le président de tous les Ménakois. Je fais de leur service mon devoir.
Quelles sont les premières actions que vous avez menées ?
C’est une installation, ce n’est pas du tout facile parce que c’est la première fois depuis que la région est créée. Il n’y avait pas une assemblée régionale. Après l’installation, nous nous sommes donnés à des concertations avec toutes les sensibilités de la population (leaders religieux, chefs coutumiers et de fractions) pour leur expliquer la mission que nous devons faire ensemble avec leur appui. Nous avons également rencontré les partenaires qui sont en place et ensuite l’administration et le gouverneur, qui avant nous avait beaucoup travaillé dans la région pour renforcer la cohésion sociale, non seulement au sein de la population mais aussi entre les mouvements armés qui sont dans la région. Grâce à son appui, nous avons pu retrouver une voie pour pouvoir restaurer la confiance entre ceux qui partagent cette région.
Comment se passe la cohabitation avec l’autorité administrative de la région ?
Ça se passe dans les meilleures conditions, le gouverneur est quelqu’un qui maitrise la région de Ménaka bien avant sa nomination. Et avec lui, pour le moment, tout se passe bien. Il n’y a pas de problème.
Vous êtes arrivé à la tête du Conseil au moment où l’insécurité devient permanente, comment comptez-vous relever ce défi ?
Ce défi du moment on va essayer de le relever ensemble avec les partenaires, le gouvernement et surtout avec les leaders communautaires des mouvements politico-militaires, surtout en renforçant la cohésion sociale entre les populations et les mouvements armés. Actuellement, il n’y a pas assez de problèmes entre eux et on est optimiste quand même à ce que ça va aller de l’avant. Il y a des partenaires qui sont des ONG dans la zone, dont les activités sont parfois freinées par ce fléau de l’insécurité mais grâce à la bonne volonté des certains mouvements, nous sommes en train de faire avec eux le mieux possible pour tout bousculer enfin de pouvoir développer la région.
Est-ce que vous sentez une réelle volonté de la part des différentes parties signataires de vous accompagner dans votre mission ?
Sur le terrain, ce sont les mouvements MSA et Plateforme qui sont présents. Il y a une bonne collaboration et ils organisent parfois même des patrouilles conjointes dans la zone. Ce sont des bonnes raisons qui nous font penser que ces acteurs sont aujourd’hui pour la stabilisation de la région qui est prioritaire pour nous. A ce rythme et avec l’appui du gouvernement bien sûr, nous ne pouvons être qu’optimiste.
Vu votre jeune âge, certains estiment que la tâche est ardue. Que répondez-vous ?
Il y a des tâches difficiles, rien n’est aussi facile. Nous sommes obligés de le faire. Nous allons le faire ensemble avec les grands frères, avec les personnes qui ont de l’expérience. Bien que je sois jeune, « la valeur d’un homme n’attend point le nombre des années ». Avec la volonté que nous avons, tout se fera inch Allah.
Est-ce que pensez-vous que le vivre ensemble est possible ? Les communautés sont-elles prêtes à se pardonner ?
Dans la région de Ménaka, il n’y a pas des grands problèmes entre les mouvements et entre les communautés. A chaque fois qu’il y a des différends, ça se règle à l’amiable. Durant tous les durs moments que Ménaka a vécus, il y a chaque fois des rencontres entre les communautés. Tous ces acquis doivent être consolidés par des actes de développement et de stabilité qui sont les objectifs fixés par tout le monde.
Est-ce qu’il y a des initiatives à votre niveau pour faciliter le retour des réfugiés ?
A présent à notre niveau, nous envisageons des missions de sensibilisation sur les sites abritant les réfugiés. Mais l’accord de paix signé entre le gouvernement et les mouvements prévoient leur retour avant toute organisation des élections.
Que comptez-vous faire en dehors de l’appui du gouvernement ?
Il y a beaucoup de partenaires qui sont là pour ça avec qui nous avons espoir car ils interviennent déjà dans le domaine.
Vous participez à la Conférence d’entente nationale. Est-ce une étape cruciale pour la paix ?
Tout à fait. En tout cas, le gouvernement doit prendre les mesures nécessaires pour que cette Conférence puisse se tenir avec la participation de toutes les sensibilités de la nation malienne. La Conférence a commencé mais la CMA manque à l’appel, nous souhaitons qu’elle rejoigne les autres participants pour que cette activité puisse être inclusive. Elle est cruciale, puisque c’est le devenir qui y sera discuté. C’est une occasion pour les Maliens de trancher tous leurs différends et de bâtir un nouveau Mali.
Mais à votre niveau, il y a eu des concertations à la base ?
Oui.
Quels ont été les soucis des populations ?
Actuellement à Ménaka les souhaits de la population ont pour noms : la paix, la réhabilitation, la réconciliation, le bon vivre ensemble et des conditions meilleures.
Etes-vous optimistes pour une paix durable dans le Nord ?
Nous avons une base qui est l’accord d’Alger. Je pense que si on arrive à le mettre intégralement en œuvre, en prenant en compte tous les mouvements politico-militaires, notre rêve, qui est une paix durable, sera une réalité.
Propos recueillis par Alpha Mahamane Cissé