L’ouverture du Forum des peuples donne toujours lieu à de nombreuses manifestations. Cette 10ème édition n’a pas dérogé à la tradition. C’est donc dans une atmosphère de fête que le millier de participants, venus des quatre coins de l’Afrique, de l’Europe et de l’Amérique, a marqué l’ouverture de cette grande randonnée des altermondialistes.
Le maire de la commune de Niono, Baba Diarra, a commencer par souhaiter la bienvenue à tout ce beau monde, avant de souligner que le choix de sa commune pour abriter la 10ème édition du Forum des peuples était la traduction de son engagement dans une noble cause. Celle de voir les paysans vivre du produit de leurs terres. Emboîtant le pas à Baba Diarra, le chercheur Amadou Djikoroni Traoré a formulé le vœu de voir un monde de partage équitable, où le cultivateur africain vivrait de sa sueur. Il a aussi dit fermement non à une dette odieuse. Allaye Bocoum, un autre intervenant, dira, pour sa part «oui à un monde où l’agriculteur africain vivra avec les mêmes commodités que ses collègues d’ailleurs».
Dans son allocution d’ouverture, le Président de CAD-Mali a déclaré que c’était un honneur pour lui que de souhaiter à chacun, au nom des mouvements sociaux, la bienvenue à la 10é édition du Forum des peuples. «En refusant de nous dérober à notre devoir et à notre droit d’être les sujets politiques de notre devenir de citoyens et d’y participer, nous avons, de façon démocratique, choisi de nous rassembler à Niono, chez les penseurs d’expression orale en milieu rural, pour proposer des réponses alternatives citoyennes cohérentes et durables aux impasses globales».
Et Sékou Diarra de soutenir que la revalorisation du métier de paysan et l’amélioration de façon continue de la qualité de vie en milieu rural nous imposent l’obligation de lever haut notre voix citoyenne contre le phénomène injuste de spéculation et d’accaparement des terres africaines par des investisseurs étrangers, au mépris des couches rurales et du bien-être du continent, qui ont aussi été parmi les arguments en faveur du choix de l’Office du Niger pour abriter cette édition du Forum.
Le focus sur les questions d’accaparement des terres africaines et de souveraineté des peuples n’est pas gratuit, car l’avenir de la planète (voir les échecs de Copenhague 2009 et de Cancun 2010) est menacé et que l’économie mondiale est en danger. On ne peut donc laisser la clé de notre devenir commun à des intérêts financiers privés. Rester un citoyen passif, indifférent, c’est signer notre retrait de notre responsabilité politique et de l’histoire de l’humanité. «C’est signer notre mort», a ajouté Sékou Diarra. Pour conclure, il affirmera «en nous inscrivant dans le rêve du Contrat social mondial revendiqué par les marches des Indignés à travers le monde en octobre 2011, nous soutenons la solidarité des peuples, les pactes social, environnemental et sanitaire, les liens et le partage symbolisant une autre narration de l’Afrique, celle des peuples».
Les travaux du Forum se sont poursuivis par une série de communications, où l’on a vu plusieurs orateurs prendre la parole pour fustiger non seulement l’accaparement des terres cultivables, mais aussi les nombreux abus sociaux dont sont victimes les peuples africains. Le Pr Balla Coulibaly, de l’Université de Bamako, traitant le thème «Souveraineté des peuples sur les ressources naturelles», a déclaré que beaucoup de politiques agricoles avaient échoué à cause de la mainmise des colonisateurs. Avant de soutenir que l’assistance technique n’était qu’une forme de recolonisation. Comme exemple, il a cité l’emprise de la Banque mondiale et du FMI sur les mines d’or du Mali. Parlant de la perte de notre indépendance, il a déclaré que nos pays avaient abdiqué au profit des programmes des institutions de Bretton Woods.
Le représentant du SNOP (Syndicat national des organisations paysannes) a, pour sa part, déploré la liquidation de l’Office du Niger. Selon lui, 75% de la population de la zone sont des paysans et c’est cette population qui nourrit le Mali. Mais, dans les années 80, a-t-il déploré, sous l’ajustement structurel, la BM a conseillé aux Etats africains de faire des cultures de rente au détriment des cultures alimentaires. Plus grave est la situation que vivent aujourd’hui ces mêmes populations, avec la liquidation des petits paysans au profit des gros producteurs. Ce qui, selon lui, s’accompagne de déguerpissements des populations, qui, à ses yeux, constituent un crime contre l’humanité.
Laissons Luc Makendi, un participant venu de la RD Congo, conclure: «la meilleure façon d’aider les Africains c’est de les laisser se débrouiller».
Pierre Fo’o Medjo
Le 22 Septembre 03/11/2011