Il a la capacité déconcertante de passer de la sculpture à l’art dramatique, de la peinture au cinéma.
Il est tour à tour décorateur, accessoiriste, costumier ou tout simplement créateur de saynètes ou détecteur de talent
Quand on lui demande comment arrive-t-il à faire un tel grand écart, il répond paisiblement et sereinement de sa voix douce : « je ne sais pas moi-même ».
Puis il ajoute : « j’ai appris pendant une courte période à faire de la peinture à l’Institut national des arts (INA) de Bamako ».
Sa scolarité a été écourtée pour « raison de santé ».
Abdou nous a reçu chez lui à Baguinéda, localité située à 30 kilomètres de Bamako et réputée pour l’abondance de ses cultures maraîchères grâce à sa proximité avec le fleuve Niger.
Cette bourgade, à mi-chemin entre la ville et le village, attire de nombreux citadins par ses vastes espaces ombrageux, ses fruits et légumes en abondance et surtout une sorte de microclimat que procure le fleuve Niger.
Toute chose à laquelle n’est pas insensible notre artiste créateur qui, selon ses dires, vit en harmonie avec la nature.
Abdoulaye, ou Ablo, dernier né de sa fratrie, est fasciné par la forme et le mouvement, le message qu’il perçoit à travers le discours visuel que portent des objets dans son environnement.
Il aime dessiner, modeler des formes, souvent à partir de matières conventionnellement incongrues.
Sa première exposition était intitulée : « L’épopée mandingue » au Centre culturel français de Bamako en 1997.
La même année, il expose certaines de ses œuvres dans le cadre de « D’une rive à l’autre » à l’atelier Z, à Paris en France. Les mêmes œuvres sont présentées au Festival de jazz de New Orléans (USA).
Abdou impressionne déjà avec sa technique de couture et de gaufrage qui lui permet de donner des images et un visage au bogolan et à la teinture ocre des tenues de chasseurs du Mandé.
En 1999, il est sollicité pour présenter « Les empreintes » au Théâtre des Bouffes du Nord de Paris en France.
Cette exposition constitue en réalité sa porte d’entrée dans une grande maison d’art dramatique.
Abdou Ouologuem ne crée pas seulement avec les cotonnades. Il travaille sur le bois, le fer et le fil de fer et même de la terre. Car le modelage aussi n’a pas de secret pour lui. Il crée indifféremment des formes aussi bien avec l’argile qu’avec le bois.
Toutes ses œuvres sont inspirées de la nature et surtout de l’humain.
Car pour lui, l’homme ne fait que suivre les transformations des quatre éléments de l’univers : la terre, le feu, l’eau et le vent.
Ces derniers sculptent, tamisent, modèlent toutes les matières de façon naturelle.
L’homme ne fait que les imiter sans atteindre le même degré de perfection.
« Nèkè Koo… » ;
« Au gré du métal » est un ensemble de projets de l’artiste allant d’un court métrage sur Kankou Moussa présenté au festival de Cannes, à des séries d’œuvres en sculpture dont la Fondation Passerelle a le plaisir d’exposer une partie intitulée « Nèkè koo Fôly ».
En peinture, Abdou Ouologuem a travaillé, il y a un an sur un ensemble de petits formats dans des nuances de vert et marron ressortant sur une belle dorure.
La série s’intitule « Les douleurs de la beauté » ; « Sarra Dékouna ».
Elle parle de plusieurs des maux du 21e siècle : le mauvais état écologique de la planète, le culte de la consommation et la démesure en nos sociétés, la cupidité nous menant à explorer, exploiter et vider sans limites les entrailles de la terre.
« Nèkè koo… » et une partie de « Sarra Dékouna » seront exposés dans les Espaces Culturels Passerelle.
Un coup de maître- En ce qui concerne la création des décors, costumes et accessoires pour les arts de la scène et le cinéma, Abdou a commencé à travailler dessus à partir de 1997 où il prêta main forte à feu Adama Drabo quand ce dernier réalisait son long-métrage « Taafé Fanga » ou Pouvoir de pagne.
Abdou Ouologuem intervient sur les costumes et le décor de ce film qui raflera de nombreuses récompenses.
Pendant qu’il travaillait avec « Kora Films » de Cheick Oumar Sissoko à Magnambougou, le célèbre metteur en scène Franco-Anglais Peter Brook a demandé à Abdou de concevoir le décor et les costumes de la pièce de théâtre « Oh les beaux jours » de Samuel Beckett en 2000. Ce coup d’essai fut un coup de maître dont le metteur en scène et le Théâtre de Bâle (Suisse), commanditaire de l’œuvre, étaient satisfaits.
Abdou Ouologuem réédite l’exploit à travers « Thierno Bokar : le sage de Bandiagara ».
Le texte d’Amadou Hampathé Bâ est en train d’être mis en scène par Peter Brook et son Théâtre « Les Bouffes du Nord » de Paris.
Après avoir fait des propositions de costumes et de décor, on lui demande de monter sur la scène.
Il refuse dans un premier temps, arguant qu’il n’est pas comédien de formation.
Avec l’insistance de Peter Brook, il accepte les différents rôles à lui proposés.
Il s’agit d’une œuvre majeure comme le notait les critiques à l’époque.
Pour une fois, une compagnie de théâtre met sur la même scène des Africains, des Européens, des Asiatiques et des Arabes pour jouer une pièce dramatique d’un auteur du continent noir.
Il y avait Sotigui Kouyaté du Burkina Faso, Habib Dembélé et Abdou Ouologuem du Mali, Bruce Myrs d’Angleterre, Yochi Yoida et Tochi Tori du Japon.
La troupe part pour deux années et demi de tournée à travers le monde : la France, l’Espagne, l’Allemagne, l’Italie, le Brésil, le Mexique, le Japon, l’Océanie etc.
Son compagnonnage avec Peter Brook durera pendant une dizaine d’années.
Ce qui lui donne la possibilité de participer, en tant que comédien et/ou scénographe, à des projets d’envergure internationale.
Sur le plan cinématographique, Abdou avoue aimer l’image.
C’est pourquoi, très tôt, il a commencé à travailler avec le réalisateur Cheick Oumar Sissoko.
Il mettra son empreinte sur le film « La Genèse » du célèbre réalisateur en 1999.
Il partira ensuite pour le Burkina Faso où Dany Kouyaté avait besoin de ses services pour le décor et les costumes de « Sia, le rêve du python ».
Puis ce fut « Faro, la mère des eaux », un long-métrage de notre compatriote Salif Traoré en 2004.
Abdou s’est investi dans la production et la réalisation de « Nogôchi » de Toumani Sidibé.
Il a travaillé aussi sur « Cheytan », le long-métrage de Assane Kouyaté en gestation depuis plusieurs années et qui devra être présenté au prochain Fespaco en octobre à Ouagadougou.
Et plus récemment, il a travaillé sur le décor et les costumes de « Voile secret » de Alhousseyni Maïga.
Depuis une dizaine d’années, Abdou travaille sur un projet de film sur la vie et l’œuvre de Kankou Moussa, l’un des plus célèbres rois du Mandé.
Avec le Sud-africain Joe Penny, il a proposé un court métrage de ce docu-fiction qui a remporté le grand prix de cette catégorie. Mais Abdou veut en faire un long-métrage de près de 2 heures.
Le coût estimatif est de l’ordre de 5,5 milliards de nos francs.
Abdou Ouologuem a décidé en 2012 de rentrer au Mali, s’y installer et se consacrer à sa passion pour les richesses artistiques et culturelles du pays.