A Londres le « groupe de contact » prépare l’après-Kadhafi. Par Bruno Daroux Une grande réunion di

L’objectif est clairement d’éviter que l’opération « Aube de l’Odyssée » ne se transforme en un bourbier militaire et un casse-tête diplomatique, car les frappes aériennes ne font pas l’unanimité. D’où l’idée venue de Washington : placer ces frappes sous le contrôle de l’Otan, à la fois pour faire taire les divisions et aussi pour éviter d’être accusés de mener une opération des puissances occidentales contre un pays arabe et musulman. Alors, qu’est ce que ce pilotage des raids par l’Otan va changer ?

« On va assister à une meilleure coordination des efforts, à un engagement politiquement beaucoup plus net de la part de certains pays », explique François Géré, le directeur de l’IFAS, l’Institut français des Affaires stratégiques et il ajoute : « car du moment où c’est l’Otan qui prend la direction des opérations, c’est l’ensemble des Etats membres qui en porte la responsabilité. Donc je dirais que même si fondamentalement ça ne va pas changer grand-chose sur le plan de l’organisation et de la planification des opérations, incontestablement, ça va contribuer à une clarification politique de la part des pays occidentaux ».

Mécontentement de l’Union africaine

Clarifier la situation, c’est en tout cas ce qu’espèrent Washington, Londres et Paris. Mais ce n’est pas évident, car il y a toujours le mécontentement de certains pays de la Ligue arabe, même si l’organisation a voté la résolution 1973. Mécontentement aussi de l’Union africaine qui s’estime laissée de côté. Réserves aussi de la Turquie, qui du coup se propose de jouer les médiateurs entre les pro et les anti Kadhafi. Enfin il y a toujours de fortes divisions au sein de l’Union européenne, entre l’axe franco-britannique, très engagé militairement, et puis des pays comme l’Allemagne et l’Italie, toujours très réticents. Ce qui d’une certaine façon arrange les Américains.

« Il va de soi que les Etats-Unis demeurent réticents devant une trop grande affirmation de l’acteur européen dans sa globalité », explique Bara Mickael, spécialiste des Etats-Unis au sein de la Fride, la Fondation pour les relations internationales et le dialogue extérieur. Et il ajoute : « Dans le même temps, ce qui abonde dans leur sens aujourd’hui, ce sont ces deux axes qui sont en train de prévaloir au niveau de l’Union européenne, suivant que l’on se retrouve face aux Français et aux Britanniques, ou face aux Italiens et aux Allemands. Dans le même temps, quels que soient la configuration et l’affaiblissement apparent des Européens, il y a une logique à voir les Etats-Unis soutenir l’Otan, puisque si l’Otan prend des décisions, c’est pour une grande part en raison des suggestions des Etats-Unis ».

Obama affronte de nombreuses contraintes

Et si les Américains en sont venus aussi vite à vouloir ce pilotage de l’Otan – depuis le début de l’opération, Washington affiche une grande discrétion – c’est parce que Barack Obama doit affronter des contraintes stratégiques, financières et de politique intérieure, selon Bara Mickail :

« Sur le plan de la communication, il va de soi que l’administration Obama ne veut surtout pas réitérer les frasques et les erreurs de l’administration Bush. Et c’est pourquoi elle sait qu’elle serait bien avisée de tout promouvoir sauf une présence militaire directe de sa part vis-à-vis d’un quelconque pays de la région. Mais je crois également qu’il y a d’autres paramètres qui interviennent ici, notamment le fait que Barack Obama, qui se rapproche des prochaines élections présidentielles américaines, se voit quand même fortement critiqué par ses opposants, qui lui font valoir qu’il aurait pu au moins passer par la case du Congrès afin de savoir quoi faire au sujet de la Libye. En parallèle, de leur point de vue, si tant est qu’il puisse y avoir des opérations de pilonnage dans un pays ou un autre, il ne faut surtout pas que ce soit la main de Washington qui apparaisse effectivement », conclut Bara Mickail.

Que faire de Kadhafi?

Ce mardi 29 mars 2011, à Londres, on parlera aussi de la suite des opérations militaires. Car Otan ou pas Otan, c’est la suite qui compte : des frappes aériennes ciblées, oui, mais pour combien de temps ? Va-t-on frapper le cœur de Tripoli? Que faire de Kadhafi? Débat d’autant plus essentiel que l’étau se resserre mais n’est pas encore refermé autour du leader libyen.

« On va automatiquement retomber sur des discussions sur la nature des cibles, qui est un débat de prédilection au sein de l’Otan pour savoir s’il est légitime, s’il est opportun, s’il est politiquement utile de s’en prendre à telle ou telle cible. Ca va poser évidemment la question des activités aériennes au-dessus de Tripoli, et pour contrer ce qui peut rester de centres de commandement du colonel Kadhafi. Donc, on se prépare quand même à des discussions qui vont être très serrées », explique François Géré.

Rien n’est réglé

Enfin l’autre enjeu de cette réunion, ce sera de formuler un projet politique pour la Libye, à court et moyen terme. La France et l’Angleterre veulent aller vite, militairement et politiquement. D’ou la déclaration commune de Nicolas Sarkozy et du Premier ministre britannique David Cameron, appelant clairement à un départ du colonel Kadhafi, et demandant aux Libyens de se rassembler autour du CNT, le Conseil National de Transition, créé et installé à Benghazi. Cela dit, rien n’est réglé, car comme l’a dit le vice-Premier ministre britannique Nick Clegg, « seul un fou ou menteur » pourrait s’aventurer à prédire la suite des événements.

 

Par Bruno Daroux

Rfi 29/03/2011