LE FIGARO. – Comment votre organisation fait-elle face à la situation à Bangui?
Serge SAINT-LOUIS. – Trois sections de MSF – française, espagnole et hollandaise – sont présentes en Centrafrique. Leurs équipes de coordination se trouvent à Bangui, mais nous n’avons normalement pas de projet dans la capitale. Depuis la semaine dernière, toutefois, une opération d’urgence de sept personnes a été mise en place. Elle vient en appui à l’hôpital communautaire, le seul hôpital fonctionnel aujourd’hui dans la capitale. Car, dans les autres, le personnel n’est pas de retour, et l’approvisionnement en médicaments fait défaut. L’électricité revient tout juste mercredi matin dans la plupart des quartiers. Mais l’eau manque encore, ce qui complique le travail des secours.
Les pillages ont-ils affaibli vos capacités?
Deux des trois bureaux de MSF ont été victimes de pillages entre samedi et dimanche. Depuis lundi, on évalue le matériel volé. Les rebelles nous ont confisqué un grand nombre de véhicules, que l’on tente aujourd’hui de récupérer. Il y a aussi eu de la part des pilleurs – des civils ou des miliciens – des vols de meubles, de télévisions, d’effets personnels, même de cadres de fenêtres. Cependant, il n’y a eu aucune violence physique envers les expatriés.
Pouvez-vous vous déplacer librement?
Après l’entrée de la Séléka en ville samedi, Bangui ressemblait dimanche à une ville sous occupation. Les gens restaient terrés chez eux, personne ne bougeait, hormis les véhicules des miliciens qui roulaient à toute allure en tirant en l’air. C’était le chaos, avec les pillages, l’électricité coupée. Depuis lundi, on recommence à se déplacer plus librement, même si on ne peut pas encore se rendre partout. Les éléments de la Séléka sont présents aux intersections, devant les bâtiments importants. Quant à l’armée centrafricaine, elle n’est plus présente dans la capitale. Beaucoup de ses membres ont quitté l’uniforme pour fuir dans les quartiers.
La ville parvient-elle à gérer l’afflux de blessés?
Depuis les premiers combats jusqu’à ce mercredi matin, l’hôpital communautaire, qui a reçu 95% des blessés, en a soigné plus de 160, la plupart ayant reçu des balles. La confusion a régné pendant des jours, il est trop tôt pour faire un bilan des victimes, mais je pense qu’elles se comptent par dizaines.
Avez-vous eu des contacts avec les membres de la Séléka?
MSF travaille depuis des années en Centrafrique, nous étions donc déjà en contact avec la Séléka. Cela fait partie de notre travail de nous présenter à tous les acteurs. Nous avons donc rencontré les nouvelles autorités pour réaffirmer les principes de l’organisation: ceux du libre accès aux services médicaux. Ils ne semblent pas vouloir entraver notre travail.
Comment voyez-vous la suite des événements?
La vie va reprendre son cours, mais à quelle vitesse? Cette question nous inquiète. Cela va être difficile pour les ONG, les commerçants, les plus pauvres, avec tous les pillages et les dommages causés. Si le chômage augmente encore, cela peut créer des tensions. Notre grande peur est le manque d’eau, qui pourrait entraîner des problèmes épidémiques, surtout dans une ville où les déplacés commencent à revenir.
Anne-Laure Frémont
Le Figaro 2013-03-28 02:00:27