Trois d’entre elles ont suscité des missions de vérification financière, deux ont été orientées vers les autorités administratives et judiciaires compétentes, 22 n’entraient pas dans le champ de compétence du Vérificateur Général, deux attendent des précisions de la part des saisissants et une est en traitement au niveau d’une autre structure de contrôle.
Les domaines couramment concernés par ces saisines sont la gestion domaniale et foncière, la gouvernance des collectivités territoriales, la gestion des deniers publics par les organismes et établissements publics et la conduite des projets et programmes de développement.
Par ailleurs, sur la même période, le BVG a adressé à la Justice huit dénonciations relativement à des faits susceptibles de constituer des infractions visées à l’article 609 du Code de procédure pénale. Le montant total des sommes mises en cause s’élève à 8,16 milliards de FCFA.
.. Nature des missions et domaines couverts
Au titre de l’exercice annuel 2013, le BVG a effectué une vérification de performance, deux vérifications de conformité, trois vérifications de suivi de recommandations et 12 vérifications financières. Elles ont concerné:
– des services centraux et services déconcentrés: Direction Administrative et Financière de la Primature, Services régionaux et subrégionaux des Douanes de Kayes et de Sikasso, Directions Régionales du Budget de Kayes, de Koulikoro et de Sikasso, Direction Nationale du Contrôle Financier et Direction des Finances et du Matériel du Ministère chargé de l’Éducation Nationale;
– une Autorité Administrative Indépendante: Autorité Malienne de Régulation des Télécommunications/TIC et Postes;
– des Établissements Publics: Agence pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes, Université de Bamako, Université de Ségou, Agence Nationale de Gestion des Stations d’Épuration du Mali, Aéroports Du Mali, Institut National de Prévoyance Sociale;
– des marchés publics et une délégation de service public: Marchés relatifs à l’aménagement du collecteur Diafarana kô et attribution de la troisième licence de téléphonie globale au Mali.
… Faits saillants du rapport annuel 2013
Les faits saillants des vérifications qui suivent s’articulent autour de faiblesses constatées dans le dispositif de contrôle interne et d’irrégularités financières décelées dans les opérations de recettes et de dépenses.
Ainsi, le montant total des irrégularités financières s’élève à 80,21 milliards de FCFA dont 12,28 milliards de FCFA au titre de la fraude et 67,93 milliards de FCFA au titre de la mauvaise gestion.
Services centraux et services déconcentrés
Direction Administrative et Financière de la Primature: La gestion financière de la Primature du 22 mars au 31 décembre 2012 a révélé de nombreux et importants actes de gestion pris en violation des textes législatifs et réglementaires en vigueur. Ainsi, un montant total de 2,59 milliards de FCFA a été utilisé à des fins diverses sans respecter les règles encadrant et surveillant les dépenses publiques.
En particulier, des travaux ont été financés dans les résidences privées de Premiers Ministres, des remises en espèces d’un montant mensuel de 25 millions de FCFA sont effectuées au Premier Ministre sous la dénomination de «fonds spéciaux» que ne prévoit aucun texte. De même, des avantages en nature et en espèces ont été concédés au personnel du Cabinet du Premier Ministre à titre de «divers appuis» sans base légale.
Direction Nationale du Contrôle Financier: La vérification de performance de l’activité de contrôle financier a fait ressortir que les mesures de contrôle mises en œuvre ont permis de respecter globalement les dotations budgétaires.
Toutefois, d’importantes faiblesses subsistent et affectent la qualité du contrôle financier, notamment, la faible traçabilité des rejets d’engagement ou de mandatement, le visa d’engagement ou de mandatement accordé sur le fondement de pièces incomplètes ou irrégulières, la non couverture de l’ensemble des collectivités territoriales par le Contrôle Financier et l’absence du Contrôle Financier dans le circuit des recettes publiques.
Services régionaux et subrégionaux des Douanes: La vérification des opérations de recettes effectuées auprès des services des douanes de Kayes et de Sikasso a mis en lumière le fait que le déploiement d’un système de travail largement et profondément informatisé n’a pas suffi à conférer robustesse et fiabilité totales aux processus de réalisation des recettes du cordon douanier.
