«Pas du tout facile le jeûne en cette période de canicule», lance le cordonnier Sékou Sylla tout en secouant la tête.
Il confesse que sans la foi, il aurait renoncé.
La forte poussée de canicule qui sévit dans notre pays en ce mois d’avril ne facilite pas le jeûne pour les fidèles musulmans qui sacrifient à une prescription religieuse.
Les jeûneurs éprouvent des difficultés dans des conditions climatiques hostiles à accomplir parfois leur devoir religieux.
C’est le cas de Adama Coulibaly.
Ce mécanicien et chef de garage explique ne pas fonctionner à plein régime du fait de la canicule.
«Ces deux dernières années, le ramadan coïncide avec la période de grande chaleur», relève-t-il.
Pour éviter l’insolation, le mécanicien se couvre la tête avec une casquette noire qu’il n’hésite pas très souvent à imbiber d’eau.
Ce n’est pas tout, l’ouvrier fait ses petites ablutions avec une bouilloire remplie d’eau fraîche.
Il explique utiliser tous ces subterfuges pour se soulager de la chaleur torride et du vent brûlant qui assèche la peau, notamment le visage et les lèvres.
à la rupture du jeûne, le chef de garage boit une quantité importante d’eau pour étancher sa soif.
À quelques encablures de l’atelier d’Adama Coulibaly, officient des cambistes.
Ces jeunes qui font des opérations de change tiennent le même discours sur la canicule étouffante qu’ils jugent insupportable en cette période de ramadan.
Pour tenir le coup, chacun y va de sa petite stratégie pour se préserver des rayons brûlants du soleil.
Oumar Samaké pense avoir trouvé la parade avec un couvre-chef.
Tout comme Bourama Camara qui peine à se détacher d’un bidon d’eau.
Sur ces entrefaites arrive Oumar Ouattara sur sa moto.
Il porte au cou, ce depuis le deuxième jour du ramadan, une petite serviette sèche qu’il s’apprêtait à mouiller pour se rafraîchir le corps.
«Le soleil est vraiment brûlant et c’est ma manière d’y faire face», dit-il, avant d’ajouter se trouver chaque fois soulager par cette méthode surtout lorsqu’il utilise en plus de l’eau glacée.
LES PIEDS DANS UN SEAU D’EAU-Seydou Guindo est un agent de sécurité.
Il monte la garde 12h/24H (c’est-à-dire de 6h à 18h).
«En cette période de forte chaleur, ce n’est pas facile de travailler», souligne-t-il.
Le vigile ne se gêne pas de temps à autre d’abandonner sa position pour trouver un peu de réconfort à l’ombre d’un mur.
Kadiatou Diallo, vendeuse d’eau en sachet, révèle que le ramadan est une niche.
Puisque que la chaleur dicte sa loi, les jeûneurs n’hésitent pas un instant à se procurer de sachets d’eau fraîche pour se rafraîchir le corps.
«Ils passent la journée à se verser de l’eau dessus», confie-t-elle.
Kadiatou écoule une quinzaine de sachets d’eau par jour et empoche un bénéfice de 250 Fcfa sur chaque paquet.
Dans les parages, un vendeur de dattes, Issouf Dicko, y exerce son petit commerce.
Lui explique clairement que le ramadan de cette année lui a été bénéfique sur le plan financier.
Pour se préserver du soleil, il reste à l’ombre d’un arbre et ne se déplace que par nécessité, notamment pour faire des ablutions. Sur un étal voisin, Fatoumata Traoré vend du poisson.
Elle se protège du soleil avec un parasol.
Quand on lui demande une comparaison entre le ramadan de l’année dernière et celui de cette année, la commerçante n’hésite pas une seule seconde à décrier la mévente.
Du fait de délestage, elle n’arrive pas à avoir la quantité de glace souhaitée pour une bonne conservation des poissons qui pourrissent rapidement en période de chaleur.
