Elle s’appelle Habi Bamba, réside dans une ambassade et a écrit un superbe livre intitulé ; « Koulouba la colline du pouvoir histoire d’amour dans un Mali en pleine révolte » ( Ed. L’Harmattan 2014) .qui mérite largement d’être connu du grand public.
Je l’ai approchée (en début d’année certes mais je trouve que le contexte n’a guère changé depuis) pour lui poser quelques questions.
Mais avant de vous livrer cette interview je voudrais vous dire un peu qui est Habi.
Habi Bamba est malienne et vit à Rome (Italie)
Elle est titulaire d’un DEA (Diplôme d’Études Approfondies) en Linguistique Appliquée de l’Université de Ouagadougou (FLASH) Burkina-Faso, d’un Proficiency en anglais et Women empowerment programme stage de formation de l’Université Legon du Ghana et a effectué des stages dans différents pays dont les USA
Sur le plan professionnel Habi sert actuellement à l’Ambassade du Mali à Rome comme Chef de Service Consulaire.
Auparavant elle a été :
– Présidente de l’ONG United Nations Women Guild/Rome affiliée à la FAO (UNWG.fao.org) La Guilde des Femmes des Nations Unies/ Rome)
– Chargée de programme volet Éducation à l’ONG The Grandmother Project depuis mai 2009Coordinatrice de l’AFED/ONG (Accès des femmes à l’Éducation) de 2005 à juin 2008 au Ghana.
Habi est aussi Romancière et a plusieurs ouvrages à son actif comme :
– L’Énoncif en Jula, une théorie grammaticale : Rapport de DEA 1995
– Plan d’action pour une meilleure Éducation des filles du Sahel.
– L’impact du milieu social sur l’éducation des filles.
– La Négation et l’Affirmation en Bambara.
– Application de la théorie du Gouvernement et du Charme aux voyelles du Jula.
– L’Alphabétisation efficiente des jeunes ruraux comme une solution au problème de l’analphabétisme dans les pays du Sahel. Mémoire de maîtrise : 1993
Elle a aussi été Rédactrice en chef du mensuel NEWSLETTERS de l’ONG United Nations Women Guild of Rome (UNWG).
Son ambition affirmée est, je cite : « Contribuer aux efforts de développement socioéconomique de l’Afrique, dans le domaine de l’Éducation, de la Gouvernance, de la Communication, de la Culture et du renforcement des capacités des communautés rurales, à travers les Actions des Agences internationales, gouvernementales, universitaires et celles des Représentations Diplomatiques»
Mais c’est dernier livre: « Koulouba la colline du pouvoir histoire d’amour dans un Mali en pleine révolte, paru aux éditions l’Harmattan Italie et France 2014 qui nous vaut cet entretien avec elle.
« Moi : POURQUOI LE MALI- Pourquoi t’intéresses-tu au Mali ?
Habi : J’aime le Mali d’un amour indéfectible et j’aime les valeurs qui font du peuple malien un peuple debout, uni et fier.
Les troubles socio économiques auxquels le Mali est confronté depuis les indépendances se sont désormais métamorphosés en crise géopolitique, sécuritaire et identitaire. Une crise qui préoccupe tous les Maliens de Kayes à Kidal et ceux de la diaspora. Sa résolution passe, certes, par des négociations qui sont d’ailleurs en cours en Alger, quoi que suspendue pour l’instant. Cependant un sursaut national est nécessaire pour faire bouger les positions.
Nous devons garder à l’esprit que ce pays a connu l’événement le plus grave de son existence : le coup d’État du 22 mars 2012. Survenu seulement à deux mois des élections présidentielles, ce putsch a balayé 20 ans d’espoir et de démocratie. Nous pouvons affirmer, sans nul doute que, le Mali s’est effondré en 2012. Certes, il y avait une rébellion à répétition au nord du pays et qui n’a pas été gérer comme il aurait fallu, mais le putsch militaire a été un accélérateur du naufrage de l’État malien et de son armée. Conséquence, les 2/3 du Mali se sont retrouvés sous occupation des narcotrafiquants, etc. Cela a catapulté le Mali dans une crise totale aussi bien au niveau sécuritaire, politique qu’institutionnelle.
Pour le reconstruire, le Mali a, certes, besoin de toutes les forces vives, mais il a surtout besoin de politiques responsables et de remèdes conséquents. Il a besoin de la communauté internationale et d’une diplomatie engagée et pragmatique. L’arrivée de Docteur Diop Abdoulaye l’actuel ministre des Affaires étrangères à la tête de la diplomatie malienne, un rompu en la matière est une source d’espoir.