Ainsi, il est apparu nettement que les diligences qui incombent aux liquidateurs des déclarations sont accomplies avec une attention et un intérêt moins intenses que le devoir et les enjeux le commanderaient. Il en résulte que des marchandises ont été admises sans avoir été soumises au contrôle avant expédition.
De même, il arrive fréquemment que les valeurs en douane minorées par le Commissionnaire agréé en douanes soient confirmées par le liquidateur dont les contrôles insuffisants, n’ont pas permis de déceler la dissimulation.
En définitive, la diversité des sources et l’envergure des déperditions financières, totalisant pour les services concernés la somme de 45,23 milliards de FCFA en trois exercices, sont largement révélatrices de la gravité des répercussions d’une attitude favorisant les intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général.
En témoigne le cas de fraude portant sur un montant de 2,31 milliards de FCFA, mis au jour au niveau du Bureau Secondaire des Douanes de Diboli, que le Vérificateur Général a dénoncé aux autorités judiciaires compétentes avant la fin de la mission. Celles-ci ont diligemment procédé à des enquêtes et à des mises sous mandat de dépôt.
Direction des Finances et du Matériel du Ministère chargé de l’Éducation Nationale: Le suivi des recommandations de la vérification financière de 2009 a montré que la gestion des manuels scolaires s’est améliorée depuis le passage de la mission initiale. En effet, la DFM a engagé des actions pertinentes dont la plupart s’est révélée efficace pour réduire ou éviter les risques identifiés par la vérification initiale.
En particulier, elle a obtenu le recouvrement effectif de 2,26 milliards de FCFA sur 2,49 milliards dus à l’État, soit près de 91%. Toutefois, il y a lieu de signaler que dans les établissements scolaires, aucun système de comptabilité-matières n’est mis en place pour assurer la traçabilité des ouvrages après leur livraison.
Directions Régionales du Budget: Les vérifications effectuées auprès des Directions Régionales du Budget (DRB) de Kayes, de Koulikoro et de Sikasso ont relevé des insuffisances notoires dans l’application des textes qui régissent l’organisation et le fonctionnement des Directions Régionales du Budget et des dispositions relatives à l’exécution des dépenses publiques.
Ainsi, des dépenses payées ne sont ni sincères ni régulièrement justifiées. Il en est résulté des pertes financières se chiffrant à 330,76 millions de FCFA pour les trois DRB.
Ces irrégularités procèdent, entre autres, de marchés fictifs pour la maintenance et la réparation des RAC des Directions Régionales de la Santé de Kayes et de Sikasso, du paiement de salaires par la DRB de Koulikoro à des enseignants non identifiés, d’achats fictifs de plants au nom de pépiniéristes par la Direction Régionale des Eaux et Forêts de Sikasso et de la production de fausses pièces justificatives d’ateliers de formation et d’échanges au nom des Académies d’Enseignement de Sikasso et de Bougouni.
Autorité Administrative Indépendante
Autorité Malienne de Régulation des Télécommunications/TIC et Postes (AMRTP): En l’absence de textes l’autorisant, l’AMRTP n’a effectué aucune dépense sur le Fonds d’Accès Universel depuis sa mise en place. Néanmoins, à la demande du Gouvernement, qui a invoqué la crise institutionnelle de 2012 et l’occupation des régions-nord du pays, elle a ordonné sans fondement légal le virement de 8,91 milliards de FCFA sur un compte dénommé «Contribution à l’effort de libération des régions-nord du Mali ».
Par ailleurs, il faut signaler que le 28 septembre 2011 le Gouvernement a pris, en vertu d’une loi d’habilitation, deux ordonnances réglementant le secteur des télécommunications qui n’ont pas encore été ratifiées par l’Assemblée Nationale bien qu’elles aient été déposées dans le délai prescrit. La non-ratification de ces ordonnances fait obstacle à l’adoption des textes réglementaires relatifs à la gestion et aux modalités de mise en œuvre de l’accès universel.