«Je peux acheter plus de 5.000 Fcfa de glace par jour», dit-elle.
Boukary Karambé assure l’entretien des véhicules.
Contrairement à de nombreuses personnes, lui ne se verse pas de l’eau sur sa tête ou sur le corps encore moins se couvrir avec une serviette mouillée.
Il assure bien travailler malgré la canicule.
A Boulkassoumbougou, les mécaniciens d’un atelier de réparation de véhicules passent pour la plupart la journée dans les bras de Morphée.
D’autres se tournent les pouces.
Au passage de notre équipe de reportage, trois d’entre eux avaient chacun les pieds dans un seau rempli d’eau.
Dans un autre quartier, notamment Ouolofobougou, un jeune homme utilisait la même technique pour se rafraîchir.
Il avait les pieds dans un seau d’eau et se versait constamment de l’eau sur le corps.
Il pense se maintenir ainsi à la bonne température.
Tout comme ce revendeur de cartes de recharge, Mohamed Guindo, qui garde une serviette toute trempée au cou.
Celui-ci nous confirmera faire même ses ablutions avec de l’eau fraîche.
Au niveau du ministère de l’éducation nationale et au «railda» tous les marchands ambulants ou presque tenaient en main un sachet d’eau.
Certains l’utilisent pour se mouiller la tête.
D’autre, tout le corps.
Les femmes aussi souffrent de la canicule et n’hésitent pas non plus à réguler leur température corporelle avec de l’eau fraîche voire avec des glaçons.
Il est aussi facile de constater que les ménagères ont de la peine à assurer la cuisine du fait de la forte chaleur.
C’est le cas de Mme Diallo Néné. Elle avoue avoir eu du mal à préparer pendant les deux premiers jours du ramadan tellement les conditions étaient hostiles.
Pour elle, il est très difficile de concilier le ramadan et la canicule.
LES CONSEILS D’UN MÉDECIN-En cette période de canicule étouffante, certains jeûneurs élisent carrément domicile dans les mosquées surtout lorsqu’il y a de l’air conditionné dans ces lieux de culte.
La mosquée de Djélibougou qui offre ce confort ne désemplit pas avant ou après les prières.
Des fidèles pensent ainsi se préserver de la chaleur, donc de la déshydratation.
Il suffit aussi de faire un tour dans les banques pour comprendre que certains clients qui viennent pour faire des retraits ne montrent pas le moindre signe d’empressement à quitter les lieux. Ils profitent bien de la fraîcheur.
D’autres profitent des ombrages pour respirer de l’air mais surtout se mettre à l’abri de brûlants rayons solaires. Mais les plus nantis se préoccupent moins de la situation.
Ils disposent de climatiseurs.
La vieille Mariam Dembélé explique avoir informé son fils d’une éventuellement augmentation considérable de la facture d’électricité puisqu’elle compte en user, voire en abuser pendant toute la période de chaleur.
Dr Ousmane Touré, médecin généraliste à l’hôpital Gabriel Touré, conseille de boire beaucoup et de privilégier les aliments légers lors des repas.
Il exhorte au port des casquettes pour ceux qui travaillent sous le soleil mais surtout à se mettre souvent sous hangar.
Le médecin explique que la forte chaleur peut provoquer une déshydratation, une fièvre, des maux de tête et déboucher sur des complications pour les malades chroniques.
Concernant l’attitude des jeûneurs, qui à longueur de journée, s’aspergent d’eau fraîche ou trempent leurs pieds dans l’eau, le prêcheur Ahmadou Diallo rassure que ceci ne compromet en rien le jeûne.
Selon, lui, ces jeûneurs agissent ainsi parce qu’il fait très chaud et c’est une alternative pour eux de se maintenir à la bonne température.
Par contre, il prévient qu’en voulant se soulager, si l’eau pénètre par la bouche, le nez ou les oreilles, le jeûne ne sera pas validé.
Fatoumata NAPHO
Source: L’Essormali