Il y a deux semaines, une opération antiterroriste française a été menée dans les environs d’Abeibara dans la région de Kidal. Selon nos confrères de Libération citant des sources proches des forces armées maliennes, les 11 soldats qui avaient été capturés entre juillet 2016 et mars 2017 par le Groupe de soutien de l’islam et des musulmans dirigé par le djihadiste malien Iyad Ag Ghaly, font partie des victimes. Toutefois, l’affaire, embarrassante pour les parties malienne et française, n’a toujours pas été évoquée publiquement
Deux semaines après le raid mené par l’armée française sur un campement jihadiste dans les environs d’Abeibara dans la région de Kidal, l’opération est éclairée sous un nouveau jour. Onze militaires maliens ont été tués au cours de cette intervention dans la nuit du 23 au 24 octobre, selon plusieurs sources maliennes. Les soldats avaient été kidnappés par le Jamaat Nosrat al-Islam wal-Mouslimin (JNIM, « Groupe de soutien de l’islam et des musulmans »), une coalition de groupes jihadistes sahéliens opérant sous la bannière d’Al-Qaeda. Cinq jours avant l’attaque française, les otages étaient apparus dans une vidéo. Devant la caméra, ils déclinaient leur identité, mentionnaient la date de leur capture et s’adressaient à leur famille. Cinq d’entre eux avaient été faits prisonniers lors d’un assaut des jihadistes contre le camp militaire de Nampala, dans le centre du Mali, le 19 juillet 2016.
« L’information de leur mort est exacte. Au moins six militaires ont été identifiés à partir des photographies des corps, confirme à Libération un proche du ministre malien de la Défense, Tiéna Coulibaly. Ils ne semblent pas avoir été tués dans un bombardement, mais par balles, même s’il est trop tôt pour déterminer avec exactitude ce qui s’est passé ». Le raid avait impliqué des chasseurs Mirage 2000 dans un premier temps, puis des hélicoptères Tigre et des éléments au sol. A Paris, l’état-major des armées a décrit une « action combinée », impliquant des forces spéciales de l’opération « Sabre » et des soldats de la force «Barkhane», au cours de laquelle quinze personnes ont été mises « hors de combat ». Parmi elles, combien de jihadistes et combien de soldats maliens?
« Opération d’opportunité »
« Nos onze militaires sont décédés, affirme une source proche de la présidence malienne. Le ministre de la Défense a reçu vendredi les responsables de Barkhane, venus expliquer qu’ils ignoraient la présence des otages sur le campement ». Trois jours après l’opération, le JNIM avait publié un communiqué affirmant que « les bombardements ont tué les onze soldats maliens qui étaient captifs près d’Abeïbara [dans le Nord-Est], ainsi que trois moudjahidin». Paris s’était refusé à «commenter la propagande de l’ennemi ». Lundi dernier, l’organisation jihadiste a lancé un nouveau défi à la France en proposant que soit mandatée «une instance neutre» pour autopsier les corps des victimes. Ceux-ci avaient été inhumés sur place. «En réponse aux mensonges français, nous sommes prêts à fournir les corps afin de prouver leur identité», indiquait le communiqué du JNIM.
Y a-t-il eu des lacunes dans le renseignement qui a conduit à cette « opération d’opportunité », comme l’a décrite le porte-parole de l’état-major de l’armée française, Patrick Steiger? L’intervention s’est décidée en quelques heures seulement. « L’armée française a bien frappé des combattants jihadistes! Une telle opération ne se fait pas à l’aveugle, elle s’accompagne d’un gros travail en amont », insiste une source proche du dossier, qui affirme que les soldats captifs auraient pu être « retournés » par la filiale d’Al-Qaeda: « Les personnes qui se trouvaient dans ce campement étaient des terroristes, même si certains étaient peut-être issus de l’armée malienne. Il faut être très prudent avec la façon dont les groupes jihadistes manipulent les faits ».
Nouveau dispositif militaire
La mort des otages maliens survient alors que la force conjointe du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad), portée depuis des mois par Emmanuel Macron, a effectué sa première sortie lundi dans le centre du pays. Ce nouveau dispositif militaire, censé à terme prendre le relais des 4000 soldats de « Barkhane », est encore extrêmement dépendant du soutien français. Mais les « pays partenaires » doivent peu à peu « monter en puissance » et s’autonomiser.
Le président malien, Ibrahim Boubacar Keita, a été reçu par Emmanuel Macron mardi. Au cours de la conférence de presse conjointe des deux chefs d’Etat, « IBK » a insisté sur l’honneur que lui faisait le président français en l’accueillant spontanément à l’Elysée alors qu’il était de passage en France pour les célébrations des 70 ans de l’Unesco. Emmanuel Macron tenait-il à présenter ses condoléances pour les militaires maliens tués dans la nuit du 23 octobre ? L’affaire, embarrassante pour tout le monde, n’a toujours pas été évoquée publiquement.
Nabila avec Libération
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