Des journalistes maliens ont effectué une visite de trois jours dans la région de Tombouctou la semaine dernière. Cette visite initiée par la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali) aura permis aux hommes de medias de voir de visu, les activités réalisées par les différentes forces implantées dans la sixième région administrative du Mali. A l’issu de cette visite, nous avons rencontré le chef de bureau de la Minusma à Tombouctou, Ricardo Maia qui a bien voulu nous accordé une interview. Dans cette interview, il évoque la situation sécuritaire sur le terrain, le budget de la Minusma et bien d’autres. Selon lui, la priorité parmi les activités prévues dans l’accord de paix est de lancer des patrouilles mixtes, de procéder au cantonnement le plus rapidement possible. Lisez !
Le Républicain : Comment se présente la situation sécuritaire dans la région de Tombouctou ?
Ricardo Maia : Je suis à Tombouctou depuis le mois d’octobre 2015. Il y a eu des hauts et des bas. Nous suivons, le jour au jour, les incidents sécuritaires. A la fin de 2015, il y avait plus de deux incidents sécuritaires par jour. Le grand nombre de ces incidents se produisaient sur l’axe Goundam-Tombouctou. C’est l’axe le plus chaud de la région et qui est aussi notre axe d’action et d’attention prioritaire. Depuis quelques temps une dynamique positive s’est engagée. C’est une dynamique de rapprochement entre certains groupes armés dans la région et autorités militaires maliens. J’essaie avec les moyens de la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali) de contribuer à ce rapprochement. Je pense que s’il y a moins d’incidents depuis deux mois, c’est aussi le résultat de cette confiance que la Minusma essaie de faciliter entre tous les acteurs sur le terrain. Un autre changement important est la création de la région de Taoudéni. Le gouverneur de cette région à prêter serment à Tombouctou il y a de cela une dizaine de jours.
Concrètement quel travail faites vous sur le terrain ici à Tombouctou?
La Minusma est une grande machine et on fait beaucoup de choses. Le but n’est pas d’être visible pour le plaisir d’être visible. Le but est de faire avancer les choses. Nous avons une feuille de route qui est l’accord de paix et c’est dans le cadre de cet accord que nous œuvrons. Nous essayons de faciliter le rapprochement entre les acteurs afin de réduire les tensions, parfois au sein même des groupes armés, et bien sûr entre les groupes armés et les autorités maliennes. Nous essayons de faciliter le retour de l’autorité malienne dans toutes les régions. Je ne vous cache pas qu’à Tombouctou, il y a des difficultés à ramener les autorités financières. C’est un grand problème pour les citoyens maliens de la région.
Egalement, il y a une présence de la justice réduite, c’est aussi un problème sérieux. Dans les cercles, il n’y a qu’un seul magistrat, or il doit y en avoir quatre. A Tombouctou, il doit y avoir huit mais il n’y a que trois magistrats. Ce sont des difficultés sur lesquelles nous travaillons quotidiennement. La priorité parmi les activités prévues dans l’accord de paix est de lancer des patrouilles mixtes, de procéder au cantonnement le plus rapidement possible. Je remarque qu’il y a beaucoup d’anciens membres des forces armés parmi les groupes armés qui sont prêts à revenir. Il faut s’assurer que ces gens n’ont pas commis de grave violation des droits de l’homme. Et s’il n’y a pas de question sur leur comportement à l’endroit des violations des droit de l’homme, il n’y a pas de raison qu’on fasse trainer une réintégration qui est utile à la société civile.
Au regard de la situation sécuritaire perplexe sur le terrain, est ce que vous avez fait une recommandation à l’endroit du conseil de sécurité des Nations- Unies en vu de rendre le mandat de la Minusma plus robuste ?
La discussion du mandat se passe à un niveau plus élevé que le mien. Ce n’est pas au niveau du bureau de Tombouctou qu’on influence le conseil de sécurité comme vous le comprenez. Mais je suis informé du débat, la position de la Minusma est assez claire sur ce point, on ne s’attend pas à un changement drastique des tâches. On s’attend à des moyens plus cohérents avec le contexte.
Selon vous, quel regard porte la population de Tombouctou sur la présence de la Minusma dans la région ?
On m’a accueilli de façon fraternelle dans la ville. Donc j’ai un sentiment positif. Il est parfois difficile pour la population de suivre ce que nous faisons. La population s’attend à ce que la Minusma chasse les terroristes. Ce n’est pas notre tâche. La population s’attend à ce que la Minusma apporte le développement économique, ce n’est pas ce que nous faisons. Nous avons un budget de 700 000 dollars par an pour la région pour les projets à impact rapide et la Minusma à un budget d’un milliard de dollars.
Il y a combien de Casque bleus qui sont actuellement à Tombouctou ?
Nous avons environs 3000 hommes à Tombouctou.
Votre mot de la fin ou si vous avez un appel à lancer ?
Je me rends compte des conditions de vie difficile de la population mais il y a un énorme changement entre 2013 et maintenant. La mixité culturelle de la ville est en train de se reconstituer. Je lance un message de retour à la normalité, que les refugiés reviennent et que les combattants retrouvent leurs familles. Il y a plus d’un mois, j’ai reçu l’amenokal Kel Touareg qui habite dans le Gourma juste à coté du fleuve, il vient de rentrer du Burkina Faso avec 200 familles, ce sont des signaux auxquels je me réfère.
Propos recueillis par Aguibou Sogodogo
Le Républicain-Mali 12/04/2016