Quinze ans jour pour jour après le séisme qui a tué 280 000 personnes dans la perle des Antilles, la diaspora haïtienne montréalaise panse ses blessures dimanche à l’occasion d’une commémoration organisée à la Maison d’Haïti.
C’est très simple, ce qu’on fait : on allume les bougies, on observe une minute de silence, on lit des poèmes. On cite les noms des gens disparus. On mange ensemble
, détaille Marjorie Villefranche, directrice générale de l’organisme qui vient en aide à la diaspora de ce pays caribéen.
Je pense que les gens ont besoin de cette douceur ce jour-là. […] On se rencontre juste pour ne pas être seuls.
En effet, une tragédie comme le tremblement de terre de 2010 (nouvelle fenêtre), ça ne s’oublie pas de si tôt, insiste Mme Villefranche. En plus des pertes de vies humaines, 300 000 blessés et 1,3 million de sans-abris ont été recensés après le séisme de magnitude 7,3.
[Près de] 300 000 personnes qui disparaissent en une fraction de seconde, c’est un drame. Il faut d’abord rendre hommage aux gens qui ont disparu, qui n’ont pas eu d’enterrement […] et qu’on a mis en fosse commune. Mais il faut aussi rendre hommage aux sauveteurs
, avance-t-elle.
Une centaine de personnes ont fait salle comble cette année à la Maison d’Haïti pour cette cérémonie, une tradition depuis 2011. La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a entre autres pris la parole pour saluer une diaspora haïtienne extrêmement impliquée
et qui fait rayonner Montréal à l’étranger.
Hommage à la résistance du peuple haïtien
La cérémonie de commémoration cette année a pris une dimension supplémentaire pour les membres de la diaspora puisque leur pays d’origine est aux prises avec une crise sécuritaire, économique et politique.
Les cinq dernières années, on a vu des ouragans, on a vu un autre tremblement de terre et, maintenant, une montée de violence inimaginable, énumère Mme Villefranche. C’est comme si on testait la capacité de résistance du peuple haïtien et de la diaspora.
La crise humanitaire et l’instabilité politique qui ont suivi le séisme de 2010 ont fourni un terreau fertile aux gangs armés, qui ont proliféré sur le territoire, à un point tel qu’ils contrôlent désormais 80 % de la capitale, Port-au-Prince.
Plus de 5600 personnes ont d’ailleurs été assassinées en Haïti en 2024, selon des données des Nations unies.
Malgré les milliards de dollars amassés par des
ONG et par des États, dont le Canada, pour contribuer au redressement du pays après le séisme, plusieurs observateurs estiment que les fonds n’ont pas donné les résultats escomptés à cause du manque de coordination des divers acteurs et de détournements de fonds.Depuis 15 ans, c’est une catastrophe. Il n’y a pas véritablement eu de reconstruction, il y a eu un déplacement de population vers des lieux presque inhabitables
, explique Frantz Voltaire, président du Conseil d’administration du Centre international de documentation et d’information haïtienne, caribéenne et afro-canadienne (CIDIHCA).
Au sein de la diaspora, certains désespèrent et veulent sortir leur famille de là parce que c’est d’une violence inouïe
, reconnaît Mme Villefranche. Mais elle persiste et signe : parmi le peuple haïtien, le séisme a permis de cultiver une résistance
, qu’elle tenait à souligner dimanche.
À partir du tremblement de terre, c’est comme si la communauté avait compris sa maturité et sa capacité de se prendre en main. […] Il n’y a personne qui va désespérer parce qu’on est en vie. La vie est là, la vie est plus forte. Les gens résistent.
Au vu de la crise qui secoue le pays, la directrice de la Maison d’Haïti appelle par ailleurs à un engagement plus important de la diaspora. On a une pression à faire sur le gouvernement canadien pour arriver à une solution pour ce pays
, croit-elle.
Diasporaction.fr