Établissements Publics
Aéroports du Mali (ADM): La vérification financière des ADM a fait ressortir que l’Agence d’Exécution des Travaux d’Intérêt Public pour l’Emploi (AGETIPE), en tant que maître d’ouvrage délégué, a appliqué son propre manuel de procédures pour la passation et l’exécution des marchés relatifs aux travaux effectués au niveau de l’Aéroport international de Sénou.
Or, il résulte de l’article 13.2 du Décret n°08-485/P-RM du 11 août 2008 portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public que «les règles de passation des marchés utilisées par le maître d’ouvrage délégué, mandataire de l’autorité contractante, sont celles qui s’appliquent à l’autorité contractante».
La maîtrise d’ouvrage déléguée, confiée à l’AGETIPE, est elle-même intervenue en violation des textes régissant les ADM et les marchés publics, car elle a été ordonnée par le Ministre chargé des Transports.
Quant à la gestion financière des ADM et à la maîtrise d’ouvrage déléguée assurée par AGETIPE, elles sont émaillées de nombreuses irrégularités notamment dans l’exécution et le règlement des travaux de construction et de réhabilitation des aérogares et des salons officiels de l’Aéroport de Bamako-Sénou.
Ces irrégularités ont occasionné des déperditions financières à hauteur de 9,57 milliards de FCFA.
Agence pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes (APEJ): La vérification financière de l’APEJ a relevé un écart considérable entre la mise en œuvre des stratégies de politiques publiques et l’atteinte des objectifs. La gestion de l’APEJ s’est effectuée en violation flagrante des règles comptables.
La non-tenue de la comptabilité et le non-respect des textes législatifs et réglementaires en vigueur altèrent la qualité et la sincérité des opérations de dépenses. Les irrégularités ont atteint le montant de 5,70 milliards de FCFA dont 3,95 milliards de FCFA décaissés pour des stages de volontariat dont l’effectivité n’est pas établie, un chiffre impressionnant pour une structure chargée de la promotion de l’emploi des jeunes.
Université de Bamako (UB) et Université de Ségou (US): Les vérifications effectuées auprès de ces deux universités ont révélé la forte dichotomie qui existe entre les orientations stratégiques, basées notamment sur la promotion d’un espace éducatif et formateur accessible, et les mauvaises pratiques qui s’exercent dans une sphère censée former l’élite malienne.
Ainsi à l’UB, des projets de thèse de doctorat, financés à hauteur de 293,09 millions de FCFA au profit d’enseignants, n’ont pas été réalisés; 35 photocopieurs achetés à 175 millions de FCFA n’ont pas été livrés et des sacs de ciment ont été acquis à 35 000 FCFA l’unité malgré le rejet du Contrôleur Financier. De même, à l’US des pièces de rechange, des équipements et fournitures scolaires ainsi que des revues spécialisées, payés à hauteur de 697,74 millions de FCFA, n’ont pas été livrés.
Délégation de service public
Attribution de la 3ème licence de téléphonie globale: La vérification de la conformité de ce marché à la législation en vigueur a relevé de nombreux écarts. Le plus significatif reste l’attribution de cette licence sous l’égide du Comité Technique interministériel d’Appui, organe ad hoc placé auprès du Ministre chargé des Télécommunications alors que les textes communautaires et nationaux attribuent cette compétence à l’autorité nationale de régulation des télécommunications.
En outre, le Ministre des Postes et des Nouvelles Technologies a eu recours à l’entente directe, mode de passation non admis par les textes législatifs applicables au secteur des télécommunications et aux marchés publics et délégations de service public.
Les violations des textes relatifs aux marchés publics dans les différentes phases de la procédure confirment cette tendance à s’affranchir des prescriptions légales et réglementaires. À ce titre, le fait que l’autorité contractante ait exonéré l’attributaire de l’appel d’offres international de la constitution d’une garantie de bonne exécution a mis en péril les intérêts de l’État.
L’attributaire n’a pu, en effet, faire perdurer sur plus d’une année son obligation de payer le prix convenu qu’en raison de l’absence de cette garantie qui aurait permis à l’État d’obtenir paiement ou de mobiliser la garantie constituée.
A suivre…
Source: Le 01/05/2015