C’est la question à laquelle des citoyens maliens ont tenté de répondre à la veille de la commémoration du 22 septembre 1960.
Sinaly Daou (sociologue) :
« Il nous faut nous sortir de l’emprise de la France. Nous sommes loin des idéaux du 22 septembre 1960 qui sont d’ailleurs éteints. Les pères de l’indépendance ont voulu faire une mise en garde pour faire comprendre à la génération future que « l’homme blanc » ne vise que son intérêt et ne veut pas le bonheur de l’Afrique. C’est pourquoi le président Modibo Kéita avait mis en place une formule pour assurer une indépendance totale. Ces changements voulus étaient d’ordre psychologique, social, politique et économique :
– L’affranchissement psychologique qui visait à donner une autre impression de la France que celle d’amie et d’indispensable ;
– Sur le plan social, les nouvelles autorités maliennes ont fait une culture d’enracinement à nos valeurs sociétales d’antan et aussi une restitution des normes et convenances sociales par une politique d’envergure avec le mouvement pionnier ;
– La délivrance politique qui devait se solder pour une autonomie politique permettant une liberté de coopération régionale, sous-régionale, africaine et internationale d’intégrer les organisations internationales et de librement choisir ses partenaires techniques et financiers ;
– La libération économique visait à réduire la dépendance du Mali vis-à-vis de la France sous les plans financier et économique avec plus d’autonomisation. Ce qui a d’ailleurs valu la création du franc malien en 1962.
L’aujourd’hui de cette indépendance est devenu un ciel aux nuages avortés avec les sangsues d’une nation trahie par ses enfants au fil des ans ».
Alassane Singaré (informaticien) :
« Selon moi, l’indépendance est purement politique, sinon nous sommes carrément dépendants sur le plan économique et cela est dû à plusieurs facteurs comme la dévaluation, la continentalité et l’industrialisation. Le développement va en dents-de-scie. Sur le plan sécuritaire, il y a eu une amélioration. Cependant, il reste beaucoup à faire afin de faire face aux éventuelles crises. L’Etat doit s’occuper de sa jeunesse, lui redonner le goût du patriotisme tout en bannissant la mendicité et le travail des enfants. Il faudrait un changement de comportement vis-à-vis des biens de l’Etat, de la corruption pour un avenir meilleur au développement escompté ».
Ibrahim Traoré (diplômé sans emplois) :
« Le Mali, tout comme les autres pays africains, n’a jamais été indépendant. Le cas du Mali est pire. Sur le plan politique, nos présidents africains ont toujours été choisis par l’Occident. Le Mali a fait exception à cela en 2013, mais sa population le regrette amèrement de nos jours parce que le président une fois élu a mis les intérêts du pays aux oubliettes. Le système sécuritaire est catastrophique. La population ne se sent plus en sécurité. Les 200 000 emplois promis ne sont pas là encore… »
Salimata Danté (commerçante) :
« Le Mali indépendant c’était sous Modibo Kéita et nous avons perdu notre indépendance à sa mort. A l’arrivée de Moussa Traoré, le Mali a été frappé d’hépatite. Alpha Oumar Konaré l’a carrément hospitalisé. ATT a fait de lui un handicapé et aujourd’hui IBK est en train de l’enterrer. Nous ne voulons même pas entendre parler d’indépendance parce qu’on n’en a pas. Nous demandons au président IBK de prendre exemple sur la bravoure et la bonne gestion de Soundiata Kéita qui est une référence dans le monde. Comme le dit cet adage africain : si tu n’arrives pas à monter sur l’arbre sur lequel montait ton père assois toi sous le pied de cet arbre, les passants se diront au moins que tu viens de descendre ou que tu veux le monter ».
Almoustapha Koné (étudiant) :
« L’indépendance d’un pays n’est effective quand ce pays est auto-suffisant ou autonome dans la gestion des secteurs principaux comme l’alimentation, la sécurité et la défense, le paiement des salaires et des bourses. Il faut que nous priorisions les potentiels nationaux et laisser le soin aux cadres nationaux de conduire sans ingérence extérieure les mesures gouvernementales pour l’émergence. L’employabilité est délicate dans tous les pays maintenant, c’est un problème au Mali qui doit aussi attirer l’attention. L’avantage que les pays africains on pu tirer de l’indépendance c’est les organisations sous-régionales comme l’Uémoa, la Cédéao, l’Union africaine qui interviennent pour épauler un pays membre en difficulté ».
Boubacar Sam (enseignant) :
« Le Mali est loin d’être indépendant. La présence des casques bleus en est une parfaite illustration. Un pays indépendant n’a nullement besoin d’un tel soutien militaire. Aujourd’hui, le Mali est dans l’impasse. L’accord de paix est piétiné par les attaques terroristes. Les conflits intercommunautaires et le grand banditisme ont fait au minimum 600 morts depuis la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Pis, dans certaines zones du pays, on assiste à un repli identitaire à cause de l’absence de l’Etat et de l’amalgame dans la lutte contre le terrorisme. Les Maliens souffrent le martyre. Nous assistons à une gestion calamiteuse du pays ».
Mariam Camara