La célébration 2017 de la Journée mondiale du travail intervient dans un contexte où le travailleur malien vit de plus en plus mal comparativement à celui d’autres pays, malgré « la bonne santé de notre économie » vantée par les autorités.
Sous-emploi, emploi précaire et chômage se disputent chez les jeunes devenus des candidats potentiels au jihad et à l’extrémisme violent. L’argumentaire brandi par les autorités, selon lequel « l’Etat n’a pas les moyens de satisfaire les revendications », a véritablement du mal à résister à la contestation.
Face au train de vie extravagant d’une classe dirigeante qui n’a que faire de la classe moyenne, lorsque les autorités saluent le 3e rang de notre économie dans la zone Uémoa, et lorsque le pays possède dix mines d’or, faisant de lui le troisième producteur en Afrique, l’envie chez le travailleur de réclamer plus, devient légitime. Et difficile d’avaler l’argument que les « revendications syndicales sont maximalistes ».
Pour ce 1er mai 2017 les conditions du travailleur malien méritaient toute l’attention des autorités. Il intervient dans un contexte d’extrême précarité pour les travailleurs des secteurs public et privé. Un contexte aussi marqué par la grogne sociale à tous les niveaux. Enseignement, justice, impôts, banques, transports, santé, mines, etc.
En trois ans de régime Ibrahim Boubacar Kéita, le Mali a battu le record de grèves dans la sous-région. Si une issue a été négociée pour les travailleurs du secteur de la justice et de la santé, les enseignants de tous les ordres d’enseignement restent dans la rue. Ils ne réclament que de meilleures conditions de vie.
En clair, tous les secteurs s
ocioprofessionnels du pays ont observé un ou des arrêts de travail ces dernières années. La nouvelle donne dans ces grèves au Mali, c’est particulièrement le caractère radical des mots d’ordre, marqués par des arrêts de travail illimités.
La multiplication de ces grèves est fondamentalement le signe d’un malaise social. Depuis quelques temps la demande sociale se fait de plus en plus forte. La cherté de la vie, notamment le coût élevé du loyer, de l’eau, l’électricité, les denrées de premières nécessité ont imposé aux ménages des dépenses supplémentaires. Pas vraiment surprenant que les travailleurs demandent plus. Observer un mouvement de grève est donc un droit consacré pour les travailleurs.
Condamné à vivre dans la précarité !
La radicalisation des mouvements de grève peut bien se comprendre lorsque certaines comparaisons font froid dans le dos. Par exemple au Burkina Faso, l’indice plafonné chez le travailleur de la catégorie « C » est de 1100, tandis qu’au Mali, il est 920 pour le travailleur de la catégorie « A ». La valeur indiciaire est de 500 au Burkina Faso, alors que qu’au Mali elle est passée à 400 au mois de janvier dernier seulement. Le Burkina n’est pas le Mali, mais le dernier a plus de potentialités économiques que le premier.
Dans la sous-région, le travailleur malien est donc le moins payé. Pourtant, ce n’est pas faute de ressources financières comparativement à certains pays où le salaire est plus élevé. Les autorités maliennes se vantent que le pays est la « 3e économie de l’Uémoa » après la Côte d’Ivoire et le Sénégal.
Si ce classement est fait en termes de budget, il témoigne en revanche que l’économie se porte bien en termes de ressources. Et si cette économie se porte bien, c’est sans doute à causes des potentialités économiques du pays, notamment la dizaine de mines d’or opérationnelles qui fait du Mali 3e pays producteur d’or après l’Afrique du Sud et le Ghana.
Les ressources nationales sont reparties de manière inéquitable au Mali, où une minorité s’empare de l’essentiel de la richesse. Conséquence : la jeunesse désœuvrée à cause du chômage et l’emploi précaire devient une cible potentielle pour d’éventuels recruteurs jihadistes ou d’extrémistes violents. D’autres choisissent les routes incertaines de l’immigration pour finalement périr en mer ou dans le désert.
Bref, difficile donc de croire en l’argumentaire des autorités que « le pays n’a pas les moyens de satisfaire les revendications des travailleurs ». Lorsqu’un pays « n’a pas les moyens », ou lorsqu’il sort d’une crise, ses dirigeants donnent l’exemple à travers la bonne gouvernance, la réduction de leur train de vie et la suppression de certaines dépenses de prestige. Au Mali, l’exemple est loin d’être donné par le haut sommet.
Les travailleurs maliens n’ont d’autre choix que de constituer un front commun et lutter sans relâche pour l’amélioration de leurs conditions de vie et travail. Nos dirigeants semblent-ils prendre au sérieux les enjeux et les menaces de cette bombe sociale ? Difficile d’y croire face à une gouvernance qui favorise l’injustice et la corruption.
Issa Fakaba Sissoko
Correspondance particulière