Le dysfonctionnement qui mine le Mali est diagnostiqué. La communauté internationale a volé à son séjour en un moment donné, à présent c’est aux Maliens de prendre des mesures nécessaires pour l’endiguer. Pour cela, une dose de sagesse et de bonne gouvernance adaptée à la crise que traverse le pays s’impose. Les priorités doivent être définies. Le Président IBK et son gouvernement doivent doubler d’effort pour y parvenir.
Nous avons bon espoir avec le démarrage du dialogue inclusif inter malien et surtout le geste fort du président IBK d’ouvrir le dialogue avec le MLA et les mouvements rebelles du Nord bien que ces derniers se disent en belligérance avec le Mali et que leurs drapeaux flottent sur plusieurs localités du Nord.
À la problématique de la démocratie, la bonne gouvernance et de décentralisation, se greffe celle du développement durable et de l’éducation. Le Mali, à l’instar de plusieurs pays africains, patauge dans une antinomie absurde. Matérialisée par une richesse des ressources naturelles et une extrême indigence, voire une impécuniosité consternante des populations. De mon point de vue, le développement durable est freiné des quatre fers par la transposition mécanique de certains modèles de gestion communautaires totalement étrangers aux communautés maliennes concernées.
De facto, la démocratie centralisée, quoique refondés et malaxées à la sauce malienne tombent sur nos têtes avec des lacunes assorties d’énormes dysfonctionnements. On peut dire sans se tromper que le Mali est mal parti quant à l’instauration de bases saines d’une démocratie décentralisée et adaptée aux valeurs intrinsèques dont aspirent les communautés. Celles-ci s’observent en chien de faïence, prêtes à bondir les unes sur les autres pour de sordides intérêts personnels au détriment de ceux de la communauté.
Comme si cela n’était pas suffisant, la disparité entre les entre les populations d’une même région, les services, l’administration inadéquate, l’imperméabilité et l’absurdité des zones de délimitation entre différentes communautés Nord/Sud rendent encore plus complexe la cohabitions et amenuisent la dynamique d’une population qui se sent unie par un certain sentiment d’appartenance à une même nation.
Certes, des efforts substantiels ont été consentis par la troisième République, sous l’égide du général ATT, des lois d’ailleurs, entérinées par le référendum d’avril 1992 furent adoptés, mais force est de reconnaître que l’application des lois ne va pas dans le même sens que l’aspiration des populations, d’où un imbroglio constant entre gouvernants et gouvernés.
À mon humble avis, la solution se trouve dans une politique de décentralisation responsable et conséquente et de celle d’une intégration réelle et totale de toutes les couches de la population au processus du développement dont l’épine dorsale demeure l’éducation. Nous avons bon espoir avec l’arrivée aux rênes du ministère de la décentralisation Docteur Sy, l’architecte de la nouvelle configuration du paysage administratif malien.
Quant aux perfectibilités humaines en rapport à nos pratiques culturelles que je dénonce dans le livre, ma position reste la même. Il est vrai que notre culture a ses racines bien implantées dans le Diatiguiya et le Maya, pratiques certes louables, mais, de nos jours, elles ont été perverties. Alors, le Maya et le Diatiguiya ont besoin d’une dose corrective…
Un sursaut national doit est de mise, d’autant plus que le pays traverse une crise sans précédent qui a non seulement a anéanti les efforts fournis dans le passé, mais qui pourrait compromettre le futur si rien n’est fait. De facto, l’esprit de tape-à-l’œil et de gaspillage doit céder la place à celui du sérieux dans nos engagements. Le respect de nos valeurs et de nos principes doit pouvoir se faire en toute humilité. Habi Bamba auteure de Koulouba la colline du pouvoir.
Moi : Comment as-tu vécu la parution du livre?
Habi : Avec plaisir…après 7 années de recherches et d’écriture…
Moi : tes difficultés à l’écrire ?
Habi : Sept ans, parce qu’écrire un livre bien conçu prend du temps. Ce roman fait 468 pages… Et puis, j’ai une vie professionnelle et une famille, sans compter que ma fille était en pleine adolescence, au moment où j’ai entrepris cette aventure. Il me fallait gérer tout cela »
Enfin pour terminer je dois ajouter que Habi a été tour a tour Présidente du Collectif des Femmes Maliennes du Ghana, 2003-2008 et Vice présidente du Haut Conseil des Maliens de l’Extérieur (conseil de base des Maliens du Ghana) 2003-2007
Je vous invite vivement a lire cet ouvrage très passionnant sur l’histoire contemporaine du Mali
Mountaga Touré
Diasporaction.com 30/08/2015