L’agriculture, moteur du développement économique du Mali est au centre des préoccupations des plus hautes autorités. Mais ces derniers mois, des inquiétudes persistent liées à l’introduction dans notre pays de quantités importantes d’engrais de qualité douteuse importés par la société Somadeco qui a décroché un appel d’offres de la CMDT pour des intrants agricoles en vue de la campagne agricole qui s’annonce.
La situation est préoccupante à tel point que l’Assemblé nationale, à travers un parlementaire choqué, a décidé de s’en mêler. Mardi dernier, l’honorable Bafotigui Diallo, député élu sous les couleurs du Rassemblement pour le Mali (RPM, parti majoritaire) en Commune VI, membre de la commission du développement rural de l’A. N. a saisi le président de l’institution d’un questionnaire à l’intention du ministre du Développement rural. En pièces jointes les résultats d’analyses des laboratoires Alpha chimie Rouen (France) et de la Société générale de surveillance (SGS) de la Lituanie, tous connus mondialement.
Nous avons pu nous procurer une copie de la correspondance de l’élu au président de l’A. N. qui, à son tour, l’adressera au chef du gouvernement qui est chargé de le publier dans le journal officiel du Mali avant de le transmettre au ministre concerné.
Dans sa correspondance, l’honorable Diallo rappelle à Bocar Tréta que « lors d’une de vos récentes sorties sur les antennes, vous avez solennellement reconnu que 40 % des engrais livrés en zone CMDT sont de mauvaise qualité ». Les 40 % indiqués correspondent à près 40 000 tonnes.
S’adressant toujours au chef du département du Développement rural, Bafotigui Diallo écrit que « d’après des sources votre département a reçu une correspondance du ministre ivoirien de l’Agriculture dénonçant le passage au port d’une importante quantité d’engrais de mauvaise qualité à destination du Mali. Quelles dispositions conservatoires et précaution avez-vous prises pour interdire l’entrée de ces engrais sur le sol malien ? », interroge-t-il le ministre Tréta.
Tromperie sur la marchandise
Les engrais commandés par la CMDT, selon un agent de la compagnie qui a préféré l’anonymat est de type complexe NPKSB. Ce produit est composé de trois corps chimiques primaires avec des quantités fortement recommandées. Ces corps chimiques sont : l’azote (N) avec une recommandation de 14 %, le phosphore (P) avec 18 % et le potassium (K) avec une quantité de 18 % également.
Les résultats partiels du laboratoire lituanien SGS prouve que l’engrais de la Somadeco livré aux agriculteurs maliens pour leur champ de coton ne contient que 10,6 % d’azote au lieu 14 % soit un manque de 3,4 %. Au lieu de 18 % pour le phosphore, on ne trouve que 10,3 % dans le produit de la Somadeco, soit 7,7 % d’écart. Aussi en potassium où 18 % est la norme, la SGS révèle qu’il n’y a que 12 %, soit un manquant de 6 % de ce corps à l’engrais de la société incriminée. Cette analyse s’est déroulée du 12 au 14 mai 2015.
Le laboratoire français implanté un peu partout dans le monde a également un échantillon de l’engrais du partenaire de la CMDT pour l’analyse. Les quantités des corps primaires qui composent ledit engrais sont en deçà des normes. Alpha chimie trouve que l’engrais analysé contient 9,3 % d’azote, 12,3 % de phosphore et 11 % de potassium. Cette analyse date du 6 mai 2015.
Avec ces grands écarts entre l’engrais sollicité par la CMDT et celui fourni par la Somadeco, nous avons reproché un laborantin spécialisé en la matière pour savoir les conséquences de l’utilisation du produit du fournisseur.
Il explique que l’utilisation de cet engrais ne servira à rien aux plantes, car, selon lui, l’engrais sollicité la CMDT avec les normes des corps primaires respectées à un taux de solubilité de 90 % au minimum sinon dissous à 100 % dans l’eau, voire sur un sol humide. Il prouve à travers des calculs et les chiffres donnés de la SGS que l’engrais de la Somadeco est soluble seulement à 59 %.
« Les plantes ne profiteront pas des 41 % qui ne dissoudront pas. Les rendements pourront diminuer de 40 %. Les parties qui ne seront pas solubles sont généralement des métaux lourds (chrome, plomb et cadmium). Ils constitueront même une menace pour la vie humaine et animale si jamais ils sont drainés par les cours d’eau et sur la nappe phréatique. Parce que ce que la quantité de ces métaux sera dépassée dans l’eau avec tous ces 40 000 tonnes d’engrais qui seront utilisées », prévient.
Le ministre du Développement rural doit réellement s’expliquer à la barre.
Maliki Diallo
Source: L’Indicateur Du Renouveau 21/05/2015